Rafet Bellalouna : « A travers la photo, je cherche à trouver la vérité de l’autre »


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Portrait par Rafet Bellalouna
Portrait par Rafet Bellalouna

Portraitiste et artiste photographe franco-tunisien, Rafet Bellalouna a découvert sa vocation, il y a 15 ans, à New-York. Installé à Paris, il développe une notoriété grandissante sur les réseaux sociaux, et en particulier Linkedin, avec ses portraits corporates. Il cherche à saisir « la vérité de l’autre » et à faire vivre à ses modèles d’un jour une véritable expérience photographique. Rencontre avec un passionné qui nous partage sa vision et sa pratique de la photographie.

Sarah Hamdi : Que représente, pour vous, la photo ?

RB : Aujourd’hui, on vit dans un monde d’images. Avec l’arrivée du smartphone et le développement des réseaux sociaux, il y a une surabondance de photos. Plus de 100 millions de photos sont postées, chaque jour, sur Instagram, par exemple.

Mais il y a aussi un autre constat empirique que l’on peut faire : c’est que les gens accumulent des photos dans leurs smartphones, sur une clé USB ou leurs ordinateurs et au final ils n’en font pas grand-chose. Limite, ils les oublient… D’autant qu’on en fait rarement des tirages, aujourd’hui. Je trouve qu’on a perdu une certaine notion de valeur. Une photo ça n’est pas forcément de la photographie. Loin de là d’ailleurs. Et c’est là où la participation du photographe professionnel apporte une vraie valeur ajoutée.

La photographie est un puissant outil de transmission. On transmet des moments de la vie, voire un héritage. La photographie est un outil de mémoire et un patrimoine vivant qui s’offrent en partage. Raison pour laquelle, le tirage reste un incontournable de la photographie que je ne cesse de promouvoir auprès de mes clients. Pour moi, l’essence et le but d’une photo est de pouvoir exprimer, à un instant T, quelque chose, de capter des sentiments, des émotions, une vérité.

SH : Quelle est l’intentionnalité dans votre travail photographique ?

RB : Je me définis comme portraitiste et artiste photographe. A travers la photo, je cherche à trouver la vérité de l’autre. A faire en sorte que les personnes puissent être émues ou fières de découvrir ou redécouvrir leur image et qu’elles assument et valident pleinement ces images appelées à les représenter.

C’est pour moi un défi permanent. Quand un client, à la fin d’une session, me dit : « C’est la première fois, en 48 ans, que je m’accepte et que je me reconnais en photo », que « là c’est moi que je vois » et que c’est la seule photo de lui qu’il publiera officiellement sur ses réseaux sociaux, pour moi, c’est un accomplissement et la plus belle des récompenses !

La photographie permet aussi de se replonger dans les souvenirs, parfois nostalgiques ou émus, de ce qui fut. Notamment à l’occasion d’événements heureux comme les mariages ou tristes comme les décès.

SH : Et comment fait-on pour « trouver la vérité de l’autre » ?

RB : Le but est de se connecter avec le ou la client(e) afin de pouvoir refléter sa personnalité à l’image. C’est à la fois une approche et un processus de travail qui combinent l’écoute, la bienveillance, la patience et la pédagogie pour mettre la personne en confiance afin qu’elle soit vraie devant l’objectif.

Une belle image, ça se construit ensemble. A travers mes séances, qui durent jusqu’à une heure et demie, j’apprends aux gens à poser et je leur fais vivre une véritable expérience photographique où les personnes s’autorisent à être elles-mêmes.

La personne peut venir accompagnée, si elle le souhaite, pour être plus en confiance. Elle peut ramener sa playlist préférée pour qu’elle se sente comme à la maison. Il s’agit qu’elle soit le plus à l’aise et détendue possible. Le cadre est convivial, on prend le temps de discuter, de boire un café, de faire un peu connaissance avant de commencer une séance.

Je l’accompagne durant la session en la guidant sur ses choix vestimentaires, ses accessoires, sur sa posture pendant le shooting, son langage corporel, etc.

J’ai appris, avec le temps, que pas mal de personnes souffraient de leur image et avaient du mal à s’accepter. Je suis ravi de les aider à travailler sur elles-mêmes et de contribuer à développer leur estime de soi.

SH : Vous vous définissez comme un « artiste photographe », considérez-vous la photographie comme de l’art ? 

RB : Pour moi, l’art suscite des émotions. Et c’est justement l’émotion que je cherche à susciter à travers mes photos. L’émotion des personnes de se découvrir en image, l’émotion du souvenir offert en héritage aux autres, une émotion qui se partage, jusqu’à s’inscrire parfois dans un patrimoine familial ou social. Alors oui, pour moi, la photo est un art. Un art riche, généreux et universel.

SH : Vous vous faites, sur Linkedin notamment, une réputation par rapport à vos photos corporates. Pourquoi cette niche ?

RB : La photo corporate est un ambassadeur de soi. Elle permet de se présenter à l’autre et de susciter une bonne première impression. Une belle photo peut suggérer de nombreux a priori positifs comme le dynamisme, la confiance en soi, la sympathie, la force, l’expérience… Je trouve que c’est un incontournable des outils de communication et même un levier de développement et un gage de crédibilité dans un cadre professionnel.

J’ai eu plusieurs de mes photos qui ont été utilisées pour des articles écrits sur mes clients corporates dans des magazines de renom comme Forbes ou Madame Figaro. Et une belle photo, à fortiori validée par vous-même, peut vraiment faire toute la différence quant à comment vous allez être spontanément perçu(e). Souvent, c’est le média qui vous demande si vous avez des photos de vous. Avoir les vôtres à fournir, qui reflètent votre personnalité, c’est aussi maîtriser son image.

Rafet Bellalouna
Rafet Bellalouna

Pour moi, la photo corporate pour une entreprise n’est pas une simple dépense : c’est un véritable investissement dont le retour sur investissement est immédiat et manifeste. Il est intéressant de noter les réactions des clients et surtout des membres de leurs réseaux respectifs quand je publie, avec leur autorisation bien sûr, leur photo sur Linkedin. Ça donne à tous les coups un boost à leur image professionnelle et donne une nouvelle stature à leur identité numérique.

Linkedin reste un réseau social professionnel que j’investis avec des photos corporates, mais je ne fais pas que cela dans mon travail de portraitiste. C’est la rencontre et l’autre qui m’intéressent et c’est ce rapport à l’altérité qui nourrit, chaque jour, mon travail.

Je propose de la photographie liée aux entreprises (portraits, reportages événementiels, séminaires, team building, etc.) et également de la photographie liée aux particuliers (portraits, mariages, photos de famille, etc.).

 SH : Souvent, on ne visualise qu’une partie immergée de l’iceberg d’une séance photo. Pouvez-vous nous donner un aperçu du temps que ça peut mobiliser ?

RB : Oui, les gens ne voient pas ce qui se passe en amont et en aval de la séance. Mais c’est tout sauf du Clic-clac Kodak !

En amont, j’ai une heure d’entretien téléphonique avec le ou la client.e, où j’explique ma démarche, mon processus et mon cadre de travail. J’échange sur le besoin et l’utilisation qu’il ou elle souhaite faire des photos.

J’ai une heure et demie de préparation logistique au studio, 30 mn à 2h de séance à proprement parlé, 1 heure de tri par rapport à toutes les photos du shooting (je prends entre 150 et 400 photos brutes pour n’en garder au final qu’une quinzaine). J’ai entre 30 mn et 2h de retouche, par photo sélectionnée. Enfin j’ai 1h de mise en place de la galerie virtuelle pour montrer les images au client.

A cela s’ajoute tout le temps de la communication sur les réseaux sociaux pour promouvoir mon travail… C’est donc bien plus que de la photo. Pour les événements spéciaux, comme les cérémonies de mariage, il faut compter en général 30 à 40h de travail (avant/pendant et après l’événement), auxquelles on ajoute les déplacements et la post-production des photos…

Être photographe indépendant, c’est aussi être un entrepreneur. D’un point de vue business, on se doit d’avoir plusieurs casquettes : community manager, marketing, comptabilité, commercial, psychologue avec les clients, … Tout ça à la fois ! Mais le jeu en vaut mille fois la chandelle.

SH : Pourquoi avez-vous choisi de vous lancer dans la photographie professionnelle ?

RB : Mon POURQUOI s’est passé le jour de la fête des mères, en 2008, à Brooklyn (New-York). Je me promenais avec mon fils encore bébé et on m’a proposé de faire un shooting de lui dans une boutique éphémère. C’est en voyant la photo de mon fils qu’ils m’ont offerte que j’ai eu le déclic.

Et je me suis dit : « j’aimerais bien faire ça aussi ! ». Alors j’ai acheté mon premier appareil photo et j’ai commencé avec de la photographie de famille, de voyage, … Et puis la passion est devenue progressivement aussi une activité annexe à mon métier dans la banque. Une activité annexe qui ne cesse de se développer depuis. Et je trouve ça génial !

SH : Vous êtes donc autodidacte ? 

RB : Oui, j’ai appris seul, et poussé par la passion, j’apprends tout le temps. On a la chance, de nos jours, d’avoir plein de plateformes web pour apprendre la photographie. A l’image d’EMPARA, plateforme française, qui m’a beaucoup fait avancer. J’ai également eu la chance de vivre à New-York et j’ai découvert pas mal de photographes américains comme Peter Hurley, Sue Bryce, Lindsay Adler, qui sont de grosses références aux Etats-Unis.

J’ai énormément appris en m’inspirant d’autres professionnels. Et j’ai pu me nourrir des 2 cultures photographiques (anglo-saxonne et européenne). La formation est primordiale quand vous êtes passionné et que vous avez envie de progresser dans votre technique. Il y a différents univers à explorer avec, pour chacun, leurs particularités : le culinaire, l’événementiel, le mariage, le portrait, etc.  Et j’apprends tous les jours.

Lire aussi : R.Bellalouna, Capteur De Personnalités

Infos pratiques : 

Ses sites web : https://rafetbellalouna.com/ https://after-photography.com

Son profil Linkedin : https://linkedin.com/in/rafet-bellalouna-6b82331a1

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