Troy Davis condamné à mort : pourquoi Obama reste-t-il muet ?


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L’ultime débat télévisé prévu entre Obama et Mc Cain aura lieu ce mercredi soir. Alors que le candidat démocrate est crédité de quatorze points d’avance sur son rival, la question de la peine de mort est rarement abordée dans la campagne présidentielle. La Cour Suprême a rejeté aujourd’hui le recours en appel de Troy Davis, condamné à mort noir américain, qui clame son innocence dans le meurtre d’un policier blanc. Pourquoi Obama ne s’est-il pas prononcé ?

La crise financière internationale qui plombe le moral des Américains fait des heureux dans le camp démocrate. Sur fond d’enlisement en Irak, de crise sociale et de fin de règne critiquée de George Bush, Barack Obama tire son épingle du jeu. Le dernier sondage CBS News-New York Times paru mardi crédite le sénateur de l’Illinois de 53% des intentions de vote, contre 39% pour son rival John Mc Cain. Les Etats-Unis auront les yeux rivés sur leurs écrans ce soir pour le dernier débat télévisé qui opposera les deux prétendants à la Maison-Blanche. Difficile de prévoir de quoi parleront les deux candidats par contre il est plus aisé de dire sur quoi ils ne s’étendront pas : la peine de mort.

Alors que la Cour Suprême vient de rejeter son appel, le prisonnier noir américain condamné à la peine capitale pour le meurtre d’un policier blanc en 1991, à Savannah en Géorgie, a toujours formellement nié sa culpabilité. Malgré la campagne internationale de soutien au détenu et la médiatisation de l’affaire, la nouvelle ne semble pas s’immiscer dans la course présidentielle pour autant.

S’il n’y a pas grand chose à attendre des Républicains sur ce thème, l’on aurait pu espérer une attitude progressiste de la part du sénateur démocrate. Aussi, de nombreux forums sur la toile font part des attentes et déceptions qu’Obama a pu créer depuis le début de la campagne chez les défenseurs de la cause noire aux Etats-Unis.
Le candidat Obama ne semble pourtant pas vouloir débattre du sujet. Il s’est prononcé discrètement en faveur de la peine de mort – dans certains cas uniquement-. Ainsi a-t-il déclaré en juin 2008 : « J’ai dit à plusieurs reprises que je pense que la peine de mort devrait être autorisée dans un nombre très limité de circonstances, pour les crimes les plus extrêmes. (…) Je pense que le viol d’un petit enfant, de 6 ou 8 ans, est un crime hideux ». Critique sur la façon dont les condamnés sont exécutés, le candidat Obama ne se prononce pas pour l’abolition de la peine capitale.

« Quand l’accusé est noir et la victime blanche, la probabilité que la peine de mort soit imposée est plus grande.»

Condamné à mort en 1991, Troy Davis s’est toujours dit innocent. Sept des neuf personnes qui avaient témoigné contre lui se sont rétractées depuis. La Cour Suprême qui lui avait accordé le 23 septembre un sursis, deux heures seulement avant son exécution, s’est donc de nouveau prononcée pour sa mort. Alors que presque tout plaide en sa faveur, la plus haute institution juridique américaine refuse même d’examiner les preuves d’innocence de l’accusé. Depuis 1991, nombreuses sont les personnalités qui ont appelé à la clémence : l’ancien président Jimmy Carter, l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, le Pape Benoit XVI ou encore l’actrice Susan Sarandon.

Amnesty international défend la thèse du complot et affirme que les témoins ont parlé sous la contrainte de la police. « Quand l’accusé est noir et la victime blanche, la probabilité que la peine de mort soit imposée est plus grande. Quand la victime est un policier blanc, l’accusé n’a presque aucune chance », a déclaré Sarah Totonchi, membre du comité de soutien de Troy Davis.

Un million d’Africains-américains en prison, soit la moitié de la population carcérale américaine

De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le traitement différent qui serait accordé par la justice américaine aux condamnés blancs et à ceux noirs. Il y a aujourd’hui un million d’Africains-américains en prison, soit la moitié de la population carcérale américaine, alors qu’ils ne représentent que 14% de la population.
Quoi qu’il en soit, Barack Obama ne s’est pas prononcé sur le sort de Troy Davis alors que les circonstances devraient le pousser à le défendre : aucune accusation de pédophilie.

Le sénateur de l’Illinois se défend depuis le début de sa course à la présidence d’être le candidat des afro-américains, rappelant régulièrement qu’il est métis. Peur de la ghettoïsation ou volonté réelle de transcender les clivages ethniques ? Peur de la défaite ? Quoi qu’il en soit, Barack Obama ne prend pas trop de risque en qualifiant d’horrible le viol d’un enfant de huit ans. Bien décidé à s’installer dans le bureau ovale dès le 1er janvier prochain, il tente de ne pas trop s’impliquer dans ce sujet trop délicat à trois semaines du vote.
Rappelons qu’un sondage Gallup Poll, paru en 2007, révélait que 69 % des Américains étaient favorables à la peine de mort.

Le Centre d’information sur la peine de mort cite aujourd’hui une dizaine de cas de personnes exécutées depuis 1983 alors que des doutes subsistaient sur leur culpabilité. 130 autres ont été innocentées depuis 1973, après avoir passé parfois plus de 25 ans dans le couloir de la mort et sans aucune indemnisation.

Difficile de calculer le nombre d’erreurs judiciaires réelles et le nombre d’innocents exécutés à tort, cependant le débat prend de plus en plus de place dans la sphère publique américaine. La chaîne de télévision FOX est allée jusqu’à en faire le scénario d’une de ses séries phare, « Prison Break », dans laquelle le héros fait échapper son frère, condamné à la chaise électrique à la suite d’une erreur judicaire. La série fait paradoxalement beaucoup d’audience dans un pays où près des trois quarts de la population se prononce en faveur de la peine de mort comme châtiment suprême.

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