Omar el-Béchir bientôt poursuivi pour génocide?


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Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé, mardi, en appel qu’un mandat d’arrêt pour génocide soit délivré contre Omar el-Béchir. Après un rejet de ce chef d’accusation en première instance pour insuffisance de preuves, Luis Moreno-Ocampo affirme disposer désormais d’assez d’éléments. Sa demande survient trois jours après le refus des chefs d’Etat de l’Union africaine de collaborer avec la CPI pour l’arrestation du président soudanais qui fait déjà l’objet d’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Luis Moreno-Ocampo revient à la charge après avoir été à l’origine de l’émission du mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui vise Omar el-Béchir. Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) est décidé à faire arrêter le président soudanais pour génocide. Ce chef d’accusation avait été rejeté, en mars dernier, par les juges de première instance pour insuffisance de preuves. Mardi, M. Moreno-Ocampo a déclaré qu’il détenait désormais suffisamment d’éléments mettant en cause le chef de l’Etat soudanais.

« La chambre d’appel devrait juger, a indiqué le procureur, qu’il y a des motifs raisonnables de croire que le président el-Béchir est criminellement responsable de trois chefs d’accusation de génocide ». Luis Moreno Campo affirme qu’il a présenté « des preuves détaillées de la mobilisation et de l’utilisation de tout l’appareil d’Etat dans l’objectif de détruire une partie substantielle des groupes ethniques four, masala et zaghawit dans toute la région du Darfour pendant plus de six ans.» D’après lui, « l’erreur » des juges de première instance devrait être « corrigée » et la chambre d’appel devrait leur « renvoyer l’affaire avec l’ordre d’autoriser l’arrestation du président el-Béchir pour génocide ».

Une affaire entre l’UA et le Conseil de sécurité des Nations unies

Pour Luis Moreno-Ocampo, il s’agit de « montrer à la communauté internationale un élément de génocide qui lui est jusque-là méconnu », a indiqué à Afrik.com Béatrice Lefraper, sa conseillère spéciale. Selon cette dernière, «le génocide ne consiste pas uniquement à éliminer physiquement des groupes ethniques, c’est aussi leur imposer des conditions de vie inhumaines, violer leur épouses et enfants, les affamer…». Elle ajoute : « nous avons beaucoup de preuves, nous ne pouvons pas les garder dans nos tiroirs ». Pour Mme Lefraper, il est très important pour les victimes sur le terrain de savoir qu’Omar el-Béchir sera puni.

Seulement, pour comparaître devant la justice, le chef de l’Etat devrait être d’abord arrêté. Cela, pour l’heure, semble mission impossible. Depuis l’émission du mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dont il fait l’objet, le président soudanais n’a cessé de narguer la justice internationale en effectuant des voyages à l’étranger. Après la Ligue Arabe en mars, c’est l’Union africaine (UA) qui lui a apporté son soutien vendredi dernier, à l’issue de son 13e sommet à Syrte, en Libye. Les chefs d’Etat de l’organisation panafricaine ont décidé de ne pas collaborer avec la CPI donnant ainsi à Omar el-Béchir la possibilité de circuler dans leurs pays respectifs sans être inquiété. Seul le Botswana s’est opposé à cette décision et a promis d’arrêter Omar el-Béchir, s’il se hasardait à fouler son territoire ou à traverser son espace aérien. Trente pays africains membre de l’UA sont, pourtant, signataires du statut de Rome instituant la Cour pénale internationale.

« L’arrestation d’Omar el-Béchir prendra du temps »

« La position de l’UA est une affaire entre l’organisation panafricaine et le Conseil de sécurité des Nations unies. Elle ne concerne pas la CPI », explique Béatrice Lefraper. Les dirigeants africains reprochent, en effet, au Conseil de sécurité d’avoir refusé de faire appliquer l’article 16 des statuts de la CPI permettant de reporter les procédures judiciaires contre Omar el-Béchir. « La culpabilité et l’implication du président soudanais dans les crimes commis au Darfour, indique la conseillère de Luis Moreno-Ocampo, ne sont pas remises en cause. »

La preuve ? L’invitation ce mardi à Addis-Abeba, en Ethiopie, au siège de l’UA, du procureur de la CPI par le groupe de haut niveau de l’Union africaine sur le Darfour, dirigé par l’ancien Président sud-africain Thabo Mbeki, avance Mme Lefraper. Cette consultation vise à trouver une solution au Darfour, qui prévoirait une réconciliation entre les différentes parties, une indemnisation des victimes, et qui permettrait que les responsables des crimes rendent compte de leurs actes.

« Et puis, ajoute Béatrice Lefraper, l’arrestation d’Omar el-Béchir relèvera, en premier lieu, des autorités soudanaises. Nous en sommes conscients, cela prendra du temps. Nous ne sommes pas pressés ». Omar el-Béchir peut, certes, se rendre aujourd’hui dans des pays africains signataires du statut de Rome. Mais, assure la conseillère du procureur de la CPI, il devrait bien réfléchir avant d’effectuer ses voyages.

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