Réchauffement climatique : l’Afrique veillera à ses intérêts à Copenhague


Lecture 8 min.
arton17597

Les Africains seront fermes lors des prochaines négociations sur le changement climatique qui auront lui en décembre à Copenhague. Objectif : préserver leurs intérêts et amener les nations industrialisées, responsables du réchauffement climatique, à tenir leurs engagements envers les pays en voie de développement. Le président rwandais Paul Kagame a insisté ce mardi lors du sommet des Nations unies sur le réchauffement climatique, qui se tient à quelques semaines de la conférence de Copenhague, sur la vulnérabilité de son continent en la matière.

« Les pays africains ne soutiendraient pas aveuglément un nouvel accord sur le changement climatique qui ne prendrait pas en compte, les intérêts spécifiques du continent », affirmait le 3 septembre Meles Zenawi à la fin de la session extraordinaire du Forum pour le partenariat avec l’Afrique (FPA) consacrée au changement climatique à Addis Abeba, en Ethiopie. Le Premier ministre éthiopien conduira la délégation africaine des négociateurs lors de la 15e Conférence des parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques prévue en décembre à Copenhague. En prélude à cette rencontre décisive pour l’avenir de la planète, le sommet sur les changements climatiques a débuté ce mardi à New York, à l’initiative des Nations unies qui ont lancé lundi la Semaine du climat. Pour le secrétaire général Ban Ki-moon, ce sommet, le plus important jamais organisé jusqu’ici sur la question, doit être l’occasion pour les leaders « de mobiliser l’élan politique nécessaire pour accélérer les négociations » à Copenhague. Elles devraient aboutir à un nouveau protocole qui succèdera à celui de Kyoto qui expire en 2012. « Il est temps d’agir », a déclaré ce mardi matin le Secrétaire général de l’ONU à l’ouverture du sommet qui a démarré avec la lecture d’un extrait de Pâle point bleu (Pale Blue Dot) du défunt astronome Carl Sagan par l’acteur béninois Djimon Hounsou.

Etat des négociations sur le changement climatique

Le Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique a été adopté en 1997 et est entré en vigueur en 2005. Il établit des mécanismes novateurs pour aider les pays développés à remplir leurs engagements en matière de réduction des émissions. Un objectif de réduction de 5 % par rapport à 1990 été fixé aux pays développés à l’horizon 2012, échéance du Protocole de Kyoto. Ce dernier a prévu notamment le Mécanisme pour un développement propre (MDP) qui aurait dû être favorable à l’Afrique dans la mesure où il permet aux pays développés d’investir dans des projets verts destinés à réduire les émissions de carbone en Afrique et dans d’autres pays en développement. Les crédits dégagés par les projets au titre du MDP peuvent être achetés et utilisés par les pays industrialisés pour remplir en partie leurs engagements en matière de réduction. Cependant, le MDP n’a pas encore profité au continent, notamment à cause des conditions d’investissement dans de nombreux pays africains. Par ailleurs, le faible taux d’émissions de gaz à effet de serre sur le continent et le préjugé en faveur des industries lourdes très polluantes constituent des obstacles. Ils limitent les projets MDP à grande échelle.

En 2001, les Parties à la Convention ont adopté des cadres pour le renforcement des capacités afin d’aider les pays en développement. En 2007, la 13e Conférence des Parties à la Convention-cadre sur le changement climatique a décidé de renforcer d’urgence l’application de la Convention. Pour ce faire, elle a lancé le Plan d’action de Bali qui identifie sept questions concernant l’atténuation qui doivent faire l’objet d’un examen. Il s’agit notamment des engagements ou mesures en matière d’atténuation à prendre par tous les pays développés signataires la Convention en fonction de leur situation nationale respective. Il est aussi question des approches en matière de politiques et mesures incitatives en rapport avec les questions concernant la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD).

En juin 2009, les pays ont exprimé des points de vue différents concernant l’action renforcée en matière d’atténuation. Plusieurs pays en développement, notamment le Groupe africain et certains pays développés, ont souligné qu’il fallait fixer des objectifs de réduction des émissions qui soient juridiquement contraignants pour tous les pays développés. Un certain nombre de ces pays ont, par ailleurs, souligné la nécessité pour les pays en développement avancés de prendre des engagements en matière d’atténuation des effets du changement climatique.

– Source : Extraits du document intitulé Action renforcée pour l’atténuation du changement climatique publié le 3 septembre lors de la session extraordinaire du Forum pour le partenariat avec l’Afrique consacrée au changement climatique à Addis Abeba, en Ethiopie.

Le nouveau traité doit prévoir des réductions « ambitieuses » des émissions des gaz à effet de serre à l’horizon 2020, la limitation de la hausse des émissions des pays en développement sans compromettre leur croissance et des mesures d’adaptation et d’atténuation du changement climatique pour ces derniers, avec le soutien des nations industrialisées. Le président rwandais Paul Kagame, seul chef d’Etat africain présent à ce sommet, a rappelé que «l’Afrique, tout en subissant des conséquences climatiques plus graves que dans d’autres régions, disposait de moins de ressources que les autres parties du monde pour relever le défi des changements climatiques.»

La Commission européenne a chiffré à près de 100 milliards d’euros par an (146 milliards de dollars) l’aide à apporter aux pays en développement pour faire face au réchauffement climatique d’ici 2020. Selon le scénario européen, les pays riches devraient apporter entre 32 et 73 milliards de dollars, dont une participation de l’Union européenne comprise entre 3 et 22 milliards. Ces chiffres seront discutés au prochain sommet du G20 à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre. La proposition de l’UE prévoit que les pays en voie de développement contribuent, selon leurs possibilités, à hauteur de 20 à 40% de ce total. Le reste de la somme proviendra des marchés du carbone. La suggestion européenne a déjà provoqué des réactions côté africain. Elle a été qualifiée de « de grosse blague » par William Kojo Agyemang-Bonsu de l’Agence ghanéenne pour la protection de l’environnement, l’un des négociateurs africains, selon le site SciDev.Net. L’expert ghanéen a souligné que les Africains négociaient sur la base d’une faible responsabilité dans le réchauffement climatique et que, par conséquent, ils ne devraient pas en souffrir financièrement. En 2004, les pays riches, qui comptaient 20% des habitants de la planète et représentaient 57% du PIB mondial, étaient responsables de 46 % des émissions de gaz à effet de serre, selon le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). A Addis, Jean Ping, le président de la Commission africaine, a encore invité les pays du G8 à respecter leurs engagements financiers. En l’état actuel des négociations, les pays africains suggèrent que le niveau des efforts d’atténuation des pays en développement soit fonction de l’appui financier et technologique des nations industrialisées. A l’horizon 2020, ils suggèrent que l’appui financier s’élèvent à 200 milliards de dollars, soit 0,5% du PIB des signataires de la Convention.

Les pays développés doivent tenir leurs engagements financiers pour ne pas pénaliser les plus pauvres

Lord Nicholas Stern, le président de l’Institut de recherche Grantham sur le changement climatique et l’environnement, a estimé, lui, le coût d’une action efficace contre le changement climatique en Afrique à 30 milliards de dollars en 2015. A l’horizon 2020, l’enveloppe devrait se situer entre 50 et 100 milliards. Pour aider efficacement les pays africains, l’aide extérieure devrait se concentrer sur la sylviculture, l’agriculture et l’énergie. « Il est crucial que les pays riches honorent non seulement leurs engagements actuels, mais aussi qu’ils trouvent des ressources additionnelles pour faire face au changement climatique des deux prochaines décennies dont sont, en majorité, à l’origine leurs émissions passées », a insisté le président de l’institut Grantham.

En Afrique, les perturbations climatiques auront des effets sur la croissance économique (accroissement de la pauvreté et de la famine), sur la santé des populations et seront source d’instabilité socio-politique (migration et conflits), a indiqué Lord Nicholas Stern. En Afrique du Nord, les problèmes d’approvisionnement en eau devraient être aggravés par une désertification croissante des zones semi-arides. Dans la région de l’Ouest et du centre, les faibles rendements agricoles iront en se réduisant du fait de la sécheresse et les villes côtières seront menacées par des inondations, dont sont aussi responsables les pluies. C’est actuellement le cas, notamment au Burkina Faso, au Bénin ou encore au Togo. En Afrique australe, la sècheresse provoquera l’assèchement de certains bassins fluviaux et un changement du rythme des précipitations est attendu. A l’Est du continent, les averses augmenteront et on devrait assister à une expansion de la zone d’action des maladies à vecteurs et au déclin de la pêche dans plusieurs pays de la sous-région.

 Lire aussi

Réchauffement climatique : les pays africains appelés à faire baisser la température

Réchauffement climatique : les pays du G77 et la Chine défendent leurs intérêts à Bali

Conférence mondiale sur le Climat à Nairobi

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News