Togo : les autorités font main basse sur les procès-verbaux de l’opposition


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La FOSEP (Force Spéciale élection Présidentielle 2010) a passé un cap en réquisitionnant, mardi, les procès-verbaux électoraux en possession de l’UFC ainsi que leur logistique. Onze personnes chargées de la saisie de ces documents ont également été emmenées par les forces de l’ordre pour être interrogées. Le FRAC, qui affirme que le véritable vainqueur du scrutin présidentiel du 4 mars est son poulain, Jean-Pierre Fabre, compilait ces informations afin de publier ses propres résultats. L’opposition entend manifester de nouveau samedi. Reportage.

Vers 12h30, l’archidiocèse de Lomé reçoit la visite de deux fourgons de la Force spéciale élection présidentielle 2010 (FOSEP). Dans la cour de sable, une poignée d’observateurs de l’Union Européenne ainsi qu’une dizaine de journalistes assistent à la scène, médusés. Le lieu, plus connu sous le nom de l’église des saints martyrs de l’Ouganda, dans le quartier de Tokoin-séminaire, est l’un des centres de compilation de l’Union des Forces du Changement (UFC). Des hommes en uniformes, certains portant lunettes de soleil et bonnets noires vissés jusqu’aux yeux, montent à l’étage. Là-haut, une salle est dédiée au travail de collecte, d’analyse et de vérification des procès-verbaux en possession du FRAC, sous la surveillance d’observateurs internationaux. Selon nos informations, il ne reste alors plus qu’un centre de vote à traiter. Les membres de la force spéciale redescendent accompagnés de 11 personnes – 7 informaticiens et 4 responsables du parti – responsables de la saisie. Plus tard, nous assistons à l’arrivée d’un 4×4 banalisé.

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Des policiers en civil en descendent et se rendent à nouveau à l’étage. Cette fois, ce sont les données – CD, documents papiers, ordinateurs – qu’ils emportent, à la stupéfaction de la petite foule – quelques religieux sont présents – assemblée en face du bâtiment couleur saumon. Certains murmurent : « Ils n’ont pas le droit de saisir les informations de ce parti comme ça, pourquoi ne laissent-ils pas l’UFC sortir ses chiffre et on verra bien qui est le vainqueur ». Lorsque quelques journalistes tentent de filmer ou de prendre des photographies de la scène – nécessaires à l’exercice de leur métier – interdiction formelle leur est faite par les hommes en civils. Cela, sous risque de se voir confisquer leur matériel. Un des observateurs européens présents lors du chargement de la voiture, apparemment faisant un rapport à l’un de ses collaborateurs, dénonce au téléphone, hébété, comme s’il assistait à un tournant majeur de cette période d’après-scrutin, la scène qu’il est en train de vivre : « Dans un calme apparent, perquisition significative des PV de l’UFC de la part des membres de la FOSEP ». Droit dans ses bottines, le responsable de l’opération dirigée par la FOSEP assume. Interrogé par RFI, le capitaine Akakpo tente de justifier la saisie de ces documents dont l’UFC était seul propriétaire. « Il s’agit d’enquêtes en cours pour authentification ».

L’UFC empêché de publier ses résultats

Depuis le soir du scrutin, l’UFC collecte les procès-verbaux de leurs observateurs. Le travail aurait traîné jusqu’à ce jour, du fait de difficultés à récupérer l’ensemble des informations. Leur objectif : publier leurs résultats afin de démontrer leur victoire sur le président-candidat, Faure Gnassingbé. L’homme vient d’être félicité par le président burkinabè Blaise Compaoré et le président lybien Mouhamar Kadhafi alors même que les résultats provisoires peuvent encore être remis en question. Pour l’instant, l’Elysée n’a pas fait la même démarche.

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A Lomé, l’opposition réfute les chiffres avancés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et des marches de protestation sont organisées depuis samedi, jour de proclamation des résultats. Dans la ville, la tension est palpable à certains endroits. Et surtout dans le quartier de Bè, où se trouve le siège de l’UFC. Devant les bureaux du principal parti de l’opposition togolaise, une forte odeur de gaz lacrymogène se dégage. A l’entrée, une camionnette de la Croix-Rouge. Au fond de la cour, la salle récemment dédiée aux « soins médicaux » est occupée par des blessés. A terre, des restes de projectile. « Dans la même journée, je dénombre trois opérations coupable : la répression de notre manifestation de ce matin, l’attaque de notre siège où nous nous étions repliés et la saisie de nos procès-verbaux », affirme Jean-Pierre Fabre. « C’est n’importe quoi ! Mais nous n’allons pas céder à l’intimidation. Nous continuerons jusqu’à la victoire » poursuit le candidat du FRAC. Et il ajoute la date de la prochaine manifestation : samedi 13 mars.

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