Solidarité africaine avec Haïti


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Drapeau d'Haïti
Drapeau d'Haïti

Le tremblement de terre qui a frappé Haïti il y a quelques semaines a suscité un élan de solidarité mondial. Ainsi que le note Afrique Renouveau dans cet article, en Afrique, l’exceptionnelle mobilisation des Etats mais aussi des citoyens ordinaires se fonde notamment sur les rapports historiques très forts entre Haïti et le continent.

Dans la large mobilisation internationale qui s’est organisée pour aider les populations sinistrées d’Haïti, l’Afrique n’est pas en reste. Responsables politiques, figures religieuses, étudiants, artistes et de nombreux autres Africains ont réagi à l’annonce du tremblement de terre dévastateur du 12 janvier par une démonstration immédiate de soutien et de solidarité qui s’est traduite par des messages de condoléance ainsi que par des dons en argent et en nature.

Début février, les informations disponibles indiquaient que quelques 21 pays africains avait fait des dons ou des promesses de dons pour un total de 51 millions de dollars afin de contribuer aux opérations de secours menées en Haïti. Ceci ne représente certes qu’une petite fraction des 2 milliards de dollars de dons versés ou promis au niveau international, mais c’est néanmoins une contribution notable de la part du continent qui connaît les plus haut taux de pauvreté dans le monde.

Les Africains ont historiquement une affinité particulière avec Haïti, un pays peuplé presque exclusivement de descendants d’esclaves africains. “Nous apportons notre soutien au peuple haïtien qui est un peuple africain frère, un peuple noir, ” déclare Oumar Waly Zoumarou, un porte-parole des syndicats sénégalais actif dans les efforts de secours.

« La première république noire »

Haïti inspire aussi une certaine fierté, relève une coalition de partis politiques du Burkina Faso dans un message de solidarité. Haïti a été la “la première république noire du monde”, une référence à la révolution qui a chassé les planteurs propriétaires d’esclaves et mis fin à la domination coloniale de la France en 1802, soit plus d’un siècle et demi avant que la plus grande partie de l’Afrique obtienne sa propre indépendance.

Il existe également des liens plus directs : de nombreux pays africains ont des citoyens en Haïti, notamment au sein de la mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) ainsi que dans d’autres organisations internationales. Certains comptent parmi les 200 000 personnes auxquelles le séisme aurait coûté la vie.

Au rang des pays africains ayant fait les contributions les plus importantes, on compte le Maroc qui s’est engagé à fournir environ 33 millions de dollars d’aide humanitaire, le Ghana avec 3 millions de secours d’urgence, la République démocratique du Congo (RDC) et la Guinée équatoriale qui ont promis respectivement 2,5 millions et 2 millions de dollars.

Le Nigéria, qui a un contingent de plus de 120 policiers au sein de la MINUSTAH, apporte 1,5 millions de dollars d’aide humanitaire ; “la communauté internationale qui se mobilise pour aider Haïti peut compter sur le soutien du Nigeria,” a déclaré son Vice-président Goodluck Jonathan.

Jean Ping, Président de la Commission de l’Union africaine (UA), a demandé à tous les États membres de l’organisation de contribuer à ces efforts pour aider Haïti. L’Algérie, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Gambie, la Namibie, le Sénégal et la Tunisie ont chacun versé 1 million de dollars et d’autres pays sont en train d’organiser leur propre contribution. Le président sénégalais Abdoulaye Wade a de son côté offert des terres à tout Haïtien qui désirerait être “rapatrié” en Afrique.

Solidarité citoyenne

Deux jours après la catastrophe, le gouvernement sud-africain avait promis une contribution initiale de 1 millions de rands (135 000 dollars). Les entreprises et les organisations charitables sud-africaines se sont rapidement engagées à faire un effort bien plus considérable. Vodacom, une importante société de téléphonie mobile, a rapidement financé l’envoi à Haïti d’une équipe de 40 médecins urgentistes, d’unités canines de recherche et d’autres spécialistes de l’organisation de protection civile du pays, Rescue South Africa, pour aider les victimes du tremblement de terre. La ministre sud-africaine des Relations internationales, Maite Nkoana Mashabane, estime que les contributions du public dépasseront éventuellement la cible de 30 millions de rands (4 millions de dollars) que s’est fixée la campagne nationale.

Les organisations de la société civile d’autres pays n’ont pas non plus laissé toutes les initiatives à leur gouvernement. Au Kenya, la Croix-Rouge nationale organise une collecte de fonds, d’aliments et d’autres dons auprès du public. De la République Démocratique du Congo (RDC) au Burkina Faso, les Églises recueillent les contributions de leurs fidèles. Un concert des vedettes de la scène musicale ghanéenne au bénéfice des victimes baptisé “Le Ghana aime Haïti” a été organisé à Accra le 23 janvier et une campagne nationale de messages par téléphone cellulaire a été lancée pour recueillir des fonds auprès du public.

La chanteuse sénégalaisse Coumba Gawlo Seck a proposé d’enregistrer, en compagnie d’autres artistes, une chanson en solidarité avec Haïti dont tous les profits seraient destinés à la population haïtienne. À ce jour, son compatriote Baaba Maal, l’Ivoirien Alpha Blondy, le Congolais Papa Wemba et la Malienne Oumou Sangaré sont parmi les artistes qui ont déjà accepté de participer à ce projet.

C’est au Sénégal que la réponse a pris les formes les plus variées. Les syndicats de travailleurs sociaux et de travailleurs de la santé recueillent des médicaments et des vêtements neufs pour les envoyer à Haïti. Les syndicats d’enseignants ont annoncé pour février une “semaine de solidarité” avec Haïti afin de mobiliser le soutien des enseignants, des élèves et de leurs parents.

Le Comité d’initiative Sénégal-Haïti, organisé par des citoyens sénégalais et des habitants des Antilles qui vivent au Sénégal, fait campagne pour un effort de solidarité à plus long terme et qui prenne en compte l’énorme travail de reconstruction auquel Haïti fait face. Le comité envisage de collecter des fonds pour une période initiale d’au moins trois mois, en organisant de larges campagnes auprès du grand public ainsi que des initiatives plus individualisées ciblant des écoles et des lieux de travail.

Certains membres du comité ont proposé d’offrir des bourses à des étudiants haïtiens ; “plusieurs Haïtiens étaient venus enseigner dans les pays d’Afrique,” explique à un journaliste sénégalais le professeur Boubacar Barry de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ajoutant qu’il est donc naturel de considérer que “l’Afrique a une dette à l’égard d’Haïti.”

Par Ernest Harsch, pour Afrique Renouveau, une publication de l’ONU

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