Sahara Occidental : le Maroc au cœur de la polémique


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La question du Sahara Occidental fait la une des journaux marocains et algériens. Depuis la diffusion prématurée, le 14 mars, d’un pré-rapport établit par la délégation européenne sur la situation des droits de l’Homme sur ce territoire, rien ne va plus entre les Eurodéputés et les autorités marocaines. Ce document, qui doit être adopté par le Parlement européen jeudi prochain, accable le royaume chérifien. Des critiques mal perçues par le pays qui considère la délégation européenne comme « inféodées à la thèse du Front Polisario ».

La question du Sahara Occidental fait à nouveau débat en Algérie et au Maroc. La cause des tensions : la publication prématurée du pré-rapport établi par la délégation européenne dans le quotidien espagnol, El Pais, le 14 mars dernier, sur la situation des droits de l’Homme dans cette région. Depuis 1963, le Sahara Occidental est inscrite sur la liste onusienne des territoires non-autonomes qui restent à décoloniser. La diffusion du document, qui devrait être adopté jeudi prochain par le Parlement européen, a déclenché de vives critiques au Maroc. Ce pré-rapport a été publié trois jours avant le 17 mars, la date fixée pour sa discussion. Une faute analysée par Aujourd’hui Le Maroc comme « une manipulation inqualifiable ». « Certains membres de la délégation ayant fait le déplacement à Laâyoune (la plus importante ville du Sahara Occidental située au sud du Maroc) se sont empressés de rendre public ce rapport, dans l’objectif de faire chanter les autres membres de la délégation (…) afin d’amener leurs collègues à s’abstenir de rectifier le tir », a indiqué, dimanche, le quotidien marocain.

Les Eurodéputés, « inféodés à la thèse du Front Polisario »

La raison de cette levée de boucliers : les accusations portées à l’encontre des autorités marocaines concernant les conditions de vie des Sahraouis. Durant leur visite en janvier dernier à Laâyoune, la délégation européenne a relevé plusieurs dysfonctionnements. Parmi les principaux problèmes soulevés : « l’impossibilité de certaines associations d’accéder au statut légal, les entraves à la libre expression et au droit de manifestation même pacifiques, de multiples formes de harcèlement des activistes et des défenseurs des droits de l’homme ainsi que des arrestations arbitraires et des mauvais traitement voire de la torture ».

La presse marocaine a notamment condamné l’attitude des Eurodéputés « inféodés », selon Aujourd’hui le Maroc, « à la thèse du Front Polisario [Front Polisario, de l’abréviation espagnole de « Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro » est un mouvement politique et armé qui lutte pour l’indépendance du Sahara occidental.]] ». Le secrétaire général du Parti authenticité et modernité (PAM), Mohamed Cheikh Biadillah, a d’ailleurs accusé les responsables de ces fuites d’avoir « porté atteinte à la liberté de la région », a rapporté, dimanche, le quotidien marocain [Le Matin.

Erratum de la délégation européenne

Face à ces critiques, Ionnis Kasoulides, le président de la Délégation ad-hoc pour le Sahara Occidental, a fait profil bas. Il a simplement rappelé l’objectif de ce rapport : « l’amélioration de la situation des droits de l’homme sahraoui ». « Ce serait une grave erreur d’exploiter les faiblesses que nous identifions dans le rapport pour nourrir la polémique. Il fait état de quelques éléments, lesquels, nous en sommes convaincus, sont faciles à corriger, ceci aidera à dédramatiser la situation, facilitant par là une solution politique au problème sahraoui », a-t-il précisé, dans un communiqué de presse publié, mercredi dernier.

Reste que le rapport final, dont Afrik.com s’est procuré une copie, ne se montre pas plus tendre envers le Maroc. Les critiques, concernant, notamment, les entraves à la libre expression et au droit de manifestations à Laâyoune, n’ont pas été modifiées. « Au Sahara sous contrôle marocain, toute position indépendantiste peut être considérée comme une atteinte à l’intégrité territoriale. La Délégation demeure convaincue qu’aucune telle atteinte (sic) ne peut être portée par la simple expression d’opinions politiques, même indépendantistes, dans un cadre pacifique », explique le rapport définitif. Ces accusations ont été abondamment relayées dans la presse algérienne, favorable au Front Polisario, qui a publié des titres comme «Un rapport accablant sur le Maroc» dans El Moudjahid ou encore comme « Le parlement européen épingle le Maroc » dans Liberté.

L’Algérie épargnée

Les Eurodéputés sont moins critiques envers les Algériens. Ils soulignent que, lors de leur visite dans camp de réfugiés à Tindouf à la mi-septembre 2006, le Front Polisario « s’est montré d’une extrême disponibilité ». « A Tindouf (une wilaya de l’ouest de l’Algérie), la Délégation a pu s’entretenir, librement et sans la présence du Front Polisario, avec certains des protagonistes identifiés des troubles qui, ayant éclaté dans les camps de Tindouf en juin 2006, auraient conduit, selon la presse marocaine, à une répression violente de la part des autorités du Polisario », précise le document. Une manière de condamner au passage la réaction du Royaume chérifien.

Cependant, « le milieu judicaire et carcéral (…) demeurent très opaques » dans les camps de Tindouf. Selon les Eurodéputés, « les modalités de déroulement des procès ne sont pas claires ; des véritables interrogations demeurent en outre quant au code de procédure pénale utilisé ou encore sur le respect des droits de la défense ».

Les émeutes de Laâyoune [[En mai 2005 à Laâyoune, de violents affrontements ont éclaté entre les forces de l’ordre marocaines et des Sahraouis qui protestaient contre les violations des droits humains.]] en mai 2005 sont à l’origine de la mise en place de cette délégation européenne. Depuis ces événements tragiques, la communauté internationale surveille de près les autorités marocaines au Sahara Occidental.

Sur la photo : Poste frontalier algéro-marocain à Zoudj Bghal

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