Une carte d’électeur en guise d’arme républicaine


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Une carte électorale française
Une carte électorale française

Le Collectif Devoirs de Mémoires exhorte les Français âgés de 18 ans, et plus, à devenir des acteurs de la vie politique nationale en s’inscrivant sur les listes électorales. Soutenu par de nombreuses personnalités de la culture, il a tenu un grand rassemblement, le 20 décembre dernier, à Clichy-sous-Bois, ville-étincelle des récentes émeutes dans les banlieues françaises. Interview de Boris Mendza, chargé de communication du Collectif.

« En France, 10 millions de personnes n’ont pas de carte d’électeur ». Ces propos, de Boris Mendza, chargé de communication au sein du Collectif devoirs de mémoires, justifient la tenue, le 20 décembre dernier, d’un rassemblement à Clichy-sous-Bois pour une initiative citoyenne : encourager les jeunes de banlieue à s’inscrire sur les listes électorales.

Une initiative soutenue par plusieurs personnalités, au nombre desquelles le rappeur Joey Starr, l’humoriste Jamel Debbouze, Mohammed Dia, l’acteur Jean-Pierre Bacri, ou encore la rappeuse Lady Laistee. Multipliant depuis quelques mois les initiatives en faveur de la réactualisation des pages sombres de l’histoire de France, le Collectif devoirs de mémoires espère convaincre les jeunes issus de quartiers sensibles de s’impliquer dans la vie de la cité.

Afrik.com : Votre objectif était de pousser les jeunes de banlieues à s’inscrire sur les listes électorales. Quel bilan faites-vous de ce rassemblement du mardi 20 décembre 2005 à Clichy-sous-Bois ?

Boris Mendza : Les retours sont plutôt positifs. Cela faisait longtemps qu’un tel évènement n’avait pas eu lieu en France. Pour une fois, nous avons pu montrer et prouver aux plus sceptiques que les jeunes de banlieue étaient des citoyens comme les autres, des personnes ayant des choses à dire, et des individus à écouter. Il y a souvent de l’acharnement vis-à-vis des banlieues.

Grâce à ce rassemblement de Clichy-sous-bois, nous avons pu donner une image positive de la jeunesse française. Une jeunesse en mal de repères, qui ne demande qu’à participer à la vie de la cité. Une jeunesse qui a des idées, qui entend les exprimer, et qui entend être représentée par l’Etat. Les jeunes présents au rassemblement étaient de ceux qui ont compris l’importance du droit de vote, et surtout le pouvoir que celui-ci leur confère.

En France, 10 millions de personnes n’ont pas de carte d’électeur. C’est énorme, et cela prouve que nombre de citoyens français, en majorité âgés de 18 à 25 ans, ne se sentent pas concernés par les échéances électorales. Nous devons tous être des acteurs de la vie politique, d’où cet appel au réveil citoyen. N’attendons pas de revivre le scénario du 21 avril 2002 pour prêter importance à la vie démocratique.

Afrik.com : Plusieurs jeunes ont pris à partie des parrains de votre collectif, leur reprochant leur manque de prise de position durant les émeutes en banlieue. Comment réagissez-vous par rapport à cela ?

Boris Mendza : Nous avons tenu à laisser tout le monde s’exprimer. Nous aurions pu mener un débat unilatéral, sans que les jeunes présents puissent intervenir. Nous avons fait le choix de la transparence, de la liberté d’expression, car ce sont les fondements de la démocratie. Le rassemblement de Clichy-sous-Bois représente une action concrète, qui tranche avec les discours de bonnes intentions et les longs laïus qu’on a coutume d’entendre. L’objectif était de mettre chacun face à ses responsabilités.

Il y a, en France, un blocage de la jeunesse vis-à-vis de la politique et de ceux qui participent à la vie politique. Le manque d’écoute est flagrant. Il faut faire comprendre aux jeunes provenant de quartiers sensibles que la politique n’est pas l’apanage d’une minorité. Il y a eu, à l’issue de la conférence de presse, 60 inscriptions sur la liste électorale de Clichy-sous-Bois. C’est déjà tout un symbole.

Afrik.com : Pensez-vous, sincèrement, qu’en dehors du symbole et du devoir de citoyen, la carte d’électeur puisse permettre aux jeunes de banlieues de se sentir écoutés et représentés par l’Etat?

Boris Mendza : C’est en tout cas un début. Il faut jouer son rôle de citoyen jusqu’au bout. Joey Starr l’a si bien dit, « Voter, c’est exister, c’est créer un contrepoids ». Voter, c’est se faire entendre, exprimer son opinion, changer les choses dans son quartier, dans son canton, dans sa province, dans sa région, et surtout dans son pays. C’est participer de façon intelligente au débat.

Afrik.com : Depuis les émeutes dans les banlieues françaises, de nombreuses associations ou collectifs, voire rassemblements ont vu le jour, avec divers objectifs. En quoi vous différenciez-vous des autres regroupements ?

Boris Mendza : Nous sommes un collectif, et non une association. Nous n’avons aucun but électoraliste, et ne soutenons aucun parti politique. Nous ne sommes pas communautaristes non plus. Notre principal objectif est de réactualiser les pages sombres de l’histoire de France, des pans historiques trop souvent occultés. Nous avons le devoir d’informer l’ensemble de la population française sur la véritable histoire de France, même si elle fâche. Il nous faut mener à bien cette mission sans prendre parti, et en délivrant les faits avec le plus d’exactitude possible.

Afrik.com : Le 23 février de cette année, l’Assemblée Nationale Française a ratifié le fameux projet de loi qui stipule que dans les écoles les enseignants doivent insister sur le rôle positif de la colonisation. Une telle loi ne sape-t-elle pas votre démarche ?

Boris Mendza : C’est une indignation. Voter une telle loi, en catimini, relève du scandaleux, même si à la base, l’objectif des parlementaires était de permettre aux Harkis d’avoir une reconnaissance. Comment peut-on parler de rôle positif, lorsque l’on emploie le terme de colonisation. Quel message entend-t-on envoyer ?…cela reste un mystère.

Afrik.com : Le Collectif devoirs de mémoires multiplie les initiatives, en faisant notamment appel à de nombreuses personnalités. Quelles vont être vos prochaines initiatives ?

Boris Mendza : Tout d’abord, nous tenons à mentionner que les parrains qui ont accepté de soutenir notre démarche l’ont fait pour des raisons qu’ils estiment justes. Les personnalités qui ont accepté de rejoindre notre collectif nous ont permis d’attirer l’attention des médias, mais surtout celle de nombreux jeunes. Nous sommes apolitiques, et cela ne risque pas de changer. Nos prochaines initiatives vont consister à organiser des conférences-débats sur différents thèmes, toujours dans l’intention de sensibiliser et d’informer le public. Par exemple, prochainement, nous parlerons de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, en insistant sur le fait qu’il s’agit surtout d’une… colonisation.

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