Pascal Gentil : « le taekwondo est le sport du nouveau millénaire »


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Pascal Gentil

Trois coupes du monde de taekwondo, double champion d’Europe, huit fois champion de France et 9 coupes de France, Pascal Gentil a ajouté à Athènes un autre titre à son palmarès. Une amère médaille de bronze, la deuxième de son parcours olympien. Le combattant martiniquais, capitaine de l’équipe de France est un gagneur et aime le beau jeu. Interview.

Pascal Gentil…sauf en compétition. Capitaine de l’équipe de France de taekwondo depuis trois ans, le combattant martiniquais affiche à 31 ans un palmarès impressionnant. Trois fois vainqueur de la coupe du monde, double champion d’Europe, huit titres de champion de France, neuf coupes de France. Un mental de gagneur qui lui fait amèrement apprécier sa médaille de bronze aux Jeux Olympiques (JO) d’Athènes (Grèce) cet été. Les JO semblent être la bête noire de Pascal, lui qui avait échoué également à Sydney en 2000 à la porte de la finale et en montant sur la troisième marche du podium. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix-huit, Afrik l’a rencontré le week-end dernier à Monaco dans le cadre du Festival Asie/Africa de Monaco pour les Œuvres universelles de solidarité (Famous), il revient sur son parcours et sur ses ambitions.

Afrik : Comment êtes-vous arrivé dans ce sport ?

Pascal Gentil :
J’ai commencé ce sport en 1991, à 18 ans, par hasard. Je n’étais pas attiré par les sports de combat ou les arts martiaux, ça me faisait un peu peur, comme tout le monde… Je faisais du sport à l’école, je cherchais ma voie. Les années 90, c’était l’ère Jordan. J’étais grand, black, jeune : tout le monde voulait me mettre au basket ! Je me suis rendu compte que mes camarades ne mettaient pas la même énergie que moi dans le sport et j’avais peur de ne pas pouvoir gagner. Or, j’aime gagner, j’ai donc choisi un sport individuel et ce fut le taekwondo. J’ai été séduit par le côté spectaculaire et surtout par la souplesse.

Afrik : Qu’est ce qui vous plaît dans ce sport ?

Pascal Gentil :
C’est un jeu dans lequel il faut jouer avec sa tête et son corps. Il faut savoir esquiver, un peu comme un escrimeur, jauger l’adversaire, voir ce qu’il a dans le ventre, juger si c’est quelqu’un qui contre, qui va reculer, ou un attaquant qui va avancer. C’est pourquoi les gens ont souvent tendance à dire ‘qu’est ce qu’ils font, pourquoi ils n’y vont pas ?’ Il y a toute une lecture du combat, un peu comme un jeu d’échecs et c’est ça qui est magnifique dans ce sport. Ce n’est pas de la boxe thaïe, on n’est pas sur des rings, si on a peur, on peut s’en aller en courant, on prendra un avertissement mais pas le coup adverse ! C’est un sport très intéressant, visuel, acrobatique. Pour moi, c’est le sport du nouveau millénaire.

Afrik : Et la dimension spirituelle ?

Pascal Gentil :
Je m’entraîne entre 20 et 30 heures par semaine, entre 4 et 6 heures par jour… donc même si le côté art martial et la philosophie existent et sont présents, ils sont mis de côté. Je ne m’entraîne plus en kimono, j’enfile un k-way, un survêt’ et je répète mes gammes. Pour les judokas, c’est pareil : c’est le sport qui prime, la quête de la performance. Je m’entraîne car j’aime progresser, évoluer, le taekwondo est une passion. Quand j’ai commencé, j’ai cherché à atteindre mes limites. Jusqu’en 1995, j’ai quasiment gagné toutes les compétitions. En 95, j’ai perdu face à un Coréen en finale du championnat du monde. En 4 ans d’entraînement, je me retrouvais en finale ! Je me suis dit ‘continue, investis-toi à fond’. Au début, c’est l’enthousiasme, mais après, c’est le travail.

Afrik : Avez-vous été attiré par d’autres arts martiaux ?

Pascal Gentil :
Une fois que j’ai mis les pieds dans le monde des arts martiaux, j’ai découvert des disciplines qui m’ont énormément plu comme le kung-fu wushu, très beau en démonstration, et la capoeira, un sport qui m’était peut-être prédéstiné, car c’est le mélange de la danse et de l’art martial. C’est un peu tout ce que je suis, j’aime beaucoup chanter et danser, bouger mon corps !

Afrik : Quand vous combattez, vous combattez pour quoi ?

Pascal Gentil :
Pour faire plaisir au public. Le taekwondo est un sport de percussion. Il faut frapper le plastron pour marquer des points mais j’aime bien partager. J’aime quand le public m’encourage. Je suis capable de tenter des choses extraordinaires pour emballer le public, le faire vibrer, je peux prendre des risques quitte à perdre le combat !

Afrik : Médaillé de bronze à Athènes… comment analysez-vous aujourd’hui votre prestation ?

Pascal Gentil :
A Sydney, j’ai perdu 7-3 face à un Coréen, après un arbitrage houleux, défavorable. Quatre ans plus tard, je suis un homme plus fort car j’ai vécu une injustice donc je sais qu’elle peut se reproduire. Je suis donc arrivé à Athènes avec une stratégie : être précis, efficace, simple, sans fioritures. Malheureusement, les arbitres en ont encore une fois décidé autrement. Je suis retombé sur un Coréen en demi-finale et comme le taekwondo est un sport coréen, les arbitres ont favorisé mon adversaire. Je n’ai pas de problème avec les arbitres, ils n’ont pas de problème avec moi mais c’est un sport coréen et si un Coréen ne gagne pas une médaille d’or, ça fait tache.

Afrik : Il y a donc une sorte de discrimination au sein de ce sport ?

Pascal Gentil :
Je me pose toujours des questions. Si j’étais né avec les yeux bridés, aujourd’hui je serais double médaillé d’or olympique. Je suis né avec la peau noire et je suis double médaillé de bronze… Pour les gens, ça ne fait pas de différence. Mais pour moi elle est énorme, car l’or aurait été la récompense d’un travail énorme, 8 ans de sacrifice, la consécration de toute une carrière de sportif…

Afrik : Avez-vous le sentiment d’être un modèle pour la communauté noire ?

Pascal Gentil :
Je pense être un modèle pour tout le monde : les Blancs, les Noirs, les Jaunes. Je reçois des messages de partout, des Etats-Unis, du Canada. Des messages de soutien et d’encouragement, de gens qui sont fiers de ce que je suis, de ce que fais, de ce que je représente, de mon comportement devant les difficultés et les injustices. Je reçois beaucoup de lettres d’Afrique, de personnes qui veulent s’entraîner avec moi.

Afrik : N’avez-vous pas l’impression d’être exploité comme le modèle du Noir qui a réussi par le sport ?

Pascal Gentil :
La relation avec les médias est à double-tranchant. Pour exister, j’ai besoin des médias. Il y a un libre-échange. Je me pose pas trop de questions. Que je gagne ou que je perde on parle de moi de toute façon !

Afrik : Quelles sont vos ambitions sportives aujourd’hui ?

Pascal Gentil :
Repartir dans 4 ans aux JO et aller chercher la médaille de bronze. Oui, de bronze, puisque l’or semble acquise aux Coréens… Je combats dans une catégorie où l’on peut durer longtemps. J’ai commencé tard, j’ai une très bonne hygiène de vie, je ne fume pas, je ne bois pas et je pense pouvoir être encore là dans 4 ans !

 Visiter le site de Pascal Gentil.

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