RDC : Le double discours de Kinshasa à l’Union européenne


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Lors du dernier Sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba en Ethiopie (les 2 et 3 juillet 2017), les autorités RD congolaises ne se sont pas privées de critiquer vertement l’Union européenne et ses sanctions à l’encontre des proches de Joseph Kabila. Pourtant, ce mercredi 5 juillet à Strasbourg, c’est un tout autre discours que Leonard She Okitundu, le vice-Premier Ministre et ministre des Affaires étrangères congolais, devrait tenir lors de son entrevue avec Federica Mogherini, le haut-représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Le 29ème Sommet de l’UA à peine terminé, le vice-Premier Ministre, et habile ministre des affaires étrangères de RDC, Leonard She Okitundu, a fait ses bagages, direction Strasbourg, en France, siège du Parlement européen. Ce mercredi 5 juillet, celui-ci a rendez-vous avec le haut-représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Gant de crin à Addis-Abeba, gant de velours à Bruxelles

Une rencontre qui se déroule dans un contexte particulier. Trois jours plus tôt, à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, la délégation RD congolaise, conduite par le Président Joseph Kabila lui-même, n’a en effet pas manqué de critiquer vertement l’Union Européenne qui a multiplié ces derniers mois les sanctions à l’encontre des caciques du régime RD congolais. Les termes d’ « ingérence » ou de « néo-colonialisme » ont fait florès dans la bouche des proches du Président Kabila. Ceux-ci ont même de temps à autre été accompagnés de quelque savoureux quolibets. Certains chefs d’Etat africains, à la longévité record au pouvoir, n’ont pu naturellement qu’apprécier…

Demain, pourtant, le ton de la délégation congolaise sera tout autre. «d’acrimonieux, le verbe devrait devenir mielleux », pronostique un fin connaisseur des relations entre l’UE et la RDC. Après le gant de crin d’Addis, Leonard She Okitundu s’apprête donc à revêtir un gant de velours à Strasbourg. En effet, Kinshasa, en dépit des postures officielles, cherche à marche forcée à renouer les fils du dialogue avec une Union Européenne, agacée par l’attitude dilatoire de Joseph Kabila qu’elle soupçonne d’user de tous les stratagèmes pour retarder la date des élections.

L’objectif des autorités congolaises en l’espèce : montrer à son opinion publique qu’entre Kinshasa et les instances européennes, au fond, tout ne va pas si mal. Mais aussi tenter de desserrer l’étreinte européenne sur le régime, qui interdit tout soutien du FMI au pays, alors que ce dernier en aurait bien besoin. Car au Congo-Kinshasa, la crise est aussi économique. Pour preuve, le dévissage de la monnaie locale : un dollar s’échange désormais contre plus de 1500 francs congolais.

« On bombe le torse à Addis, on s’incline à Strasbourg »

Pour justifier cette rencontre, les autorités congolaises ont également tout prévu. Officiellement, Leonard She Okitundu vient plaider avec fermeté en faveur de l’arrêt des sanctions à l’encontre des responsables du régime. C’est ainsi que ce déplacement doit être « vendu » à l’opinion publique. En réalité, le discours devrait être tout autre et autrement plus conciliant. « Il s’agira quasiment pour le pouvoir congolais de faire amende honorable », indique un diplomate européen de haut-rang très au fait du dossier. « Le ministre congolais dira : nous voulons coûte que coûte organiser les élections, nous enquêtons au Kasaï, nous jugeons les responsables du meurtre des inspecteurs de l’ONU, etc., etc., voilà ce à quoi Mme Mogherini doit s’attendre demain », précise ce dernier. Bref, « on bombe le torse à Addis, on s’agenouille à Strasbourg », résume cet autre diplomate habitué des changements de posture à 180 degré.

Enfin, dernier but de guerre de cette entrevue du coté congolais : décrocher une photo tout sourire entre She Okitundu et Mogherini. « Un peu comme celle prise entre le Président Kabila et Alassane Ouattara à Addis-Abeba », nous confie, mi-naïf mi-fier, un des proches du ministre. Un cliché censé démontrer le soutien sans faille des Etats africains à l’endroit du régime de Kinshasa, que les communicants de la présidence ont allègrement exploité sur les réseaux sociaux. Dans la délégation du ministre congolais, on appelle cela un « trophée » ou encore un « scalp ». Federica Mogherini est prévenue…

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