Tunisie: quand Moody’s préfère Ben Ali


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Moins d’une semaine après le départ du dictateur tunisien, l’ancien Président Zine El Abidine Ben Ali, l’agence internationale de notation financière Moody’s a retravaillé sa cotation sur la Tunisie, tenant compte du nouveau contexte politique de ce pays d’Afrique du Nord.

Moody’s a rabaissé la notation de la Tunisie de « Baa2 » à un lamentable « Baa3 ». Un classement qui ne fait que confirmer les relations suspectes qu’entretiennent les grandes entreprises internationales avec les dictatures.

Malgré la mise en place par le gouvernement de transition en Tunisie de commissions d’enquête pour permettre un avenir financier plus transparent, malgré les annonces faites les gouvernements suisses, français et même l’Union Européenne de geler les avoirs détournés par le Clan Ben Ali ou de travailler de concert pour aider le processus démocratique en Tunisie, la note souveraine du pays est abaissée…

Ce geste de Moody’s est la preuve qu’être un pays libre et démocratique revêt peu d’importance pour les institutions financières mondiales, tout en soulignant le piédestal sur lequel sont placés les régimes dictatoriaux à tendances mafieuses. Cette évaluation montre clairement que le gouvernement despotique tunisien représentait une meilleure garantie financière qu’une démocratie véritablement populaire. La clé du succès financier d’un pays résiderait donc dans l’asphyxie de ses médias, le népotisme, et les violations des droits de l’homme …

« Cette crise peut potentiellement être très dommageable pour l’économie du pays, tirée par l’activité touristique et les investissements directs de l’étranger », explique sur Bouriser.com Aurelien Mali, analyste chez Moody’s, qui ajoute cependant que « la Tunisie a souvent fait preuve de détermination, y compris lorsque l’environnement économique n’était pas favorable ».

Les conséquences financières de cette nouvelle notation de Moody’s pourraient cependant être désastreuses. Les perspectives du pays sont ainsi passées de « stable » à « négative ». Et leur prochaine notation pourrait voir le statut du pays d’Afrique du Nord chuté à « junk », c’est-à-dire « pourri »! Pas mieux pour décourager les éventuels investisseurs et faire remonter les taux d’accès aux crédits du pays. C’est un véritable croc-en-jambe au nouveau régime tunisien.

« Standard & Poor’s et Fitch Ratings ont quant à eux annoncé qu’ils allaient aussi abaisser leurs notes sur les obligations de la Tunisie en les plaçant en « surveillance négative », rapporte Bloomberg.

Ces notations précipitées, sûrement commandées très tôt après départ de Ben Ali et publiées seulement six jours après, viennent comme un véritable camouflet pour le développement démocratique. Une ironie choquante qui voit les gouvernements occidentaux prôner la bonne gouvernance alors que leurs multinationales soutiennent ouvertement les dictatures stables.

Une ironie qu’Aurlien Mali résume parfaitement en ces termes : « Les conséquences politiques de l’effondrement du régime politique de la Tunisie sont les principaux moteurs de la décision de rétrograder la notation des obligations du gouvernement ».

Une attitude financière cynique qui donne l’absolution aux régimes dictatoriaux!

Par Prince Ofori-Atta

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