Polémique autour des caricatures du prophète Mahomet


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Depuis ce week-end, les réactions se multiplient autour des caricatures du prophète Mahomet, publiées en septembre 2005 par le quotidien danois, Jyllands Posten. La révolte a gagné tout le monde musulman. De l’Egypte à la Libye, en passant par la Mauritanie, tous expriment leur indignation.

Par Vitraulle Mboungou

Les pays musulmans protestent contre la publication de dessins du prophète Mahomet, fin septembre 2005, par le quotidien conservateur danois, Jyllands Posten. L’histoire commence au début du mois de septembre lorsque un écrivain danois, auteur d’un livre sur la vie du prophète, se plaint de ne trouver aucun dessinateur pour illustrer son livre. Pour lui, il s’agit là d’une des conséquences de l’assassinat du cinéaste hollandais, Théo Van Gogh en novembre 2004, par un jeune islamiste d’origine marocaine. Les artistes s’autocensurent par peur des représailles. Prenant connaissance de cette affaire, le quotidien conservateur, Jyllands Posten décide alors de lancer un appel aux dessinateurs danois. Douze d’entre eux répondent à l’annonce et leurs dessins sont publiés le 30 septembre 2005 sous le nom de : « Les visages de Mahomet ». Commence alors la controverse.

La représentation de Mahomet étant interdite par l’islam, ces dessins provoquent la colère et l’indignation des pays musulmans qui se sentent humiliés. Pour eux, ils injurient le prophète et la foi musulmane. Le plus contesté de ces dessins illustre Mahomet avec un turban en forme de bombe à la mèche allumée. Une autre le montre arborant une barbe broussailleuse et grisonnante et brandissant une épée, tandis que ses yeux sont couverts d’un rectangle noir. En bref, la plupart de ces caricatures associent l’image du prophète au fondamentalisme ou au terrorisme d’Al-Qaeda. Toutefois, une caricature se distingue des autres, celle de Lars Refn qui a pris la commande à contre-pied, en représentant un écolier danois surnommé Mahomet, devant un tableau noir, sur lequel était écrit en perse : « les journalistes de Jyllands Posten sont des provocateurs réactionnaires ».

Au nom de la liberté de la presse

Les chefs religieux musulmans du pays, l’ensemble des pays arabes par le biais de leurs ambassadeurs, ainsi que la Ligue arabe réclament, au gouvernement danois, des sanctions contre ce journal. Mais le chef du gouvernement libéral, Anders Fogh Rasmussen a refusé d’intervenir pour ne pas porter atteinte à la liberté d’expression. Il a conseillé la diplomatie à se tourner vers la justice danoise et a parallèlement déconseillé à ses ressortissants de se rendre en Algérie, en Egypte et dans tout autre pays musulman. Pour l’Algérie, il se justifie en prétendant que ce pays a connu dans le passé « une violence politique ».

Faisant valoir la liberté de la presse, le journal a, quant à lui, longtemps refusé de présenter ses excuses. « Nous vivons dans une démocratie où la satire et la caricature sont généralement bien acceptées et la religion ne doit pas fixer des limites à ce type d’expression », a expliqué l’un des rédacteurs en chef, Carsten Juste. Son collègue, Joern Mikkelsen s’est félicité au départ de l’ampleur de cette affaire : « c’est bien la preuve qu’il est possible de discuter de tout ». Mais, la tension n’ayant depuis pas diminuée, il a été contraint de s’excuser dans une lettre ouverte écrite en arabe. Il y expliquait l’attitude de la rédaction : « nous voulions mettre la liberté d’expression à l’épreuve. Notre intention n’était absolument pas de provoquer ».

Protestations en chaîne dans les pays musulmans

Face à l’indifférence du gouvernement, certains pays musulmans n’ont pas tardé à prendre des mesures contre le Danemark. L’Egypte a été le premier à réagir en suspendant le dialogue engagé entre les deux nations à propos des droits de l’Homme. Un appel au boycott des produits commerciaux danois a été également lancé. Arla Foods, groupe laitier suédo-danois deuxième en Europe, a été le premier à en subir les conséquences. Selon la directrice de communication de l’entreprise, Astrid Nielsen, citée par El Watan, des distributeurs viennent d’annuler leur commande en Algérie, au Maroc et en Tunisie. La commission européenne a menacé de saisir l’Organisation mondiale du commerce (OMC) si des gouvernements continuent à encourager de tels comportements.

En Mauritanie, ce sont les femmes qui ont manifesté contre ces caricatures. Un millier d’entre elles ont sillonné les rues de Nouakchott, dimanche 29 janvier dernier, pour protester contre cette publication. Comme les autres, elles réclament des excuses du gouvernement danois sous peine de demander à leur gouvernement de rompre toute relation diplomatique avec ce pays. Passant outre la menace de la commission européenne, la Libye a décidé d’arrêter l’importation des produits danois à l’intérieur de son territoire et de fermer son ambassade à Copenhague. « Comme les autorités danoises n’adoptent pas de position responsable dans cette affaire, la Libye a décidé de fermer son bureau populaire (ambassade) à Copenhague », a déclaré dans un communiqué le ministère libyen des Relations extérieures et de la Coopération internationale. L’affaire va loin. Le journal et les autorités danoises n’avaient certainement pas mesuré toute la portée de l’affront à l’égard de la communauté musulmane internationale, deuxième plus importants groupes religieux au monde.

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