Peintures laquées d’Aeman Kowlessur


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Peinture d'Aeman Kowlessur (détail)
Peinture d'Aeman Kowlessur (détail)

Aeman Kowlessur est Mauricien. Il vit en France depuis plus de 20 ans et a développé une technique artistique très particulière : il utilise le vernis à ongle pour peindre ses toiles.

Peintre jusqu’au bout des ongles, Aeman Kowlessur, sait de quoi il parle. Il a développé une technique artistique très particulière : il peint avec du vernis à ongle. « Je peins depuis que je suis tout petit et j’ai tout essayé : gouache, peinture à l’huile… Et puis un jour, j’ai vu des femmes acheter du vernis à ongles. Pour moi, qui cherchait à avoir une matière très personnelle, ça a été le déclic ».

Pour Aeman , le vernis a une signification symbolique forte. « Je viens d’Afrique et je sais comment les femmes peuvent être traitées dans certains pays. Utiliser du vernis, c’est rendre hommage aux femmes défavorisées, victimes de maltraitances, de violences, de mariages forcés. Je viens d’une famille de sept enfants et je sais que les femmes, même lorsqu’elles sont enceintes, travaillent jusqu’au bout. Et ensuite, les congés maternité n’existent pas. Elles triment sans arrêt ». Il ajoute dans un sourire que les femmes, même voilées, portent du vernis à ongles. C’est une forme de résistance à leur condition.

Sponsoring cosmétique

Peinture de Aeman KowlessurLe vernis à ongle, « matière qui touche à la féminité, à la beauté féminine » est donc entré dans l’art. Après 15 ans d’essais, de tâtonnements et de travail acharné pour tester sa technique, Aeman la fait breveter il y a 4 ans. Elle est protégée par l’Institut National de la Propriété Intellectuelle et c’est ce Mauricien inventif de 47 ans qui en possède les droits d’auteur. Les marchés de l’Oise, sa région d’accueil depuis qu’il a débarqué en France il y a plus de 20 ans, connaissent bien l’homme qui tourne autour des petits flacons de vernis à ongle. « Au début, certains vendeurs étaient très étonnés et me rappelaient que le vernis était réservé aux femmes ! »

Depuis, Aeman a fait son petit bout de chemin. Les journaux locaux le suivent depuis quelques années et la marque de cosmétique Bourgeois vient de le sponsoriser pour la première fois en lui envoyant des flacons. Ravi de la diversité des couleurs que l’on trouve maintenant au rayon des vernis, Aeman les teste toutes. « La sensibilité des couleurs, c’est mon côté mauricien », dit-il. Dans ses toiles, il évoque les droits de l’Homme, particulièrement ceux de la femme qui lui tiennent à coeur. « Dans mes peintures, les femmes n’ont pas de visage car je les trouve plus belles de dos », explique-t-il.

Des enfants vernis

Aeman veut faire partager son art et sa technique : à chacune de ses expositions, il initie des scolaires au vernis sur toile. « La peinture, c’est une ouverture sur le monde et je veux sensibiliser les enfants non seulement à l’art mais aux thèmes que ma peinture véhicule ». Ainsi, l’une des classes, très marquée par le travail d’Aeman, a peint une série de cartes postales qu’elle a vendues au profit des victimes des inondations du Nicaragua. « C’est un geste magnifique ».

Famille nomade, ses frères et soeurs vivent hors de Maurice. Lui-même, marié à une Française, a acquis la nationalité française. « Si le gouvernement mauricien me demandait de faire une exposition là-bas, j’accepterais avec plaisir. Je suis bien en France, mais bouger ne me dérange pas. N’importe quel pays qui m’accepte est un bon pays pour moi. C’est ça l’intégration : avoir un toit, de quoi manger et se laver. C’est tout ».

Aeman Kowlessur montrera ses toiles au public parisien du 28 novembre au 3 décembre prochains. Rendez-vous aux Champs-Elysées pour voir les toiles vernies d’Aeman. Parce qu’il le vaut bien…

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