Violences en Guinée : l’armée accusée d’attiser les tensions ethniques


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Des organisations internationales ont dénoncé vendredi le comportements des forces armées lors des violences meurtrières qui ont suivi l’élection d’Alpha Condé à la présidentielle en Guinée. Elles s’inquiètent du risque d’un embrasement des violences ethniques. Une réalité dont la classe politique semble avoir joué.

Le retour au calme n’a pas balayé les inquiétudes après les violences qui ont suivi l’élection d’Alpha Condé à la présidentielle en Guinée, et fait une dizaine de morts. Ce scrutin historique, qui a opposé un Peul à un Malinké, a été marqué par une cristallisation des tensions ethniques.

Des ONG internationales ont vivement dénoncé vendredi le comportement des forces de sécurité guinéennes. Dans un communiqué, l’organisation de défense des droits de l’homme, Amnesty International a exigé des autorités guinéennes de « mettre fin aux mauvais traitements, arrestations arbitraires et tortures contre les manifestants » qui protestaient à l’annonce des résultats provisoires donnant Alpha Condé gagnant avec 52% des voix, contre 48% pour Cellou Dalien Diallo.

Amnesty International cite le cas précis de cinq personnes victimes d’exécutions sommaires. L’organisation a demandé une enquête publique afin d’en établir les responsabilités. Selon Gaetan Mootoo d’Amnisty International, « il y a un risque que le pays soit plongé dans une situation qui peut mener à de sérieuses violations de droits de l’homme, à moins que le gouvernement ne mette fin aux exécutions extra judiciaires, arrestations arbitraires, et l’usage excessif de la forces par les militaires et la police».

L’International Crisis Group (ICG) a de son côté fustigé les «?attaques systématiques?» menées par les forces de l’ordre, essentiellement composées de membres d’ethnies malinké, soussou et forestière, contre les militants, en majorité peuls, du parti de Diallo. Le cercle de réflexion craint qu’une «répression trop sévère menée par les forces de sécurité» n’entraîne le pays dans une spirale de violence qui pourrait échapper à tout contrôle.

Des tensions ethniques instrumentalisées??

«?Les dirigeants guinéens (…) doivent prendre des mesures urgentes pour mettre fin aux nombreuses attaques contre des civils sans défense et éviter que les tensions politiques ne dégénèrent en violences interethniques généralisées contribuant à l’instabilité régionale?», dit l’ICG, selon lequel l’armée «?frappe, moleste et tire sur des civils sans défense et saccage leurs biens?». «?S’il n’y a pas plus de discipline dans les rangs des forces de défense et de sécurité, le pays pourrait sombrer rapidement dans le chaos (…), ce qui ruinerait le processus de transition », s’inquiète l’ONG.

Pour Moustapha Diop, enseignant-chercheur associé au Centre d’études des mondes africains (Cemaf), à Paris, «?toutes les conditions étaient réunies pour qu’on assiste à de telles violences ». Les deux candidats en lice au second tour de l’élection ont, selon lui, exacerbé la dimension ethnique.

Si Alpha Condé a joué de la carte communautaire à des fins électorales, «?la stratégie de victimisation mise en place par les partisans de l’UFDG?» a renforcé la mauvaise image dont jouissent les Peuls en Guinée, et a entraîné la création d’un front électoral «?anti-peuls?», soutient le chercheur. Pour lui, la division ethnique est une réalité sociale qui a été extrêmement politisée. Cette division «?est profonde, mais elle est prise en otage et instrumentalisée par les élites politiques?», estime M. Diop.

Au jour le jour, les populations, elles, «cohabitent et se marient ensemble». «?Nous vivons ensemble, nous mangeons ensemble, nous dormons ensemble mais c’est la politique qui nous divise?», déclarait vendredi un habitant de Conakry à l’AFP.

Alpha Condé a rappelé, hier, qu’il voulait constituer un gouvernement d’union nationale. Rassembler et servir tous les Guinéens, quelle que soit leur ethnie, sera l’un des défis majeurs auquel le nouveau président de la République devra faire face.

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