Trinquer avec un sachet


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Les sachets d’alcool vendus au Kenya inquiètent. Leur grande disponibilité, leur prix très bas et leur qualité parfois douteuse en font un fléau parfois mortel. Fléau auquel sont particulièrement exposés les jeunes. Quelques politiciens ont tiré la sonnette d’alarme et réclament l’interdiction des « alco-sachets » contenant des spiritueux frelatés.

L’abus de sachets d’alcool est dangereux pour la santé. Ce type de conditionnement, utilisé dans certains pays africains, ne fait pas l’unanimité au Kenya. Ils estiment que la facilité d’accès des « alco-sachets » incite les Kenyans, surtout les jeunes, à en consommer en grande quantité. Or, la mauvaise qualité de certaines boissons frelatées est susceptible de causer de sérieux dégâts sur la santé du consommateur. Voire de les tuer. Quelques politiciens et une association de lutte contre les drogues montent au créneau pour que les sachets soient purement et simplement interdits.

0,11 euro le sachet

Les sachets d’alcool sont très prisés par les indigents et les adultes ayant de faibles revenus. Mais les plus jeunes ne sont pas en reste. « Des enfants âgés d’à peine huit ans s’achètent ces sachets d’alcool. Des jeunes les introduisent à l’école très facilement et les consomment à l’intérieur de leur établissement. A l’extérieur, ils les mélangent à leur jus de fruit. Beaucoup ont déjà été retrouvés complètement saouls », s’indigne Roseline Onyuka, coordinatrice nationale en intérim de l’Agence nationale pour la campagne contre la consommation de drogues (Nacada). Et de désigner le premier coupable : le prix très attractif des « alco-sachets ». Entre 10 et 20 shillings (entre 0,11 euro et 0,22 euros) pour un sachet de 10 à 50 ml environ. « Les garçons peuvent s’en procurer plusieurs et les mettre dans leurs poches sans que personne ne s’en aperçoive », déplore Roseline Onyuka.

Egalement pointée du doigt dans la forte consommation des jeunes, la variété des lieux de ravitaillement. A commencer par les foyers. « Certains enfants commencent à boire parce qu’ils ont vu leur père le faire à la maison », explique le Pasteur Geoffrey Onsombi, officiant à l’Eglise Jesus Glory de Kisii (centre-ouest). Mais la tentation est surtout très grande dehors. « Les sachets sont disponibles dans tout le pays. Ils sont vendus comme des bonbons. En zones urbaine, comme en zone rurale. Dans les kiosques, les magasins ou encore les HLM », commente la coordinatrice nationale en intérim de Nacada.

Boire à en mourir

Des prix bas et une myriade de points de vente. Pour Roseline Onyuka, pas de doute : ces faits sont le fruit d’une stratégie commerciale bien huilée. « Les marques veulent toucher le plus grand nombre de clients. Et en priorité les jeunes, qui n’ont que très peu de ressources financières. Le format du sachet et son faible coût les incitent à essayer et à consommer. Le phénomène, qui est le même pour les adultes, pousse la population à boire beaucoup plus qu’avant. La concurrence entre les différentes marques participe à rendre le prix très bas. Tout le monde veut sa part du gâteau ».

La plupart des sachets contient des spiritueux de marques légales. Mais certains contiennent des boissons locales fortement alcoolisées, comme le « chokolat, le chang’aa ou encore le busaa », explique le Pasteur Geoffrey Onsombi. Les mélanges des fabriquants peuvent se révéler très dangereux pour la santé. « Certains ajoutent une sorte d’acide qui renforce l’effet de l’alcool. Selon les mélanges faits par le fabriquant, vos yeux peuvent devenir comme ceux d’animaux sauvages. Parfois, boire un seul sachet de ces alcools manipulés peut rendre fou », souligne le Pasteur Onsombi. De l’alcool coupé qui a déjà tué des dizaines de Kenyans dans le pays.

Interdire les sachets d’alcool

Meurtriers, ces alcools de mauvaise qualité posent des problèmes d’ordre social. Leur absorption dans les établissements scolaires menace les bonnes performances scolaires des consommateurs et les règles de discipline en vigueur. Trois parlementaires de l’Eldoret (Centre-ouest), dénonçant fin mars cet état de fait, ont aussi insisté sur la hausse des crimes conséquente à l’accès trop facile des sachets d’alcool. William Ruto, Joseph Lagat et David Koros, membres de l’Union nationale africaine du Kenya (Kanu), blâment surtout les alcools conçus dans l’illégalité. Ils ont d’ailleurs proposé au gouvernement d’interdire la fabrication et la vente de ces liqueurs illégales.

La Nacada va plus loin. « Pour protéger nos jeunes, nous souhaitons que tous les sachets d’alcool soient interdits. Les spiritueux doivent uniquement être vendus dans les emballages classiques, comme les bouteilles. L’alcool ne doit pas être accessible n’importe où comme c’est à présent le cas, mais dans des endroits où des adultes sont présents pour réguler la délivrance de la boisson », explique Roseline Onyuka. Un effort qui devra être mené sur plusieurs fronts, pour sauver les Kenyans à risque de l’accoutumance.

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