Les sociétés africaines face aux maladies mentales


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Globe terrestre
Globe terrestre représentant une partie de l'Afrique

Les maladies mentales sont totalement déniées en Afrique. La prise en charge et le traitement des malades y sont quasiment inexistants. Absence de médecins, maladies jugées honteuses, manque de médicaments, de toute manière trop chers, et appel aux guérisseurs plutôt qu’aux psychiatres, voilà le tableau – très sombre – de la situation.

La semaine dernière s’est tenu pendant trois jours à Dakar, au Sénégal, le premier Congrès sur la santé mentale en Afrique. Réunissant 150 psychiatres, psychanalystes, psychologues, anthropologues, pharmaciens et assistants sociaux, venus d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du Nord, cette rencontre avait pour objectif de faire le point sur les pratiques et les usages portant sur les maladies mentales, ainsi que d’élaborer de nouvelles politiques de soins face à une situation désastreuse.

Le mauvais état de la psychiatrie s’explique d’abord par des raisons financières. Dans des pays où les systèmes de santé générale ne reçoivent déjà que de faibles subventions, ceux de la santé mentale sont totalement délaissés. Il faut ajouter à cela que tant d’autres maladies mortelles frappent le continent que les Etats n’ont pas les moyens de faire face. On se retrouve alors avec le chiffre effarant, établi par l’OMS, d’environ un psychiatre pour cinq millions d’habitants, contre un pour mille en Europe. L’Ethiopie illustre parfaitement cette défaillance en ne comptant que dix psychiatres pour toute sa population.

Guérisseurs et dirigeants religieux

Ces chiffres catastrophiques expliquent en partie la place prépondérante occupée par les pratiques traditionnelles dans les soins portés aux malades. Ceux-ci commencent d’abord par consulter un guérisseur et ne sont pris en charge que très tard dans l’évolution de leur maladie par les services de soins classiques.

Le poids des croyances traditionnelles pèse également très fort. Les malades sont considérés comme possédés par l’esprit des ancêtres ou bien agressés à travers la sorcellerie. Cela entraîne des réponses inadaptées et contribue à stigmatiser ceux qui souffrent de maladies mentales. Ce sont les guérisseurs et les dirigeants religieux, comme les prêtres, qui sont ainsi amenés, de par l’influence de la tradition et le manque d’infrastructures adéquates, à traiter les maladies mentales. En Ethiopie environ 85 % des malades s’adressent à eux, tandis qu’au Sénégal ils sont près de 90 %.

Cérémonie du Ndëp

Une des solutions envisagées pour remédier à cette absence de traitements adaptés envisage d’intégrer les pratiques traditionnelles aux soins classiques. Certaines méthodes des marabouts vont en effet dans le bon sens. Tel est le cas, au Sénégal, du Ndëp, cérémonie à laquelle les guérisseurs associent non seulement le malade, mais aussi sa famille et tout le quartier. Etant donné que les maladies mentales affectent la relation de l’individu avec son environnement, le Ndëp apporte une réponse positive en permettant de recréer un lien avec la communauté.

Beaucoup reste à faire face à l’absence de structures et à la mise au ban des malades par les sociétés, alors qu’au début des années 1990, seuls 23% des Etats africains étaient dotés d’une législation concernant la santé mentale et reconnaissant des droits aux personnes atteintes de maladies mentales.

Problèmes de fond

Enfin, face à la dépression, la schizophrénie et l’épilepsie – les maladies mentales les plus répandues en Afrique -, il faudrait également s’attaquer aux problèmes de fond qui minent les sociétés africaines et constituent les principales causes des maladies mentales. Le chômage, l’absence de logements, la pauvreté, la toxicomanie, l’alcoolisme, la mortalité périnatale, le sida, les guerres et les conflits internes ont un impact énorme sur la santé mentale des populations.

Rien ne pourra être fait en matière de santé mentale si les Etats africains ne se décident pas à s’attaquer de front au problème et à se donner les moyens de mettre en place et de développer des structures adéquates. Mais, dans l’état actuel des choses, les maladies mentales risquent bien de restées ignorées encore longtemps.

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