« Rue Cases-Nègres » à Cannes Classics


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Le premier succès cinématographique de la réalisatrice française Euzhan Palcy, Rue Cases-Nègres est projeté ce samedi dans le cadre de Cannes Classics. Pour la cinéaste, les sacrifices consentis pour permettre à ce film de voir le jour sont amplement justifiés. Entretien avec Euzhan Palcy célébrée par la 64e édition du Festival de Cannes.

Affiche_rue.jpgRue Cases-Nègres (1983), outre le César du meilleur premier film, a raflé  plus de 17 prix internationaux tout au long de sa carrière. Dans son prestigieux palmarès figurent le Lion d’Argent et le prix d’interprétation féminine décernés à la Mostra de Venise. Le film d’Euzhan Palcy raconte le quotidien du petit José et de sa grand-mère M’an Tine dans la mythique Rue Cases-Nègres pendant l’été 1931. La fiction est ressortie dans les salles françaises en février 2010.

Afrik.com : Quelle a été votre réaction quand vous avez appris que Rue Cases-Nègres serait projeté à Cannes Classics ?
Euzhan Palcy :
Ça m’a fait très plaisir. C’est toujours très agréable dans le cadre d’un événement important. Rue Cases-Nègres a connu son heure de gloire à Venise. A l’époque, j’aurais aimé que cela soit à Cannes. Plus de 20 ans après, Cannes le reconnaît et salue la carrière du film

Afrik.com : Rue Cases-Nègres devient incontestablement un classique du cinéma mondial. Ce n’est pas donné à tout le monde de voir son œuvre bénéficier d’une telle reconnaissance et d’avoir la chance de l’apprécier en temps réel…

Euzhan Palcy :
Je ne m’y attendais pas. Je suis très contente. C’est ce que je souhaite à tout réalisateur. Rue Cases-Nègres est le film qui m’a lancée et ce fut un parcours du combattant, très difficile et douloureux au moment ou je l’ai fait. Je ne m’attendais pas à ce qu’il ait cette carrière. Cela valait par conséquent la peine de se battre.

Afrik.com : C’est décidément le temps des hommages pour vous. Le Musée d’Art Moderne de New York (Moma) vous accueillera le 18 mai prochain. Et cela se passe aux Etats-Unis, le pays qui a forgé votre carrière. Cela donne-t-il une dimension particulière à cette distinction ?  

Euzhan Palcy :
Je suis très honorée. Être reconnue par son pays, c’est déjà bien mais quand on l’est par d’autres pays et des institutions comme le Moma… Tout réalisateur rêve d’y faire l’objet d’une rétrospective. Le drame, c’est que je suis toujours plus connue aux Etats-Unis qu’en France. Quatre-vingt-dix pour cent des articles sur mon travail ont été publiés aux Etats-Unis. J’ai réalisé beaucoup plus de films américains. C’est dommage, mais c’est la vie !

Afrik.com : Vous profitez de l’hommage qui est rendu à votre œuvre et à vous-même pour mettre en avant un jeune cinéaste sénégalais unijambiste, Moly Kane, en montrant son court métrage quelque peu autobiographique, Moly. Pourquoi ?

Euzhan Palcy :
J’ai produit son petit film parce qu’il m’a bouleversée. J’ai été très émue par son travail et ce qu’il défendait. Il n’est pas le seul, je m’occupe de beaucoup de jeunes et j’en rencontre de très talentueux à qui on ne donne pas facilement la chance de s’exprimer alors qu’ils ont des choses à dire. Je paie leurs études de cinéma, je les prends en stage sur mes films, je les aide à développer leurs scénarios et à les mettre en exécution… Le travail de Moly Kane m’a été présenté en décembre dernier, lors d’un séjour au Sénégal, parmi ceux d’étudiants qui suivaient des ateliers de formation de cinéma. Parmi tous les films qu’on a vu, c’est le réalisateur qui m’a le plus bouleversé. Je me suis dit qu’il fallait absolument l’aider. Je voulais lui permettre d’avoir une prothèse. Je pensais la lui payer sur le cachet de mon prochain film. Mais en attendant, je me posais des questions sur la façon de valoriser son travail. Cannes Classics m’a offert l’opportunité de le faire et je l’ai présenté aux organisateurs du Festival. Moly Kane démontre que le handicap n’est pas une fatalité et qu’il faut se battre.

Afrik.com : En juillet, vous commencerez le tournage d’un biopic et ce n’est pas l’un de ceux auxquels vous pensiez, notamment celui sur Bessie Coleman, la première aviatrice noire et première américaine à avoir obtenu une licence internationale. Votre prochaine fiction Mahalia est  consacré à Mahalia Jackson, célèbre chanteuse afro-américaine. Qu’est-ce qui vous a amené à vous lancer dans ce projet ?

Euzhan Palcy :
On m’a simplement proposé de le faire. J’ai trouvé que ça en valait la peine parce que cette femme est extrêmement importante. Elle fut aux côtés de Martin Luther King dans sa lutte pour la reconnaissance des droits civiques des Afro-Américains. Mahalia Jackson mérite d’être connue et reconnue.

Afrik.com : Vous avez assisté à l’hommage rendu à Aimé Césaire au Panthéon. Qu’avez pensé de cette initiative de l’Etat français ?

Euzhan Palcy :
Aimé Césaire n’a jamais été reconnu de son vivant. Il l’est aujourd’hui, même si c’est tard. Les générations qui ne l’ont pas connu sauront désormais qu’il y a un grand Nègre au Panthéon.

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