Le Pen fabrique des chiffres sur la délinquance des immigrés en France


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Jean Marie Le Pen a affirmé sur RTL, la semaine dernière, que les étrangers sont responsables des 90% des faits divers relevés en France. Un chiffre que conteste l’Observatoire national de la délinquance (OND). Pour cet organisme public, 12,5% seulement des délinquants sont étrangers. Pour le Mouvement des jeunes socialistes, le président du Front national stigmatise les étrangers à l’aide de « faux chiffres ».

Christophe Soullez est formel : « Nous ne confirmons pas ces chiffres ». Pour le chef du département Observatoire national de la délinquance (OND), une instance de l’Institut national des hautes études statistiques (INHES), chargé de suivre, via les données des forces de l’ordre l’évolution des délits et crimes en France, les chiffres avancés par Jean-Marie Le Pen sur la délinquance des étrangers n’ont rien d’officiel. S’exprimant sur la politique d’immigration du président français Nicolas Sarkozy, le jeudi 20 août sur RTL, le président du Front National (FN) avait déclaré que «90% des faits divers ont à leur origine soit un immigré, soit une personne d’origine immigrée ». Il avait ajouté : « Nicolas Sarkozy est un menteur et il ne se donne pas les moyens de faire la politique qui serait celle de la sécurité qui passe d’abord par le contrôle de l’immigration, immigration qui n’a cessé d’augmenter dans notre pays et qui crée la situation principalement d’insécurité ».

12,5% des étrangers impliqués dans les actes de délinquance

La loi française interdit l’établissement de statistiques ethniques. Mais les rapports de la police sur la délinquance distinguent toutefois les cas imputables aux Français de ceux des étrangers vivant en France. En observant les données directement liés à l’insécurité, comme les atteintes à l’intégrité physique des personnes ou les atteintes aux biens, on se rend bien compte que le chiffre avancé par Jean Marie Le Pen est erroné. L’OND relève ainsi que le nombre des étrangers impliqués dans la délinquance en France reste pratiquement stable depuis une dizaine d’années. Il se situe entre 10 et 14% du total national. En 2007, pour un million de personnes mises en causes pour crimes et délits, hormis les infractions à la législation sur l’entrée et le séjour des étrangers (ILE), l’OND dénombrait 127 092 étrangers, soit 12,5%. Cinq ans plus tôt en 2002, 845 000 personnes avaient été mises en cause pour les mêmes types de violation de la loi : 13,6% d’entre elles étaient de nationalité étrangère. Ce pourcentage s’établira à 14% en 2003, pour redescendre à 13,8% en 2004.

L’OND relève que le nombre d’étrangers impliqués dans des délits d’atteintes aux biens a baissé de 8,1% de 2006 à 2007. « En 2007, plus de 30 000 étrangers ont été mis en cause pour atteintes volontaires à l’intégrité physique hors vol », lit-on dans le dernier rapport de l’OND. Pendant ce temps, le nombre de Français mis en cause pour le même type d’infractions a connu un petit bond de 7,2%. Sur la même période, alors que le nombre d’étrangers accusés d’infractions à caractère financier baissait de 4,2% (moins 499 cas), celui des français connaissait une hausse de 2,7% (plus 1806 cas).

Les infractions sur les titres de séjour constituent l’exception

Les infractions liées à l’entrée et au séjour des étrangers (ILE) constituent (évidemment) la seule catégorie dans laquelle les étrangers tiennent le haut du pavé. Ils sont 109 000 en 2007, à avoir eu affaire aux services de la police pour ces infractions, soit 46% du total des étrangers mis en cause. Une conséquence sans doute, du durcissement des conditions d’obtention des titres de séjour.

Afrik.com a tenté, en vain, de joindre lundi le Front National, pour avoir la source des « 90% » évoqués par Jean Marie Le Pen. L’immigration reste le thème de prédilection du leader du FN, qui en a toujours fait son principal cheval de bataille électoral. Lors de la campagne présidentielle de 2007, il promettait de faire la chasse aux « faux touristes » et de « (rétablir) de la préférence nationale » s’il était élu, attribuant la hausse du taux du chômage à la « folle politique d’ouverture généralisée des frontières humaines, commerciales, sanitaires et internationales ». Et l’homme est prêt à tout pour étayer ses thèses nationalistes, même à affirmer des contrevérités.

Le président de SOS Racisme dénonce ce qu’il qualifie de nouvelle provocation. « C’est une provocation supplémentaire. Jean Marie le Pen tente par ce biais de se relancer. Mais les chiffres qu’il a avancés sont farfelus. (…) Cela laisserait à penser qu’il y a un lien entre l’origine des gens et un comportement. Ce qui est non seulement faux, mais revient à racialiser la question de la délinquance », a déclaré Dominique Soppo.

Le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) ne dit pas autre chose. Dans une déclaration publiée dimanche, le (MJS) a laissé entendre que Le Pen a menti. «Nous, jeunes socialistes, tenons à rappeler à Jean Marie Le Pen que le poids d’une affirmation tient dans sa véracité. Nous refusons que les étrangers soient stigmatisés ainsi, surtout à travers des accusations faites de faux chiffres. (…) les jeunes socialistes ne tolèrent aucun propos, aucune action qui consiste à alimenter la peur des étrangers. Nous en sommes convaincus, l’immigration est un facteur d’enrichissement culturel, social et économique ».
Voilà une vérité qui fait l’unanimité.

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