Coup d’État déjoué au Tchad : « Le régime de Déby qui repose sur l’armée est faible »


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Les autorités tchadiennes ont déjoué mercredi une tentative de coup d’État destiné à renverser le régime d’Idriss Déby. Pour le moment, aucune piste ne permet de déterminer les véritables commanditaires de cet acte. Interrogés par Afrik.com, certains spécialistes soulignent la fragilité du régime de N’Djamena.

Le coup d’État manqué du 1er mai contre Idriss Déby est encore sur toutes les lèvres au Tchad. Le communiqué lu à la télévision par Hassan Sylla, ministre de la Communication a pris le pays de court : « Aujourd’hui, un groupe d’individus animés de mauvaises intentions a tenté de mener une action visant à déstabiliser les institutions de la République. C’était sans compter les vaillantes forces de sécurité qui les surveillaient depuis décembre 2012 et les ont neutralisés ce matin ».

Si le coup d’Etat a été déjoué par les forces armées du pays, plusieurs personnes ont été tuées à la suite de violents affrontements entre les présumés conspirateurs et forces de l’ordre. Selon des sources militaires qui se sont confiées à l’AFP, trois à huit personnes ont péri et une quinzaine d’autres ont été blessées.

L’information verrouillée

Selon le journal tchadien en ligne, Journaldutchad.com, les principaux auteurs arrêtés ont été confiés au Procureur de la République pour les besoins de l’enquête. Pour l’instant, les informations tombent au compte-goutte. La présidence mène une campagne de communication très efficace
et tente au maximum de verrouiller l’information. Tout ce que l’on sait, c’est qu’un député de l’opposition Saleh Makki, soupçonné d’avoir soutenu la tentative de putsch, qui appartient au parti Coordination des Partis politiques pour la Défense de la Constitution (CPDC), a été interpellé.

Qui serait derrière cette tentative de coup d’État ? Ce putsch raté n’est-il pas le fait de groupuscules venus de la Libye voisine pour se venger de la présence militaire tchadienne dans le nord du Mali ? Joints par Afrik.com, deux spécialistes de l’Afrique, André Bourgeot, chercheur au CNRS, et Lydie Boka, Directrice de l’agence d’analyse de risques StrategiCo, tentent d’apporter des éléments de réponse face à cette situation.

Lidye Boka qui met en exergue la fragilité du régime de N’Djamena, rappelle que « Idriss Déby a failli être renversé en 2008. Sans l’intervention de la France, son propre neveu Timan Erdimi, aujourd’hui réfugié dans le Golf, aurait pris le pouvoir. Son régime, qui repose sur l’armée et les clans, est fragile et marqué par de nombreux remaniements depuis janvier 2013. Ce qui constitue un facteur négatif ». La spécialiste reconnait toutefois que le régime d’Idriss Déby, renforcée par son rôle de médiateur dans la crise centrafricaine, a gagné une certaine notoriété dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest notamment, en raison de la présence des troupes tchadiennes dans le nord malien. En revanche, souligne-t-elle, cela ne le met pas à l’abri d’une tentative de déstabilisation de son régime.

« Menace provenant de la Libye? »

Une menace due à de nombreuses années passées au pouvoir, mais aussi à la situation de la Libye, où l’insécurité est grandissante ? C’est en tous cas ce que pense Idriss Deby, qui a récemment indiqué que la Libye abritait un camp d’entraînement en vue de déstabiliser son régime. « C’est possible même si la Libye a démenti cela », selon Lydie Boka.

Un avis loin d’être partagé par André Bourgeot, qui estime qu’il faut être très prudent contre une éventuelle menace provenant de la Libye à l’encontre du régime tchadien. Le chercheur au CNRS se veut prudent : « Il faut juste noter que le pouvoir libyen est très faible ». Il refuse catégoriquement d’utiliser le terme de « poudrière en Libye », le jugeant prématuré. Il note pour sa part que cette tentative de putsch contre Idriss Déby pourrait être liée au maintien des soldats tchadiens dans le nord-Mali. Un maintien que l’Assemblée nationale tchadienne n’a pas approuvé.

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