Tous contre Eyadema


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Sans surprise, les résultats des présidentielles annoncés mercredi soir par la Commission électorale togolaise donnent le Président sortant Gnassingbé Eyadéma vainqueur, avec près de 60% des voix. L’opposition, qui dénonce des fraudes massives, fait front contre le général au pouvoir depuis 1967 et tente d’établir une stratégie commune.

De la modification constitutionnelle de décembre 2002, qui l’autorisait à remettre son mandat en jeu et qui interdisait à son éternel opposant Gilchrist Olympio de le briguer, jusqu’aux élections du 1er juin dernier, tout s’est déroulé comme Gnassingbé Eyadéma l’avait prévu. Selon les résultats provisoires annoncés mercredi soir par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), 57,22% des Togolais ont choisi de reconduire le mandat de leur Président.

Emmanuel Bob Akitani, candidat soutenu par l’Union des Forces du Changement (UFC) de Gilchrist Olympio, dont la candidature avait été rejetée, obtient 34,14% des suffrages. Yawovi Agboyibo, du Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) et l’ancien président du parlement togolais, Maurice Dahuku Pere, n’en glanent respectivement que 5,20% et 2,26%. Les trois autres prétendants, dont l’ancien Premier ministre Edem Kodjo, obtiennent moins de 1% des suffrages. Reste à la Cour constitutionnelle à ratifier ces résultats. Des résultats que l’opposition togolaise rejette en bloc. La fraude que chacun dénonce serait en partie due à des bourrages d’urnes et à des rétentions de cartes d’électeurs dans les régions défavorables au Président sortant.

 » Stratégie commune « 

Avant même l’annonce des résultats par la Céni, les candidats Akitani, Dahuku Pere et Kodjo se sont successivement proclamés vainqueurs, arguant de chiffres collectés par leurs rapporteurs locaux. Mais aujourd’hui, la tendance semble être à l’union derrière le candidat de l’UFC. Yawovi Agboyibo lui attribue, selon ses propres sources, 54,80% des suffrages. « Je tiens à adresser mes félicitations à Bob Akitani pour sa victoire », a-t-il déclaré peu avant l’annonce de la Céni. Seul Dahuku Pere refuse encore de  » reconnaître  » la victoire du candidat UFC, estimant que lui-même pourrait avoir remporter les élections. Mais cela ne l’empêche pas de s’entretenir avec ses Alter ego.

 » Nous venons de terminer une concertation avec les partis d’opposition dans le but de pratiquer une stratégie commune. Y participaient Edem Kodjo, Yawovi Agboyibo et Dahuku Pere « , a indiqué jeudi le Secrétaire général de l’UFC, Jean-Pierre Fabre, à Afrik. Sur cette stratégie, notamment sur le recours à la Cour Constitutionnelle,  » la question est de savoir si l’on entre ou non dans une contestation judiciaire « , explique le responsable politique.  » Mais je ne crois pas que nous allons saisir la Cour Constitutionnelle, car ses décisions sont irrévocables. Or, cet organe est totalement aux mains du régime « . Comment solliciter son arbitrage pour refuser plus tard sa décision ? L’UFC préfère  » demander à une institution indépendante l’examen des procès verbaux des bureaux de vote « , afin d’établir la défaite de Gnassingbé Eyadéma.  » Bien sûr, notre lutte passe également par une grande mobilisation populaire « , précise Jean-Pierre Fabre.

Le Président de l’UFC, Gilchrist Olympio, qui annonce que Bob Akitani forme actuellement son gouvernement, se montre plus virulent que son Secrétaire général.  » Nous sommes prêts à prendre le pouvoir. Prêts au rapport de force avec Eyadéma. Un rapport que nous avons avec lui depuis 36 ans « . Olympio reste néanmoins très vague. Notamment sur la façon de  » prendre le pouvoir « .  » Chaque chose en son temps. Il faut laisser les choses évoluer. Je ne vais pas vous dire que demain nous allons déployer 5 000 hommes dans les rues … « .

Débandade de l’OIF

L’opposition ne pourra pas compter sur l’appui des observateurs dits  » indépendants « , qui ont couvert les élections. Un  » comité  » regroupant plusieurs missions d’observateurs internationaux, dont celle de l’Union africaine (UA), a jugé mardi que le scrutin s’est déroulé  » librement  » et  » dans des conditions de transparence « . Des  » observateurs de complaisance « , juge Jean-Pierre Fabre.  » Invités et entretenus par le régime « , assène le premier conseillé de l’UFC, André Kuévi.

La mission de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui s’est désolidarisée au dernier moment du rapport de l’UA, a annoncé jeudi qu’elle ne comptait pas rendre son compte-rendu public.  » Il n’a jamais été question qu’un rapport officiel soit publié, notre organisation n’a aucune obligation de livrer ses conclusions au grand public « , a affirmé mercredi soir l’un de ses délégués avant de quitter Lomé avec son équipe. Pour défendre sa position, l’organisation met en avant son rôle de médiateur et précise qu’un rapport a été envoyé à chaque parti. En l’absence de délégations de l’Union européenne ou des Etats-Unis, le rapport de l’OIF était très attendu.  » La mission, commente Gilchrist Olympio, a du revenir en France pour consulter son patron, Jacques Chirac. S’il décide de ne pas soutenir Olympio, alors Olympio ne sera pas soutenu « .

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