Nigeria : Des milliers d’habitants fuient pour échapper aux violences, qui auraient fait des centaines de morts


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Des milliers de civils ont fui leurs villages dans l’Etat du Delta, au Nigeria, lorsque les forces armées du gouvernement ont lancé une offensive contre des mouvements militants.

Les villageois du royaume de Gbramatu, dans l’Etat du Delta, ont rapporté que les villages d’Oporoza et d’Okerenkoko avaient essuyé des tirs de mitraillette nourris, provenant d’hélicoptères qui volaient à basse altitude, le 15 mai. Des témoins ont rapporté avoir vu au moins 100 corps sans vie, selon Lucy Freeman, militante en faveur de la cause nigériane chez Amnesty International.

Selon les estimations de la Croix-Rouge nigériane, 1 000 déplacés ont fui à Ogbe Ijoh (chef-lieu de la région autonome de Warri-South), où ils sont hébergés dans une école primaire et un hôpital.

Des témoins ont rapporté que quelque 3 000 personnes avaient fui et selon les estimations d’Amnesty International, pas moins de 10 000 habitants pourraient être en cours de déplacement.

« J’ai dû partir de chez moi en précipitation. Je n’ai rien pris du tout avec moi. J’ai 10 enfants, mais je ne sais pas du tout où ils sont. Je ne peux pas dire combien de personnes ont été tuées ou blessées, mais il y en a eu beaucoup. Je ne peux même pas les compter », a raconté à IRIN Patricia Okolo, originaire d’Okerenkoko, depuis Ogbe Ijoh.

« Je ne sais pas où est mon mari. Je suis la seule à être arrivée ici ».

La plupart des déplacés sont des femmes et des enfants, les hommes craignant d’être attaqués ou tués, a expliqué Egbero Ococity, représentant de la Croix-Rouge nigériane, depuis Ogbe Ijoh. Nombre d’hommes se sont cachés dans la forêt, où ils n’ont ni eau salubre, ni vivres, ni refuge, a-t-il dit.

Une force d’intervention spéciale conjointe (JTF), composée de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air et de la police mobile, a lancé une offensive contre les communautés des régions autonomes de Warri-South et Warri-Southwest, le 13 mai, après que des soldats de la JTF eurent été attaqués par des groupes armés de l’Etat du Delta, a rapporté Amnesty International.

En réaction, le Mouvement pour l’émancipation du Delta du Niger (MEND), un groupe qui chapeaute un certain nombre de factions militantes, a déclaré une « guerre ouverte » dans un communiqué de presse publié le 15 mai. Les groupes militants déclarent lutter pour assurer aux populations locales un meilleur contrôle des richesses pétrolières que renferme cette région pauvre.

« Traumatisés »

« Les civils font les frais de ces violences. Nous sommes très inquiets de voir que les spectateurs de ce conflit ont été tués, blessés ou déplacés », a déclaré Mme Freeman d’Amnesty.

Les membres des communautés des villages ciblés ont expliqué que les forces militaires recherchaient les militants.

Certains villageois ont également expliqué à Amnesty International qu’ils avaient été attaqués alors qu’ils tentaient de s’enfuir en bateau (seul moyen pour fuir la zone d’affrontement). Le delta se compose d’un réseau dense de criques d’eau douce, dont une bonne partie est accessible uniquement par bateau.

Selon Attah Benson, coordinateur des mesures de gestion des catastrophes à la Croix-Rouge nigériane, il est encore trop dangereux pour les organisations non-gouvernementales (ONG) de s’approcher de la zone touchée. « Nous ne pouvons aider que les personnes qui quittent la zone ».

La Croix-Rouge collabore avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la National Emergency Management Agency et d’autres organismes, pour distribuer des vivres, de l’eau, des couvertures, des ustensiles et des trousses d’hygiène aux populations dans le besoin, a indiqué M. Benson.

« Ils (les déplacés) ont besoin de vivres, d’eau, d’un refuge et de couvertures pour soulager leurs souffrances », a expliqué à IRIN M. Ococity, de la Croix-Rouge. « Ils dorment à même le sol. Ils ont été traumatisés par les attaques et par ce qu’ils ont vécu dans les palétuviers alors qu’ils tentaient de s’échapper ».

« La frustration se voit sur leurs visages. La faim les fait souffrir, la plupart d’entre eux n’ayant rien mangé pendant quatre jours ».

Un représentant des autorités locales a expliqué que les forces du gouvernement n’avaient pas attaqué les communautés, mais qu’elles ciblaient les « criminels ». « Quiconque dira que nous avons attaqué une communauté, qu’il vienne nous montrer de quelle communauté il parle. Nous menons des raids, conformément à nos informations, dans les cachettes et les dépôts d’armes des militants », a déclaré à IRIN le colonel Rabe Abubakar, porte-parole de l’armée dans le Delta du Niger.

« Il s’agit en substance d’assurer la sécurité dans la région. Nous ne ciblons aucun groupe, aucune communauté ni aucun individu. Nous ciblons les criminels responsables de ces attaques atroces, sauvages et barbares », a-t-il ajouté.

L’offensive porte à croire qu’un « changement de direction inquiétant » est en train de s’opérer dans l’approche adoptée par le gouvernement, à en croire Mme Freeman. Ces derniers mois, un comité gouvernemental a recommandé d’amnistier certains militants politiques.

En février 2009, le gouvernement du président Umaru Yar’Adua a assuré au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies qu’il s’abstiendrait de toute offensive militaire dans la région du Delta, car cela mettrait en péril la vie de nombreux innocents.

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