Pourquoi les institutions internationales choisissent la prévention


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Globe terrestre
Globe terrestre représentant une partie de l'Afrique

Pour lutter contre le fléau, les organismes internationaux ont élevé la prévention au rang de reine des priorités. Faute de mieux, certes. Mais avec des moyens croissants.

 » Mieux vaut prévenir que guérir « , l’adage est d’actualité ! En dépit des échecs enregistrés la prévention demeure, en l’absence du vaccin, une stratégie à consolider pour faire face la propagation du Vih/Sida. L’organisation des Nations Unies chargée de coordonner la lutte contre le sida dans le monde (Onusida) en fait son cheval de bataille pour les dix prochaines années. A part quelques variantes, le fond de la politique reste identique. « Depuis des années, nous avons privilégié la stratégie qui consiste à réduire les risques d’infections sexuellement transmissibles, à assurer la sécurité transfusionnelle sanguine…Cette stratégie est encore valable. Mais elle doit être complétée par un autre programme de vulnérabilité « , note Michel Carael, responsable de la prévention à Onusida. En clair, il s’agit, dans les pays fortement touchés tels que l’Ouganda, la Tanzanie et le Malawi, « de s’attaquer aux causes profondes de l’infection. C’est-à-dire, promouvoir l’annulation de la dette et prendre en compte la lutte contre la pauvreté », assure-t-on encore à Onusida.

La quadrature du cercle de la pauvreté

La corrélation entre pauvreté et sida a été démontrée par les chercheurs en sciences sociales lors du séminaire organisé par le Conseil pour le développement de la recherche en Sciences sociales en Afrique (Codesria) à Dakar en 1996. Dans le dénuement total accentuée par une misère sociale ambiante, les filles mineures se jettent dans la prostitution et deviennent de véritables vecteurs de propagation de la maladie. Cette donne intégrée, Onusida estime important de porter son appui aux activités de sensibilisation menées à la base, les campagnes de prévention relayées par médias interposés, ayant montré leurs limites sur des populations qui n’y ont que peu accès. Et surtout, pour lesquelles les slogans se révèlent insuffisants tant ces populations nécessitent des politiques sanitaires suivies, pleinement intégrées dans leur quotidien. « C’est pourquoi nous estimons désormais que les associations, le secteur privé, les Ong, les organisations caritatives, etc. doivent s’engager sur le terrain pour prendre en charge la prévention du sida », observe M. Carael. Dans les pays de l’Afrique de l’Australe, « il faut une mobilisation nationale contre le sida. L’école doit être le foyer de ce combat ». La fameuse stratégie des  » jeunes parlent aux jeunes  » : car nombre d’adolescents ont honte de parler leur intimité aux adultes dans les cliniques.

Prévention et soins indissociables

Assurément, cette nouvelle orientation de la lutte se justifie par le fait qu’en Afrique de l’Est, cette épidémie a fait autant de victimes sinon plus que dans une guerre. Aujourd’hui, les statistiques indiquent que dans les pays comme le Botswana, la Tanzanie et le Malawi, environ 20% de filles sont infectées et plus de 50% d’instituteurs sont atteints de la maladie. Un désastre bien programmé pour l’école ! Au regard de cette situation, il est urgent d’éviter de nouvelles infections.

Loin de la langue de bois qui caractérise la communication dans les organismes internationaux, M. Carael clame tout haut : « Je crois que la prévention et les soins doivent aller de pair. Il est inadmissible qu’il n’y ait pas de traitements contre la diarrhée, la tuberculose … La bataille doit aussi s’intensifier sur le traitement ». Dans cette optique, un laboratoire a mis gratuitement à la disposition des pays du tiers-monde qui en font la demande, de la Névirapine. Ce remède permet de réduire la transmission mère-enfant du virus.

La bataille de l’argent

Par ailleurs, si la prévention a connu des impairs dans certains pays, la responsabilité incombe au déficit de moyens financiers. A ce propos, un effort considérable est fait par Onusida. Pour appuyer les Etats à mettre en oeuvre leurs politiques de prévention, l’organisme onusien vient d’obtenir la bagatelle de 500 millions de dollars du gouvernement américain.

La Banque mondiale a versé aussi 2 millions de dollars. Des intentions de financement sont annoncées par des Fondations privées et la coopération française et anglaise. A cela s’ajoute, et c’est le plus important, la mise en place par les Etats africains des fonds nationaux de lutte contre le sida.

En Afrique de l’Ouest, l’organisme privé américain Population council, appuie les prestataires de services qui agissent sur le terrain, notamment les programmes nationaux de lutte contre le Sida (Pnls). Des recherches opérationnelles ont été initiées, par exemple au Burkina Faso pour identifier toutes les Ong intervenant dans la prise en charge des malades du sida. « Nous avons également des indicateurs, des outils d’évaluation qui ont permis aux associations locales de mesurer les progrès réalisés. Le résultat est appréciable, alors nous allons tester ces indicateurs au Zimbabwe avant d’envisager la vulgarisation « , déclare Placide Tapsoba, chef de projet horizon à Population council. Ce projet d’une durée cinq ans (1997-2002) est financé à hauteur de 40 millions de dollars pour trois zones d’intervention (Afrique, Asie, Amérique Latine).

Au niveau d’Act-up Paris, on pense que la prévention axée sur les campagnes d’affichages, la projection des films vidéo ou à la distribution de préservatifs a montré ses limites.  » Sans accès aux soins, la prévention ne marche pas. Pourquoi me ferais-je dépister si je sais que je n’ai pas accès à la trithérapie ? » s’interroge M. Sylvain Couchet, responsable de la commission Nord-Sud à Act-Up. Une question un brin provocatrice qui a le mérite de rappeler que, faute de soins et dans l’attente d’un vaccin salvateur, le message de la prévention constitue un pis-aller.

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