André Mba Obame : l’élection présidentielle au Gabon « ne peut être une affaire de famille »


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Les candidatures à l’élection présidentielle du Gabon se multiplient depuis le 17 juillet, tant au sein de la majorité présidentielle que de l’opposition. André Mba Obame, ancien ministre de l’Intérieur et de la Coordination et du suivi du gouvernement, a révélé ses ambitions vendredi. Bien que son parti, le PDG (Parti démocratique gabonais, au pouvoir), ait fait d’Ali Bongo Ondimba, fils du président défunt, son candidat officiel, il a décidé de se présenter lui aussi. André Mba Obame se veut le digne et véritable héritier d’Omar Bongo Ondimba dont il entend poursuivre l’œuvre.

Dans le hall d’un grand hôtel parisien, André Mba Obame, 52 ans, accueille souriant et courtois les journalistes qui successivement viennent l’interviewer. L’homme est de toute évidence rodé à l’exercice. Docteur en sciences politiques, ce natif de Medouneu dans le Haut Como, après avoir été l’un des principaux animateurs de l’opposition gabonaise à Paris, a intégré dès l’âge de 27 ans le cabinet du président de la République. A 33 ans, il a fait sa première entrée au gouvernement au titre de ministre de l’Agriculture. Depuis, il a assumé de nombreuses fonctions politiques et charges ministérielles. Après les élections de 2005, il a été nommé ministre de l’Intérieur, poste qu’il a quitté en juin 2009 pour occuper celui de la Coordination et du suivi de l’action gouvernementale. Aujourd’hui libre de toute charge ministérielle, il se présente à l’élection présidentielle gabonaise alors même que son parti, le PDG, a choisi pour candidat le fils d’Omar Bongo Ondimba, Ali – l’ami avec lequel il avait créé les « Rénovateurs », un groupe de réflexion qui a œuvré dans les années 80 pour le retour du multipartisme. Au sein du parti au pouvoir, André Mba Obame n’est pas le seul à contester l’investiture d’Ali Bongo. Jean Eyeghé Ndong a démissionné de son poste de Premier ministre et présenté, hier lui aussi, sa candidature à la présidentielle. Issus tant de la majorité présidentielle que de l’opposition, les prétendants à la magistrature suprême, qui ont jusqu’au 22 juillet pour se faire connaître, se font chaque jour plus nombreux. Cependant, André Mba Obame est confiant quant à ses chances de remporter le scrutin dont le premier tour est fixé au 30 août. Entretien.

Afrik.com : Quelles raisons ont motivé votre candidature à la présidentielle ?

André Mba Obame :
D’abord parce que vingt-cinq ans durant, à force de travailler aux côtés du président Omar Bongo, il nous a inculqué le goût et la volonté d’œuvrer au service des Gabonais. Il n’a eu de cesse de rappeler que travailler au développement du Gabon est une longue tâche, qui se fera sur plusieurs générations. Dieu l’ayant rappelé à lui, c’est mon devoir de prendre le relai. Je suis d’une génération qui a longtemps profité de ses conseils, donc en tant qu’ancien compagnon et disciple, j’ai décidé de me présenter devant les Gabonais pour le remplacer. Ils choisiront le candidat le plus apte, et je crois être capable d’assumer la fonction de président.

Afrik.com : Quelles sont les grandes lignes de votre programme ?

André Mba Obame :
On a coutume de dire au Gabon que ce ne sont pas les lois et les programmes qui manquent, mais plutôt l’application volontariste de ces programmes. Tout le monde s’accorde à dire que ces dernières années, sur un plan institutionnel, le Gabon a connu de grandes avancées. Le Gabon fonctionne de ce côté. Là où le bât blesse, c’est sur le plan social. Il faut que tous les Gabonais aient un emploi, un toit, et l’accès aux soins. Tous ces points, avec le budget que nous avons, sont à notre portée si un temps soit peu de volonté politique, de méthode, de rigueur sont mis en œuvre, sans avoir peur non plus de sanctionner la corruption. Contre les détournements de fonds publics, les moyens existent. Manque une volonté politique qui permettrait aux Gabonais de profiter pleinement des richesses de leur pays.

Afrik.com : Doit-on lire dans vos propos une critique du bilan d’Omar Bongo ?

André Mba Obame :
Je ne critique pas. Je constate une insuffisance, un dysfonctionnement du système actuel auquel j’appartiens. Je ne vais pas faire la politique de l’autruche. Tout le monde sait que notre pays est victime de la corruption, des détournements. Un homme ne peut pas être tenu pour seul responsable de tous les problèmes. Nous tous, hommes politiques, avons notre part de responsabilité. Il faut mettre un terme à ces problèmes et faire la promotion de la bonne gouvernance.

Afrik.com : Vous êtes membre du PDG, le parti au pouvoir. Pourquoi vous présentez-vous à l’élection présidentielle alors qu’il a désigné Ali Bongo candidat ?

André Mba Obame :
Vous avez suivi les retombées de la désignation ? L’objectif était de présenter un candidat consensuel qui amènerait le PDG à la victoire. Mais le candidat retenu n’est pas consensuel et la victoire est compromise. Dès le départ, il y a une quinzaine de jours, je m’étais inscrit en faux contre cette démarche. Et les faits me donnent raison. Il y a une cascade de démissions dans le gouvernement, à commencer par le Premier ministre et premier vice-président du parti (Jean Eyeghé Ndong, ndlr). Et en plus du ministre d’Etat aux Mines et au Pétrole Oyé Mba, on cite d’autres noms. Ce qui veut dire que le PDG est en train d’imploser.

Afrik.com : Le PDG avait pourtant présenté votre ami Ali Bongo comme le candidat du consensus…

André Mba Obame :
Quel consensus ? Peut-être a-t-il les moyens du consensus. Mais je constate simplement que suite à sa candidature, il n’y a en a pas… Il est important pour nous qui croyons à l’héritage du président, qui n’avait jamais été le candidat du PDG mais de l’ensemble du peuple, que ses idéaux se perpétuent. Je n’ai rien contre mon frère, mais je veux qu’il sache que, comme lui, j’ai le droit d’exercer mes droits de citoyen, de me présenter à la présidentielle, et que les Gabonais choisiront le candidat le plus apte.

Afrik.com : Il y a quelqu’un qu’on n’entend pas beaucoup en ce moment : Pascaline Bongo. Pensez-vous que le pouvoir sera envisagé comme une affaire de famille et qu’elle s’associera à son frère pour faire front contre vous et les autres candidats en lice ?

André Mba Obame :
Une élection présidentielle ne peut être une affaire de famille. Ce qui doit guider la famille Bongo, c’est l’intérêt du pays. Soit ils soutiennent l’un des leurs parce qu’ils estiment que c’est le meilleur candidat pour défendre l’héritage du président défunt. Soit ils considèrent qu’un autre candidat est un meilleur choix et ils le soutiennent. Le sang ne doit pas parler, car dans un pays vous ne trouverez jamais une majorité de gens de votre sang. Le principal est de défendre le meilleur projet et de le soutenir, dans l’intérêt des Gabonais. Adopter une autre attitude, ce serait faire beaucoup de sentimentalisme pour rien.

Afrik.com : Il y a cette année beaucoup de candidats à l’élection présidentielle. Ils sont issus du PDG, de le majorité présidentielle, de l’opposition. Est-ce, selon vous, un signe inquiétant ou rassurant pour l’avenir du Gabon?

André Mba Obame :
Je préfère voire cela comme un signe rassurant pour la vivacité du système démocratique gabonais. Avant, lorsqu’on décriait le Gabon, on pointait du doigt la candidature unique. Maintenant, le fait qu’il y ait cinq, dix, vingt candidats montre la bonne santé du système politique gabonais.

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Journaliste, écrivain, dramaturge scénariste et réalisateur guadeloupéen. Franck SALIN fut plusieurs années le rédacteur en chef d'Afrik.com
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