Kenya : Umoja, un village composé uniquement de femmes !


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La femme n’a pas forcément un statut enviable en Afrique. Au Kenya comme ailleurs, elles ne sont pas épargnées. En réponse des Kenyanes ont créé, il y a plus de 30 ans, leur village et elles vivent heureuses !

Dans son article, Rahimat Emozozo, explique l’étonnante histoire de ces femmes indépendantes, vivant dans un village interdit aux hommes et qui, grâce à leur esprit d’entreprise, vivent loin de la pauvreté dans leur village de femmes !!

En Afrique, les femmes ont longtemps été handicapées par un manque d’indépendance sociale et financière, en particulier dans les régions les plus pauvres. Les cultures locales ont imposé la dépendance à l’égard des hommes, forçant souvent les familles pauvres à vivre d’un seul revenu. Les perspectives financières et professionnelles des femmes sont donc souvent sombres.

Le système patriarcal qui existe dans la plupart des régions du continent africain expose les femmes aux abus conjugaux et aux mauvais traitements. Par ailleurs, de nombreuses coutumes et traditions, perpétuées par les cultures locales, sont hostiles aux libertés des femmes, qu’elles soient sociales ou même physiques : des mariage précoces, aux mutilations génitales, jusqu’aux crimes d’homicide.

Umoja, un village rien que pour les femmes

Dans certaines cultures, en particulier en Afrique du Nord, les cas d’agressions sexuelles contre les femmes sont encore réglés en exigeant que l’agresseur épouse la victime. Autrefois, les femmes étaient expulsées de leurs maisons pour vivre séparées de leurs familles et de leurs communautés. Les lois en vigueur dans ces lieux ne garantissent pas que les maris violents, commettant des abus, soient traduits en justice. Les lois dans ces pays continuent de considérer les femmes comme les coupables, en omettant de les protéger contre les abus des hommes, au sein et en dehors du ménage. Ce raisonnement se résume finalement à faire des femmes, une fois mariées, une propriété des hommes.

Cependant, un petit village kenyan a remis en cause cette mentalité depuis près de trois décennies. Après avoir subi des abus continus de la part de son mari, Rebeca Lolosoli a formé un village « féminin », interdit aux hommes, appelé Umoja en 1990 dans la région de Samburu au Kenya (à 300 km de Nairobi). Elle voulait créer un refuge pour les femmes maltraitées cherchant à se libérer de la société toxique et injuste dont elles provenaient toutes. À Umoja, toutes les maisons et tous les bâtiments, même une école, ont été construits à partir des ressources naturelles par les habitants locaux, c’est-à-dire par toutes les femmes du village. Les hommes sont interdits de vivre là-bas pour protéger les femmes.

Le changement par l’entrepreneuriat

Si Umoja a survécu c’est grâce à l’esprit d’entreprise. En tant que village habité seulement par des femmes, l’un de leurs plus grands défis était de générer des revenus dans une culture qui les décourageait de travailler. Lorsque le village a commencé, les femmes gagnaient de l’argent en vendant des bijoux faits à la main sur la route principale près d’Umoja. Finalement, elles ont été forcées de s’éloigner des routes par des hommes mécontents de la région environnante qui agressaient fréquemment et volaient celles qui vendaient des objets.

Le village a attiré de plus en plus d’attention grâce à l’originalité de sa mini-société. Suite à un tournant très favorable des événements, les femmes habitantes ont utilisé cette attention pour réorienter le commerce de l’artisanat de la route principale pour qu’il passe par leur village où elles font maintenant toutes leurs affaires. Les rondes régulières des touristes qui visitent Umoja ont créé un flux de revenus fiables pour l’ensemble des habitantes du village. Grâce au tourisme et à leur existence en tant que société autonome et féminine, les villageoises d’Umoja ont acquis une stabilité financière, la liberté et l’affranchissement du patriarcat culturel et une véritable indépendance.

Quid de l’avenir ?

En ce qui concerne la sécurité des fonds, des services comme l’argent mobile au Kenya, M-PESA, contribuent à réduire le coût de protection de son argent des braqueurs et des voleurs. M-PESA a facilité les échanges pour les femmes d’Umoja tout en offrant une sécurité supplémentaire en matière d’argent. Avec la disponibilité de l’argent mobile, même dans les villages éloignés tels que Umoja, les transactions avec des clients nécessitent rarement un échange de la main à la main. Les touristes peuvent effectuer des paiements pour des bijoux et des objets-souvenirs directement à partir de leurs téléphones mobiles. Toutes les recettes restent stockées de manière sécurisée à distance dans un compte virtuel pour l’utilisation des vendeuses.

En plus d’être entièrement capables de construire leurs propres infrastructures, de gérer leurs propres écoles, d’assurer un approvisionnement régulier en eau et de cultiver leurs propres aliments, ces femmes ont pris en main les questions de sécurité et d’application des lois. En règle générale, l’application de la loi est considérée comme un bien public dans la société moderne. Cependant, il existe des exemples comme celui-ci où la sphère publique ne fournit pas suffisamment ces biens. Dans ce cas, l’application de la loi dans des communautés comme l’Umoja et les villages environnants, perpétue un biais contre le bien-être des femmes. Pour cette raison, les femmes ne peuvent pas compter sur les agents de l’État pour garantir la justice et la sécurité. Les résidentes du village d’Umoja ont, pour cette raison, pensé à recourir à leur propre agence de protection: elles-mêmes. Elles ont mis en place un système de rotation pour assurer la sécurité ainsi que la loi et l’ordre.

Pendant près de 30 ans, ces femmes ont réussi à se prendre en charge et à vivre de manière autonome dans leur petit village. Je suis certaine qu’elles continueront à le faire grâce à leur sens de coopération et leur esprit d’entreprise.

Rahimat Emozozo, étudiante diplômée en économie au Johnson Center for Political Economy de l’Université de Troy.

Article publié en collaboration avec Libre Afrique

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