Un livre évoque l’histoire du Leusden, navire négrier Hollandais


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Le public était collé aux lèvres du Dr. Leo Balai pendant la présentation de son livre “Het Slavenschip Leusden”, le Bateau Négrier Leusden qui a coulé au large des côte surinamiennes en 1738. Balai qui a obtenu un PhD suite à sa recherche, a fait revivre l’horrible réalité des africains capturés de telle manière que les gens pouvaient presque voir l’inhumanité se manifester.

«Je n’étais pas tout le temps un peu perdu. J’ai souvent dû me rappeler cela pour pouvoir traiter l’information que je dévoilais, je devais la percevoir à la lumière de l’esprit du jour. La commerce transatlantique des esclaves avait comme objectif le profit. Une organisation ayant une planification et une exécution complexes qui ont réuni les puissances Européennes de cette époque. Chacun a joué son rôle ; les Européens qui achetaient des captifs en Afrique et les Africains qui les vendaient et voyageaient même en tant que “Bombas” dans les bateaux négriers pour y travailler comme des intermédiaires. Les biens de ce commerce n’étaient pas considérés comme des personnes, mais comme de simples marchandises. C’est la raison pour laquelle on se référait à eux en parlant de nappy cattle», signale Balai.

La Présentation de Balai était organisée au siège de la Fondation Ons (Our) Suriname, dans le cadre d’une série d’activités visant à commémorer les 150 ans d’abolition de l’esclavage et pour lever le voile sur l’histoire de l’esclavage des Pays-Bas. Le livre de Balai est l’une des rares publications qui met l’accent sur les bateaux grâce auxquels le commerce transatlantique des esclaves était possible. L’écrivain explique ses motivations : «Il n y a pas eu assez de recherches sur les bateaux négriers qui étaient indispensables pour le transport des captifs africains vers les territoires des Amériques. C’est assez notable, parce que le traitement des captifs dans les bateaux d’esclaves pourrait donner un portrait plus clair de la manière dont ce transport forcé était organisé».

Le chercheur affirme que si le Leusden n’était pas le seul sujet de sa recherche, ces conclusions ont mis fin au débat sur la question de savoir si oui ou non durant cette époque, une grande partie de l’économie des Pays-Bas tournait autour du commerce négrier. Le point du vue général était que les Hollandais n’avaient pas construit des bateaux négriers spéciaux et qu’avec quelques ajustements, les marchands de bateaux ordinaires pouvaient les ajuster pour le transport des esclaves. Cependant, les recherches sur le Leusden ont révélé que dès la deuxième décennie du 18ème siècle (1718), la Compagnie néeerlandaise des Indes Occidentales signa des contrats spéciaux pour la construction de bateaux négriers.Ils étaient construits selon les mesures spécifiques permettant le transport d’un chargement précis. «Le Leusden fut spécialement construit comme un bateau négrier et ne fut utilisé qu’à cette fin. Tous les équipements nécessaires furent installés au moment de la construction d’un bateau ayant pour but de transporter des captifs de l’Afrique,» indique Balai.

L’un des derniers navires d’esclaves de la compagnie néerlandaise des Indes Occidentales à effectuer un voyage dans le cadre du commerce des esclaves, le Leusden effectue 10 voyages de ce type avec des arrêts au Surinam et à St. Eustache. St.Eustaches servait à la fois de poste commercial où de nombreux propriétaires de plantations des îles environnantes se rendaient pour acheter leurs esclaves. “Une fois, le Gouverneur de St. Eustachet acheta au moins 100 captifs, ce qui laisse entendre qu’il avait un petit business de côté, consistant à acheter et à vendre des esclaves lui-même,” indique Balai.

Durant ses 10 voyages, le Leusden transporta 6,564 captifs, dont 1639 ne survécurent pas au passage. “Avant la vente, 102 autres captifs moururent dans les entrepôts à esclaves, ce qui porta le nombre de décès à 1741, soit 26,5% du nombre de captifs embarqués en Afrique, un gaspillage de vies humaines inconcevable,” indique Balai.

Le 1er janvier 1738, l’année au cours de laquelle Compagnie néerlandaise des Indes Occidentales décida qu’elle ne jouerait plus un rôle actif dans les commerce des captifs Africains, le Leusden s’enlisa à l’estuaire de la Marowijne River, à la frontière entre le Suriname et la Guyane Française. Alors qu’il coulait, le capitaine ordonna à son équipage de sceller les compartiments des esclaves, ce qui conduisit à la mort de 680 personnes. Environ 16 captifs qui n’avaient pas été bloqués survécurent; 14 furent tout de même vendus à Paramaribo, et deux petits garçons furent envoyés aux Pays-Bas offerts à un associé de la compagnie qui était mort avant l’arrivée des garçons. On ne sait pas ce qu’il advint de ces derniers par la suite.

«La compagnie néerlandaise des Indes Occidentales ne se préoccupa point de ce désastre et des nombreuses vies qu’il entraina. Le naufrage de ce bateau et le fait que rien ne fut fait pour sauver les vies des captifs démontrent clairement que les prisonniers transportés étaient considérés comme des biens qui pouvaient être perdus à cause des calamités,» affirme Balai.

Il pense qu’il y a encore de la place pour des recherches supplémentaires au sujet de la traite transatlantique des esclaves. «Qu’est il arrivé à ces petits garçons? Qui étaient exactement les Bombas et que faisaient-ils entre les voyages, comme lorsqu’ils étaient stationnés aux Pays-bas ? J’invite d’autres chercheurs à s’en occuper ; il y a une limite à ce que je peux faire moi même,» a-t-il plaisanté.

Le Dr. Guno Jones, Chercheur Principal de la Free University of Amsterdam, a par la suite qualifié la présentation de Balai «d’aperçu détaillé et extrêmement réel » qui a déclenché un débat et comblé un vide dans l’histoire. «On ne mentionne pas souvent l’histoire de ces victimes, car ce sont les puissants qui écrivent habituellement l’histoire. C’est une histoire passée sous silence, mais le silence peut-être interrompu. C’est à lire à tout prix,» a indiqué Jones.

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Traduit de l’Anglais par Guy Everard Mbarga

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