E comme Emigrants


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L’apprentissage : E comme Emigrants. Un livre sur Internet, sous forme d’abécédaire, pour dire en 100 mots comment la France adopte ses enfants de migrants. Véritable « Lettres persanes » du XXIe siècle, l’initiative de la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a séduit Afrik.com qui a décidé de vous offrir deux mots par semaine. A savourer, en attendant la parution du livre en février 2007.

De A comme Accent à Z comme Zut, en passant par H comme Hammam ou N comme nostalgie, 100 mots pour un livre : L’apprentissage ou « comment la France adopte ses enfants de migrants ». Une oeuvre que la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a choisi de publier d’abord sur Internet. Un abécédaire savoureux qu’Afrik a décidé de distiller en ligne, pour un grand rendez-vous hebdomadaire. Une autre manière d’appréhender la littérature…

E

EMIGRANTS

Je déteste le mot Immigrés.

Je préfère Emigrants.

Immigrés, c’est la migration vue du côté de celui qui voit arriver l’étranger.
Emigrants, c’est la même chose vue du côté des principaux intéressés.
Emigrants, c’est plus proche du vécu des gens, c’est plus déchirant.
C’est plus dérangeant.
Immigrés, cela devient simplement des gens qui viennent vous déranger.

Immigrés, cela sonne comme immiscés, immergés – emmerdants!
Mais dans émigrant, j’entends exil, éloignement, évasion, envolée, espoir, échappée.

Voilà pourquoi moi je préfère dire que je suis fille d’émigrants: ce mot fait honneur à mes parents, ce mot me remet toujours en mémoire cet effort qu’ils ont fait, cette décision difficile et douloureuse qu’ils ont prise en jour, comme des millions d’émigrants de par le monde, tout quitter, tout laisser, une maison un confort une famille des amis une vie bien réglee, ce mot me dit que l’émigration reste et restera d’abord une aventure, individuelle et familiale, pour tous ceux qui la vivent, et le mot aventure plaît à l’Occident qui lui colle des images d’explorateurs de jungle de danger mais émigrer c’est un million de fois plus difficile plus héroïque que trois jours sur une île Koh-Lanta ou qu’un Paris-Dakar.

Dans la première moitié du XX° siècle, grande époque de migrations, mais migrations européennes essentiellement, on parlait d’émigrants. D’exilés. Jamais d’immigrés. Comme Blaise Cendrars dans son poème « Pâques à New York », ou Jacques Prévert avec « Etranges étrangers ».

Dans le Dictionnaire des synonymes de la langue française, Librairie Larousse 13 à 21 rue Montparnasse et 114 Bd Raspail (6°), Copyright 1947, qui est l’un des nombreux livres que mon père a emportés avec lui dans nos deux successives émigrations, et que j’utilise aujourd’hui à mon tour, je trouve, au mot « Immigration », cette excellente définition, et ce conseil fort sage: « v. Emigration ».

On comprenait mieux l’émigration en France, en 1947, lendemain de guerres mondiales et de millions d’émigrations internationales, douloureuses et forcées comme le sont presque toujours toutes les émigrations, qu’aujourd’hui où on en parle tant et où on en prétend la traiter.

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