Sur les quais africains


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Ananias Leki Dago

Dans le prolongement des Rencontres internationales de la photographie qui se sont tenues à Arles (sud-est de la France) du 8 au 11 juillet derniers, une exposition consacrée à neuf ports africains est à voir jusqu’au 19 septembre. Un magnifique panel de techniques et d’approches livré par neuf photographes européens et africains.

Dans les ports d’Afrique, il y a des photographes qui regardent. Qui s’imprègnent d’une atmosphère pour en ramener l’essence. Qui s’ennivrent dans les volutes de pétrole et de gazoil, qui se perdent sur ces quais des brumes version afro, qui offrent l’endroit et l’envers du décor. Dans le cadre de l’initiative « Ports d’Afrique », lancée par le réseau des centres culturels français d’Afrique centrale et pilotée par le Centre culturel français de Douala au Cameroun, neuf photographes européens et africains sont partis à la découverte de neuf ports africains. Chacun, avec sa personnalité et sa vision, a ramené une somme de photos, dont un échantillon est exposé en ce moment à Arles, dans le sud-est de la France. Dans le prolongement des Rencontres internationales de la photographie (8-11 juillet), l’exposition est à voir jusqu’au 19 septembre prochain.

Le commissaire de l’exposition, Vincent Gaston, explique qu’« Alain Bizos, Pascal Bois, Antonin Borgeaud, Bruno Boudjelal, David Damoison, Ananias Leki, Mauro Pinto, Andrew Tschabangu et Alain Willaume ont accepté de participer à ce projet dans des conditions parfois difficiles, pour rendre compte d’une réalité africaine qui n’est pas faite seulement de misère et de violence ». Pointe-Noire, Libreville, Douala, Malabo, Sao Tomé, Conakry, Lagos, Port-Gentil… des destinations bien peu touristiques et souvent méconnues. A (re)voir avec un œil neuf. Celui des photographes.

L’Afrique en panoramique

Parmi les séries les plus marquantes : celle du Français Pascal Bois, de l’agence Panoramique.com. Sept panoramiques couleur de Sao Tomé et Principe, en Guinée Bissau, pris en mai 2003. Où l’on passe de la plage des pêcheurs, arborée et animée par des grappes d’enfants, au centre-ville éclairé par la couleur jaune presque fluorescente des taxis. Les bâtisses coloniales y étalent langoureusement leur décrépitude et leurs murs rongés par l’air marin. Sur les deux derniers clichés, le photographe a capté des ciels d’apocalypse. Une lumière de fin du jour tombe sur le Largo da Uccla, désert, et un ciel d’orage couve une plage et une petite église immaculée. Magnifique.

Autre ambiance, autre lieu : le français Alain Willaume emprisonne Douala, au Cameroun, dans ses pellicules noir et blanc. Onze photos, aux tons sombres, qui capturent les installations portuaires avec distanciation. Les hommes qui passent sont des silhouettes, sauf sur l’une d’entre elles où un homme, une partie du visage dissmulé par un masque blanc, fixe l’objectif, le regard hagard et épuisé. L’architecture est mise en avant dans ces clichés au grain étonnant et aux nuances de gris inépuisables.

Le Noir et blanc dans tous ses états

Il faut aussi retenir David Damoison qui, à Pointe-Noire, au Congo, laisse la place aux hommes. Aux travailleurs du port. Sur quinze photos noir et blanc, huit portraits s’affichent à côté de photos de groupe, et d’un gros plan sur une main tenant un sandwich ou sur des pieds pleins de poussière. Regards intenses, contrastes maîtrisés. Contraste aussi, chez l’Ivoirien Ananias Leki Dago, qui s’est penché sur Conakry, en Guinée, en avril 2003. L’architecture y est exaltée et le photographe joue sur les ombres et les aplats de noir. Enfin, Antonin Borgeaud est allé à Port-Gentil, au Gabon, en mai 2003 et sur ses clichés, le pétrole n’est jamais loin. Les plates-formes off-shore sont autant de constructions fantomatiques et inquiétantes qui, du large, semblent surveiller le port.

« Les Ports d’Afrique », jusqu’au 19 septembre 2004, Atelier de Chaudronnerie, à Arles.

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