Pèlerinage meurtrier à la Mecque


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Le dernier bilan de la bousculade meurtrière à la Mecque, le 12 janvier dernier, fait état de plus de 360 victimes. Près de deux millions de fidèles se trouvaient alors sur les lieux du drame, à Mina, soit 70% du total estimé des pèlerins musulmans. La catastrophe est survenue au troisième jour de la fête du Sacrifice et dernier jour du pèlerinage en Terre Sainte.

Par Smahane Bouyahia

Bousculade meurtrière à la Mecque. Après l’incendie d’une auberge, le 6 janvier, dont le dernier bilan s’élève à 76 morts, une bousculade meurtrière a, 6 jours plus tard, de nouveau endeuillé le haut lieu de pèlerinage musulman. Les tout derniers chiffres affichent un lourd bilan provisoire de plus de 360 morts. Le drame s’est produit à l’entrée Est du pont Djamarat, au pied d’une des quatres passerelles permettant aux croyants de se rendre à Mina, une des villes voisines de la Mecque. Un véritable raz-de-marée humain avait déferlé sur le site, à la mi-journée, pour procéder au rituel de la lapidation des stèles symbolisant le mal. Deux cent trois corps ont, jusque-là, été identifiés : 118 hommes et 85 femmes issus d’origines diverses.

Une lapidation qui vire au drame

Au cours du pèlerinage à la Mecque, le passage à Mina est l’un des moments les plus cruciaux pour le musulman. La lapidation des stèles représente le dernier acte du Hadj, mais c’est aussi la phase qui regroupe le plus grand nombre de pèlerins, après la prière de midi. Selon les règles édictées par le prophète Mahomet, le rituel doit être effectué à trois reprises par les fidèles entre mardi et jeudi. Les deux lapidations précédant le drame n’avaient rencontré aucun incident particulier.

Les pénitents doivent ainsi lancer trois cailloux (un petit, un moyen et un plus gros, qu’ils ramassent en se rendant sur les lieux) en direction de trois stèles. Un principe qui consiste à chasser et à renier Satan. Une étape importante durant laquelle chacun se bouscule et joue des coudes pour être sûr que leurs pierres touchent les cibles visées, au risque de piétiner les plus faibles. Parmi les 363 victimes, on dénombre de nombreux Asiatiques, une centaine d’Egyptiens, six ressortissants marocains, douze Algériens (seize autres portés disparus) et des victimes d’Afrique sub-saharienne dont le nombre n’est pas encore connu. Ce dernier bilan reste toutefois provisoire, le nombre de blessés s’élevant à ce jour à 300 personnes. Après la bousculade, 70 ambulances ont été dépêchées sur les lieux. Sept centres hospitaliers de la Mecque et d’Arafat ont accueilli les victimes.

Un scénario contesté

L’accident de Mina est dû, selon les autorités saoudiennes, à l’indiscipline habituelle des fidèles. Un reproche qui resurgit chaque année au moment du Hadj. Le ministre de l’Intérieur, Mansour al-Turki, a, lors d’une allocution télévisée, attribué le drame à l’impatience des pèlerins. La lapidation, qui doit obligatoirement se faire avant le coucher du soleil, a réuni au même moment une foule pressante devant les stèles. Pour ce moment, marquant la fin du pèlerinage, certains auraient amassé sur leur dos des bagages qu’ils auraient fait tomber créant ainsi un effet domino mortel dans la foule. Un communiqué du ministère saoudien de la Santé stipule pourtant qu’« il est interdit de transporter des bagages ou des charges de travail sur le dos pendant le rituel de la lapidation ».

Des témoins oculaires accusent, pour leur part, la police et tout le dispositif de sécurité d’avoir provoqué la bousculade en bloquant soudainement l’accès du pont Djamarat pour laisser passer un cortège officiel. Une halte qui aurait provoqué un mouvement de foule mortel chez les pèlerins. Ceux qui se trouvaient à proximité du pont ont été littéralement été piétinés.

Un trop plein de fidèles

Quoi qu’il en soit, l’affluence des pèlerins à la Mecque au cours de ces dix dernières années pourrait expliquer le nombre croissant d’accidents qui surviennent chaque année. Le nombre de Français partis au pèlerinage en 2006 s’élève, par exemple, à 23 000. Soit trois fois plus qu’il y a dix ans. Il y a 20 ans, un musulman effectuait son pèlerinage afin d’effacer tous ses péchés envers Allah. Le coût du voyage faisait qu’il n’y allait qu’une seule fois, voir deux dans sa vie, dès qu’il avait atteint le moment de la retraite. Le pèlerinage étant l’un des cinq piliers de l’Islam. Il dure cinq jours et doit être accomplie au moins une fois dans la vie de tout musulman qui en a la capacité physique et financière. Aujourd’hui, les faits sont différents. Les gens y vont de plus en plus tôt, les salaires sont plus élevés, et surtout, les agences de voyages proposent des formules tout compris à des prix abordables.

Cette année, le Hadj a rassemblé près de deux millions et demi de fidèles venus de 177 pays. Une affluence que beaucoup condamnent. Notamment le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, pour qui, les fidèles qui ont déjà effectué le pèlerinage des vingtaines voir des trentaines de fois devraient laisser la place à ceux qui ne l’ont pas encore fait et éviter ainsi des mouvements de foules incontrôlables. La commission du pèlerinage du Conseil Français du culte musulman (CFCM) alerte chaque année sur ce fait les candidats au Hadj. Des accidents extrêmement meurtriers ont déjà eu lieu à la Mecque, notamment à Mina. Les autorités saoudiennes ont assuré qu’à la fin de ce Hadj, le pont Djamarat sera remplacé par un ouvrage à quatre niveaux, dont un souterrain.

Les drames à la Mecque depuis 1975

Décembre 1975 : 200 morts. Une bouteille de gaz explose et enflamme tout un campement de toile.

Novembre/décembre 1979 : 300 morts, 69 décapités, 4 000 disparus. 500 terroristes extrémistes sunnites opposés au régime saoudien se barricadent dans la grande Mosquée pendant deux semaines. L’assaut est donné le 4 décembre, avec l’aide du GIGN français.

8 août 1985 : 103 pèlerins iraniens sont arrêtés à l’aéroport de Djeddah. Des explosifs sont saisis.

31 juillet 1987 « vendredi noir » : 402 morts. Des pèlerins iraniens manifestent à la Mecque contre les Etats-Unis. A la suite de ces événements, l’Arabie Saoudite fixe un quota de mille pèlerins par million d’habitants, dans chacun des pays musulmans.

9 juillet 1989 : 1 mort, 16 blessés. Double attentat à la bombe à la Mecque. 16 chiites iraniens sont décapités pour ces doubles attentats.

2 juillet 1990 : 1 426 asphyxiés. Une bousculade dans un tunnel de Mina, à la suite d’une panne du système de ventilation.

23 mai 1994 : 270 morts. Une bousculade pendant le rituel de la lapidation des stèles. Cette année-là, les autorités élèvent à 829 le nombre de morts dus à des bousculades et des arrêts cardiaques.

15 avril 1997 : 343 morts. Un incendie provoqué par un réchaud à gaz met le feu à des campements de toiles.

9 avril 1998 : 118 morts, 180 blessés. Une bousculade au cours de la lapidation des stèles.

5 mars 2001 : 35 morts. Une bousculade au cours de la lapidation des stèles.

1 février 2004 : 251 morts. Une bousculade au cours de la lapidation des stèles.

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