Que se passe-t-il à la Société Africaine de raffinage au Sénégal ?


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Société de Raffinage
Société de Raffinage

Selon plusieurs médias sénégalais de premier ordre, la gestion de la Société Africaine de Raffinage (SAR) est devenue « complexe ». Et c’est peu dire !

Qu’est-ce que la SAR ?

La SAR est une entreprise citoyenne qui participe au développement économique et social du Sénégal. Elle a été créée en 1961, et a été inaugurée par Léopold Sédar Senghor, ancien Président du pays. Elle est l’une des premières entreprises du Sénégal en termes de chiffre d’affaires et au cœur de la politique énergétique du pays. La SAR assure l’approvisionnement du marché sénégalais en produits pétroliers de qualité.

Qui dirige la SAR ?

En 2020, l’Etat du Sénégal a nommé Mme Marième Ndoye Decraene, Polytechnicienne, à la tête de la structure. Elle remplace Serigne Mboup, proche du chef de l’Etat Macky Sall qui l’avait ainsi envoyé en mission dans l’entreprise. Mme Marième Ndoye Decraene avait occupé le poste de Directeur des Routes au sein du ministère en charge des Infrastructures et des Transports terrestres, d’avril 2013 à janvier 2018. La nouvelle cheffe de la SAR dirigeait jusque-là, et en parallèle, l’Unité de Formulation du Compact “Millenium Challenge Account” (UFC-MCA) qui avait en charge la coordination, la formulation et la préparation à la mise en œuvre d’un Compact du gouvernement américain portant exclusivement sur le secteur de l’énergie.

Qui sont les actionnaires ?

En 2021, la SAR est toujours une société anonyme dont l’Etat, à travers Petrosen Holding SA, détient majoritairement les actions (46%) et le contrôle. Les autres actionnaires sont Locafrique (34%), Itoc SA (5%), Total Energies Marketing Sénégal SA (6,82%) et Sahara Energy Ressources Limited (8,18%).

Quels sont les problèmes identifiés ?

Une levée de fonds onéreuse avec des primes de 8 milliards de FCFA, une gouvernance manifestement fragile, des pertes de plusieurs milliards, un entente supposée hasardeuse à 200 millions d’euros à l’insu du Conseil d’administration, une assignation ubuesque pour obtenir un forcing…. Tels sont les sujets qui alertent toute la presse sénégalaise en cette mi-décembre. La direction générale de Petrosen (actionnaire majoritaire), serait-t-elle en train de semer les graines de la confusion à la Société africaine de raffinage (SAR) ?

Que s’est-il passé ?

Le 10 décembre 2021, une ordonnance rendue par le Président du tribunal de Commerce de Dakar, Malick Lamotte, indique que Petrosen Holding SA et la Société Africaine de Raffinage avaient été autorisées à assigner Locafrique (actionnaire minoritaire) pour « entendre constater l’abus de minorité de Locafrique SA ». Au titre de l’exercice 2020, la SAR a réalisé une perte de 59 milliards de FCFA avec des fonds propres négatifs de 53 milliards de FCFA découlant d’une mauvaise gestion.

Pourquoi une telle assignation entre les actionnaires ?

Le 22 octobre 2021, le Conseil d’administration de l’entreprise devait préparer l’augmentation de capital, d’en fixer les modalités, puis de les soumettre à l’Assemblée générale Extraordinaire (AG-Extra) pour approbation. En effet, l’objectif de certains actionnaires était de confier la décision d’augmentation du capital au Conseil d’administration.

Locafrique s’y est opposée en proposant que la décision finale soit laissée à l’AG-Extra de la SAR. Cette position était d’autant plus juste qu’à la date du 22 octobre 2021, les actionnaires n’avaient reçu aucun rapport du Conseil d’administration, ni des commissaires aux comptes de la SAR.

Le 30 novembre 2021, le journal Libération révélait que sans aucun appel d’offres, ni avis du Conseil d’administration et à l’insu de ce dernier, la SAR, via Petrosen, prévoyait d’exécuter une commande de 200 milliards de FCFA à la faveur de l’arrêt métal décrété pour une période de 100 jours, destinée à la commande de l’ensemble des produits blancs (super, gasoil…).

Le 6 décembre 2021, dans le cadre de la commande des 200 milliards de FCFA (300 millions de dollars), un premier navire de 26 000 tonnes de gasoil a été déchargé, au grand étonnement du Conseil d’administration. Entretemps, le 1er décembre 2021, l’AG-Extra s’est réunie pour statuer et prendre une décision collective sur les modalités de la recapitalisation.

Lors de cette rencontre, Locafrique a souhaité un débat sur un procédé plus rapide et plus efficace dans l’intérêt de la SAR en expliquant les avantages de procéder à une réévaluation libre des actifs, le tout en relation avec des éléments nouveaux portés à sa connaissance.

Une Assignation contre la transparence

Ce débat n’a pas pu avoir lieu et les arguments de Locafrique n’ont pas pu être expliqués, parce que ses représentants ont été contraints, à leur grande surprise, de voter pour ou contre la résolution suite à l’intervention du représentant de l’Etat.

La démarche de Locafrique tendait à instaurer un débat exhaustif sur les avantages de la réévaluation libre des actifs et il ne s’agissait nullement d’entraver les intérêts de la SAR.
L’essentiel pour elle était d’éclairer, d’alerter en donnant le maximum d’informations aux actionnaires, à la société et aux autorités étatiques, dans le cadre d’une AG-EXTRA où les questions relatives à la SAR doivent être débattues librement entre actionnaires.

N’ayant pas pu exposer librement et plus amplement ses positions tout en étant sommée de voter sans débats la résolution proposée à l’ordre du jour, Locafrique a exprimé son opposition par un vote négatif ainsi qu’il résulte du procès-verbal de l’ AG-EXTRA du 1er décembre 2021. C’est ainsi que la SAR et Petrosen Holding SA ont estimé devoir l’attraire devant le juge pour faire voter la résolution par une tierce personne.

Pourtant, depuis son entrée dans le capital de la SAR et jusqu’à l’exercice en cours, Locafrique a tout le temps œuvré pour l’intérêt de la SAR. Ainsi, elle a aidé la raffinerie nationale en mettant en place une ligne de 250 millions d’euros pour le financement de ses importations au moment où son déficit de trésorerie ne lui permettait pas d’émettre de la dette auprès des partenaires financiers de la place.

Une Ligne de crédit à 250 millions d’euros

De plus, elle a participé à diminuer les différentiels au cours de l’année 2021 pour permettre à la SAR de maîtriser ses marges et d’être profitable, à la suite d’une décision de son conseil d’administration.

Dans la souci de renforcer les fonds propres de la SAR, elle a ainsi proposé une réévaluation du patrimoine immobilier composé d’un terrain d’une superficie de 92 hectares dont l’évaluation au niveau financier était estimée autour de 109 millions FCFA, (estimation réalisée en 1961, lors de la date de création de la SAR…)

La valeur actuelle du terrain de la SAR pourrait ainsi être réévaluée à 115 milliards de FCFA. La réévaluation pourrait dégager un écart positif de 114 milliards de FCFA permettant de corriger largement les fonds propres négatifs avec au final un solde de fonds propres positifs de l’ordre de 61 milliards de FCFA au maximum !

Pourquoi la SAR veut coûte que coûte procéder à une levée de fonds trop coûteuse pour les actionnaires et lourds d’engagements pour elle-même ?

En effet, après la présentation d’un plan stratégique par la SAR, un mandat de levée de fonds de 420 milliards de FCFA a été présenté aux actionnaires pour augmenter les capacités de production (175 millions d’euros) pour les investissements stratégiques, 256 millions d’euros pour la restructuration de la dette et 210 millions d’euros pour une ligne de crédit renouvelable.

A la suite de cette analyse et des éléments portés à la connaissance de Locafrique, il est apparu que la SAR n’a pas besoin de cette enveloppe car elle dispose déjà de 440 millions d’euros, une ligne disponible pouvant satisfaire largement aux besoins. Or, la levée envisagée fait apparaître des frais et commissions connus de plus de 8 milliards de FCFA (frais de succès, intermédiation, frais de consultants externes…).

Gouvernance fragile ?

Pendant ce temps, des pratiques inédites sont toujours en cours à la SAR. La preuve :
des commandes de produits estimée à plus de 300 millions de dollars ont été passées sans appel d’offres et à l’insu du Conseil d’administration.

Toujours selon ces mêmes médias, dans des conditions opaques qui laissent présager de graves conséquences économiques et financières pour la SAR, alors qu’on parle de recapitalisation et de plan de financement de plus de 420 milliards de FCFA entièrement basés sur les fonds des actionnaires et des deniers publics.

L’actionnaire Locafrique, qui refuse de cautionner cette aventure destinée à gaver de commissions certains au détriment des intérêts de l’entreprise, s’est vue attraire en justice pour abus de minorité. Ainsi va la SAR, où la « gestion » des approvisionnements a causé une dette de 75 milliards de FCFA et des pertes de l’ordre de 59 milliards.

Qu’est-ce que cela cache ?

La SAR a bénéficié de la connivence de Petrosen. Ce n’est donc point un hasard si les deux ont attaqué Locafrique en justice. Tous ces milliards (supposés) alourdissent le coût de la vie et aggravent les difficultés des Sénégalais qui subissent au quotidien une augmentation croissante des prix des denrées de première nécessité. Nous suivons l’affaire de près.

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