Violences en Egypte : les raisons de la colère à Port-Saïd


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Depuis samedi, la ville de Port-Saïd est le théâtre de violentes émeutes entre les habitants et les forces de l’ordre. Au moins 33 personnes ont péri dans les affrontements. Pour stopper l’escalade de la violence, le président égyptien Mohamed Morsi a décrété l’état d’urgence dans la ville ainsi qu’à Suez et Ismaïlia. L’annonce de la condamnation à mort de 21 personnes accusées d’avoir participé à la bousculade meurtrière survenue en Février 2012 dans un stade de football de la ville a mis le feu aux poudres. Eclairages.

Port-Saïd endeuillée. Les habitants de la ville égyptienne ont ce lundi matin toujours le cœur gros suite à la mort des 33 personnes qui ont péri samedi dans les affrontements avec la police. Une violence qui a refait irruption comme un oiseau de mauvais augure lorsqu’ils étaient sur le point d’enterrer leurs morts. Funérailles macabres. Le cortège essuie des coups de feu. Personne ne sait d’où ils viennent ni qui a tiré en premier : l’armée ? Les forces de l’ordre ? Furieuse, la foule réplique à son tour et lance des gaz lacrymogène.

Des tensions qui surgissent suite à l’annonce de la condamnation à mort des 21 personnes accusées d’avoir participé aux violences qui ont fait 74 morts en février 2012 dans le stade de football de Port-Saïd. Tous originaires de la ville, les condamnés à mort, qui sont pour la plupart jeunes, ne seraient plus que 20. L’un d’entre eux a péri au sein du tribunal après avoir clamé mainte fois son innocence.

Des condamnations qui ont heurté les habitants de Port-Saïd. Ces derniers accusent le pouvoir de faire de leur ville le principal « bouc émissaire » du tragique évènement. D’autant que pour nombre d’Egyptiens, les forces de l’ordre sont les principaux responsables du drame, notamment les officiers supérieurs et militaires. Ils auraient laissé faire et encouragé en fermant les portes du stade et éteignant les lumières. En tout, 54 policiers devaient également être jugés. Mais ils ont vu leur procès reporté. Une mesure qui a particulièrement mis en colère les résidants de Port-Saïd, qui crient à l’injustice et réclament que ces policiers soient également mis sur le banc des accusés et répondent de leurs actes.

Relations toujours houleuses avec la police

De nombreuses personnes attendaient en effet le jour du jugement près de la prison. Et dès l’annonce du verdict, elles laissent leur colère longtemps enfoui au fond d’elles éclater. Certains tentent même de libérer des prisonniers. Et des affrontements éclatent avec la police qui lance des gaz à lacrymogène. Deux policiers auraient péri dans les sanglants heurts. Face à l’escalade de la violence, le président égyptien a décrété l’état d’urgence dans la ville ainsi que qu’à Suez et Ismaïlia, invitant l’opposition à dialoguer.

Les relations entre le ministère de l’Intérieur et nombre d’Egyptiens sont toujours houleuses, deux ans après la chute de Hosni Moubarak. Les policiers sont toujours honnis par une grande partie de la population, qui estime que les enquêtes judiciaires menées par la police sont biaisées. D’ailleurs, depuis le début de la révolution, les révolutionnaires qui ont provoqué la chute de Hosni Moubarak, le 11 février 2011, réclament que le ministère de l’Intérieur soit totalement réorganisé. Une requête qui n’a toujours pas été entendu par les Frères musulmans au pouvoir, dénoncent-ils. Pourquoi Mohamed Morsi ne répond-t-il pas à notre demande ? Protégerait-il le ministère de l’Intérieur et l’armée pour préserver son régime ? Des questions qui trottent toujours dans la tête de ceux qui ont mis un terme au régime de l’ex-rais égyptien.

Quant à l’armée, qui constituait le socle du régime de Hosni Moubarak, elle a décidé de ne pas intervenir pour mettre un terme aux violences qui ont endeuillée le pays ces jours-ci. Elle a seulement indiqué qu’elle protégerait le canal de Suez en cas d’attaques. Même si elle s’est mise en retrait, cela ne signifie pas pour autant qu’elle n’a plus la main dans le pays, selon des observateurs de la politique égyptienne. Elle joue toujours un rôle dans l’ombre. Certains révolutionnaires dénoncent d’ailleurs un triptyque composé de l’armée égyptienne, du pouvoir et ministère de l’Intérieur. Une sorte d’alliance qui leur permettrait de préserver leurs intérêts.

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