Tchad : recherche opposants politiques… désespérément ?


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Deux semaines après leur interpellation illégale, la communauté politique internationale s’intéresse au sort d’au moins trois personnalités politiques enlevées par des hommes en treillis de l’armée nationale tchadienne. La France, qui a aidé sur place le président Deby à se maintenir au pouvoir, réclame elle aussi des explications.

La communauté internationale s’intéresse enfin au sort des opposants politiques tchadiens interpellés durant l’offensive rebelle sur N’Djamena du 2 février dernier. Ce lundi, les 27 ministres européens des Affaires étrangères ont appelé dans une déclaration commune « le président Deby à agir avec modération et à les libérer immédiatement ». Ils déclarent par ailleurs avoir « pris note » de l’état d’urgence décrété par le chef de l’Etat tchadien, jeudi dernier, et « surveiller de près le respect des libertés civiles et des principes fondamentaux de l’Etat de droit dans ce contexte ».

Des quatre principales personnalités politiques signalées disparues depuis deux semaines [[La Raddho (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme), qu’Afrik n’est pas parvenu à joindre, fait état de l’interpellation d’au mois trois autres personnalités politiques : Salibou Garba, de l’Alliance Nationale pour la Démocratie (AND), Jean Alingue Bouwoyeu, de l’Union pour la Démocratie et le Progrès (UDP) et de Saleh Kebzabo, l’Union Nationale pour le Développement et la Démocratie (UNDD)]], seul Lol Mahamat Choua, ancien président de la République, député RDP (Rassemblement pour la démocratie et le progrès), a été « retrouvé ». Les autorités tchadiennes ont annoncé jeudi dernier l’avoir découvert dans une prison nationale. Il est apparu « très fatigué » à ses proches. Quant à Wadel Adbelkader Kamougué, ancien président de l’Assemblée nationale et député URD (Union pour le Renouveau et la Démocratie), longtemps annoncé par Amnesty International comme ayant été arrêté, il aurait en fait échappé à ses agresseurs et se cacherait actuellement.

En revanche, nul ne sait ce qui est advenu de Ngarlejy Yorongar, député du FAR (Fédération action pour la République), ni d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, secrétaire général du PLD (Parti pour les Libertés et le Développement) et porte-parole de la coalition de l’opposition. Les deux mastodontes de la politique tchadienne participaient, après de multiples échecs, au processus de renforcement du processus démocratique au Tchad. Lol Mahamat Choua était même le président du comité de suivi d’un accord signé le 17 août 2007 dans le cadre de ce processus. Ce qui laisse penser qu’en balayant plusieurs années d’efforts en vue d’initier un dialogue entre le régime et l’opposition, le Tchad est reparti pour un nouveau cycle de fermeture politique.

Une « priorité » pour la France ?

La déclaration du ministre de l’Intérieur Ahmat Mahamat Bashir, qui a annoncé mercredi dernier l’ouverture d’une « enquête judiciaire pour déterminer comment ils ont été arrêtés » et pour « les retrouver dans les meilleurs délais», ne risque pas de rassurer leurs proches. D’autant que ce dernier a pris soin de préciser à la presse que la zone de résidence des opposants politiques « était sous contrôle des mercenaires (les rebelles) » au moment de leur enlèvement. Ce à quoi Mahamat Allahou Taher, le porte-parole du RDP, a répondu que Lol Mahamat Choua avait été enlevé par « une quinzaine de militaires de la Garde présidentielle ».

« Les autorités tchadiennes nous assurent que des recherches sont menées activement pour les retrouver et les identifier si elles les détiennent », a confirmé ce lundi le porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères, Frédéric Desagneaux, qui s’en tient devant la presse à la version officielle. Bruno Foucher, l’ambassadeur de France au Tchad, parle même de la découverte des « personnalités de l’opposition » comme d’une « priorité ».

Paris s’était réveillé en milieu de semaine dernière pour réclamer, sous la pression des ONG, une « clarification sans délai » sur le sort des disparus. Une autre porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Pascale Andreani, a exigé « des informations précises sur les motifs pour lesquels ils ont été emprisonnés et sur les lieux ». Lol Mahamat Choua avait été retrouvé le lendemain. Idriss Deby, que la France a aidé à se maintenir au pouvoir, avait auparavant estimé que le sort des personnalités politiques disparues constituait un « détail ».

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Photo : Ibni Oumar Mahamat Saleh, Alwihdainfo.com

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