Sénégal : accords historiques de paix en Casamance


Lecture 6 min.
arton7990

Les autorités sénégalaises et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) vont signer, ce vendredi, un accord de paix historique. Historique, car, contrairement aux précédents, toutes les factions du MFDC sont d’accord pour parapher le texte qui doit mettre un terme à plus de 20 ans de guerre. Si les négociations qui suivent la signature se passent bien, la Casamance devrait pouvoir accélérer sa reconstruction afin de redevenir une destination touristique prisée et un vivier agricole pour le reste du pays.

Historique et symbolique. C’est sous ce signe que sera signé, ce vendredi à Ziguinchor, un accord de paix entre les autorités sénégalaises et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), qui revendique l’indépendance de cette région du Sud qu’il juge délaissée par le pouvoir. Le ministre de l’Intérieur, Ousmane Ngom, et l’abbé Augustin Diamacoune Senghor, leader historique du MFDC, parapheront le texte sous la supervision du Président Abdoulaye Wade. Et pas n’importe où. Le Monde rapporte que l’événement se déroulera devant le bâtiment de la Gouvernance, qui symbolise l’Etat sénégalais. La population, fatiguée de plus de vingt ans de guerre, espère que cet accord sera le bon. Et cela pourrait être le cas. Car, contrairement aux précédents, il implique toutes les factions du MFDC, y compris la branche armée. Le retour officiel à la paix devrait notamment permettre à la région Sud du pays de sortir de l’asphyxie financière qui empêche son développement.

S’exprimant sur l’accord, l’abbé Diamacoune Senghor a déclaré : « Il s’agit de signer la paix là ou la guerre a éclaté un jour du mois de décembre (le 26 de l’année 1982). Nous voulons faire la paix et ouvrir des négociations justes et sincères en vue d’une paix définitive. » Indispensable pour éviter que cette région, enclavée au Nord par la Gambie et au Sud par la Guinée-Bissau, ne connaisse de nouvelles vagues de violence. L’Agence France Presse (AFP) rappelle que les plus sanglantes ont eu lieu à la naissance du MFDC (en 1982), au début des années 1990 et en 1997. Elles étaient menées par l’Atika, la branche armée du mouvement, et ont fait plusieurs centaines de morts et sérieusement mis à mal l’économie de la Casamance.

« De fortes chances que cet accord soit le bon »

Latif Aïdara, chargé de mission à la Présidence de la République, a annoncé à l’AFP que la signature de l’accord « portera sur le dépôt définitif des armes », après quoi, des « négociations sérieuses vont s’ouvrir sans délai ». Certains sont septiques quant au succès de cette initiative. Et pour cause. Ce n’est pas la première fois que les autorités du pays et les rebelles du MFDC essayent de mettre un terme au conflit qui les oppose. Mais ils se sont tous soldés par des échecs. « Plusieurs accords de paix ont déjà été signés, mais ils impliquaient le pouvoir et quelques factions du mouvement. Jamais toutes, ce qui fait qu’il y avait toujours un moment où une des branches laissées de côté se rebellait », commente Abdoulaye Seye, chef du service politique au quotidien Le Soleil.

Cette fois-ci, la donne est différente. Après de longues discussions secrètes entre dissidents et détenteurs du pouvoir, il ressort que tout le mouvement est prêt à signer la paix. « Tous les différents courants (intérieur, extérieur, Nord, Sud et la branche armée du mouvement Atika) ont accepté de signer l’accord. Elles ont même envoyé au préalable des représentants à Dakar pour discuter avec les autorités. S’il y a un bon suivi, tant du côté du MFDC que du pouvoir, il y a de fortes chances que cet accord soit le bon », estime Abdoulaye Seye.

Prier pour la paix

Pour que le processus de vendredi se passe dans les meilleures conditions, des prières sont prévues. Le Soleil explique que « des prières seront organisées dans les différentes églises et mosquées de la ville de Ziguinchor pour conjurer tout acte qui va à l’encontre des aspirations de l’écrasante majorité des populations de la Casamance naturelle et du Sénégal ». Par ailleurs, « le Comité régional de développement a dégagé différentes pistes sur le plan de l’organisation et de la sécurité pour garantir la réussite de la cérémonie », ajoute le journal sénégalais. Des avancées qui laissent espoir que la paix devienne officielle.

Officielle, car depuis plus d’un an, le calme est pratiquement revenu dans cette région. Jean Lassalas, membre d’une association humanitaire, se rend presque tous les ans en Casamance. Pour lui, la situation s’est nettement améliorée. « Il y a cinq ans, je ne me sentais pas en sécurité. Il restait encore des mines un peu partout et il arrivait que des gens ou des personnes sautent dessus. Des exactions étaient même commises. Mais ce climat n’est plus d’actualité. Je suis revenu il y a quinze jours de Casamance où je suis resté trois semaines. Il y a une paix réelle. Les gens sont revenus dans leurs villages et ne parlent que de paix », raconte-t-il. Une information confirmée par l’AFP, qui indique que « les opérations de reconstruction et de déminage ont débuté, à la faveur du retour chez eux des réfugiés, paysans et anciens maquisards ».

Retour possible de la prospérité économique

Une atmosphère qui s’expliquerait par les pourparlers de paix entre le MFDC et le pouvoir. Mais aussi par des efforts internes du côté du mouvement indépendantiste. Latif Aïdara, cité par l’AFP, souligne que « depuis six mois, les discussions avec les responsables du MFDC et les maquisards ont créé, de fait, une situation de paix à officialiser pour que les parties s’engagent » à ne pas reprendre les armes. Une volonté d’unité qui prouve peut-être que les leçons du passé et les échecs, notamment causés par la division, ont fini par avoir une conséquence positive sur l’évolution du processus de paix.

L’enjeu de cette signature pourrait permettre à l’économie casamançaise de se relever des quelque 20 ans de conflit. Le Monde rapporte que l’accord permettra, « selon les autorités sénégalaises, de déverser sur la Casamance, (…) une manne d’investissements provenant de bailleurs de fonds internationaux ». Ce qui donnera à cette région la possibilité de reprendre totalement la culture de ses terres. Paramètre non négligeable lorsque l’on sait que c’est elle qui a longtemps été considérée comme le grenier du pays. La paix serait aussi un tremplin pour fortifier le secteur touristique, qui recommence d’ailleurs à prendre de l’ampleur. Seul hic, le non-remplacement du Joola, qui a sombré le 26 septembre 2002 et qui assurait la liaison Zinguinchor-Dakar, devrait limiter la reprise.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News