Afro descendantes d’Amérique Latine : incluses par exception


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Les femmes afro descendantes d’Amérique latine et des Caraïbes représentent environ 80 millions de personnes. On pourrait alors s’imaginer, face à ces chiffres qu’il est difficile de les cacher. Pourtant, depuis des siècles, elles ont systématiquement été ignorées par l’histoire.

Même des nos jours, rares sont les pays qui envisagent des politiques publiques dans lesquelles les conditions, les nécessitées et les caractéristiques spécifiques aux femmes noires sont prises en compte. D’ailleurs, jusqu’à présent, de nombreux pays organisent des recensements ne relevant pas les données statistiques réparties par catégories ethnico – raciales.

Étant donné que la majorité des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes disposent de constitutions ou de lois interdisant la discrimination raciale ou de genre, le racisme se manifeste à travers les préjugés, l’invisibilité, la négation des racines culturelles de leur passé africain et par les formes sociales de discrimination.

Les femmes noires ont joué un rôle dans la gestation du mouvement féministe latino-américain, peut-être pas par le nombre, mais à coup sûr en terme de d’engagement. C’est dans ce cadre qu’est né l’espace de réflexion et d’analyse de la question ethnico -raciale qui a eu un résultat concret avec la création de la Maison de l’Identité de la Femme Africaine (Casa por la Identidad de la Mujer Afro), en 1989 en République dominicaine.

En 1992 a eu lieu dans ce pays la première rencontre de femmes noires, qui a débouché sur la création du Réseau de Femmes Afrolatinoaméricaines et Caribéennes (Red de Mujeres Afrolatinoamericanas y Caribeñas), un espace d’articulation des propositions pour donner de la visibilité à la situation de la femme noire en termes d’identité, de discrimination, de santé, d’emploi et d’intégration.

Le mouvement féministe latino-américain a intégré ces concepts dans ces plans, mais, même s’il faut reconnaître les efforts et l’ouverture qui est actuellement observée, des différences de conception persistent encore. C’est par exemple le cas lorsqu’on prend le thème de la diversité. La congressiste afro costaricienne Epsy Campbell Barr affirme dans son livre « Poderes Cuestionados: Sexismo y racismo en América Latina »( » Pouvoirs Controversés : Sexisme et racisme en Amérique Latine ») que lorsque la diversité est abordée du point de vue historique du féminisme latino-américain, c’est dans une perspective dans laquelle les femmes du groupe ethnique dominant se considèrent comme le point de départ pour cataloguer et pour dénommer les autres. Évidemment, dans cette perspective, ce ne sont pas elles les ‘diverses’, ce sont les autres, les non-blanches.  »

A l’opposé de cette conception, cette féministe pense que « nous représentons toutes la diversité, c’est- à- dire que aucune n’est le paramètre de référence des autres ».

« Je dirais que nous les femmes féministes noires l’Amérique Natine nous continuons d’être invitées par exception », affirme Epsy. « Malgré leurs efforts d’avoir une vision de respect pour les »différentes »(nous qui ne sommes pas égales à elles), » nous sommes des invitées, ou encore nous ne sommes pas assises autour de la table où sont discutés les sujets fondamentaux.  »

La différence ethnico raciale est un sujet fondamental dont il faut discuter car, s’il n’est pas analysé par le féminisme, il risque de reproduire des mécanismes d’exclusion du fait qu’ils ne sont pas considérés de manière structurelle.

Ces différences sautent aux yeux lorsqu’on étudie les données statistiques et les chiffres existants sur le développement. Mais aussi en terme de revendications. Lorsqu’on parle des rôles traditionnels des femmes: de quelles femmes parle-t-on ?

« Les femmes noires ne sont pas dans la rue comme un résultat de la crise, elles ont toujours été dans la rue. Les esclaves devaient faire le travail du champ et de la maison, et elles y étaient également forcées. Les femmes du groupe dominant ont eu et ont une réalité totalement différente « , remarque Epsy Campbell.

La condition raciale est un facteur déterminant pour la condition de classe. En Amérique Latine, si on naît Noire, il y a 90 % de chances d’être pauvre. Cet apartheid historique par rapport aux indigènes et aux afro descendants conditionne absolument toute leur vie et toutes leurs chances. Les droits de l’Homme pour les femmes noires sont une aspiration et non une réalité. La société doit aborder l’exclusion comme un élément fondamental et comprendre les raisons historiques de cette exclusion. Il n y a pas d’autre voie pour une véritable libération.

Radio Internacional Feminista/Juillet2003 par Raquel Bruno
RadioNetherlands février 2003 ; Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga

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