Niger : les médias privés tiennent tête à Tandja


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Drapeau du Niger
Drapeau du Niger

Les radios et télés privées du Niger ont suspendu leurs programmes ce mardi. Et Il n’y aura pas de journaux privés dans les kiosques cette semaine. La presse écrite indépendante a entamé lundi, pour une semaine, une grève pour réclamer l’abrogation d’une décision prise, début juillet, par le président Mamadou Tandja. Celle-ci prévoit des sanctions, sans préavis, contre les médias qui seraient soupçonnés d’inciter aux troubles à l’ordre public. Les responsables de ces organes de presse dénoncent aussi les intimidations du gouvernement.

« La démocratie a un prix, il faut le payer ». Abdoulaye Tiemogou, le directeur de publication de l’hebdomadaire nigérien le Canard Déchaîné, ne mâche pas ses mots. Il fait référence aux pertes que vont causer à son journal la grève d’une semaine entamée lundi par les médias privés nigériens pour protester contre les récentes restrictions imposées à la presse par le président Mamadou Tandja. Mais, indique son confrère Ali Idrissa, directeur général adjoint du groupe Radio Télévision Dounia, « mieux vaut enregistrer des pertes aujourd’hui que de perdre le droit d’exercer librement et de son façon professionnelle son métier ». Dans le cadre de ce mouvement, les radios et télés privées ont, elles aussi, suspendu pendant toute la journée de ce mardi leurs programmes.

Début juillet, alors que le Niger est en proie à une grave crise politique née de la volonté de Mamadou Tandja de briguer un troisième mandat contrairement à ce que prévoit la Constitution, le président nigérien prend une décision visant à museler la presse nationale. Il modifie la Loi 2006-24 portant sur l’organisation, les attributions et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Communication (CSC), et donne plein pouvoir à Daouda Diallo, le président de cette institution, de sanctionner, sans préavis, tout organe de presse qui « diffuserait ou publierait une information susceptible de troubler l’ordre public ou de porter atteinte à la sûreté de l’Etat. » Pourtant jusque-là, les décisions du CSC se prenaient par consensus entre les onze membres de cet organe de régulation.

Un membre de l’opposition arrêté après un débat télévisé

La grève entamée lundi, à l’appel de la réunion des organisations des médias, a pour objectif d’exiger l’abrogation pure et simple de cette décision de Mamadou Tandja afin de « permettre aux médias de s’acquitter de leurs devoirs de rapporteurs de toutes les opinions dans un débat crucial pour le Niger », indique un communiqué. Les responsables des médias dénoncent aussi les intimidations dont ils font l’objet. « Certaines chaînes de radio et de télévision, par crainte de représailles, ont dû cesser des émissions participatives sur la situation politique du pays », indique M. Tiemogou qui affirme avoir lui-même fait, à plusieurs reprises, l’objet de menace de la part de son ministère tutelle.

Lundi par exemple, rapporte Ali Idrissa, le directeur général adjoint de Dounia, Alassane Karfi, un représentant du principal parti d’opposition au Niger, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), a été interpellé à la sortie d’un débat télévisé pour avoir indiqué sur les antennes de la chaîne que l’opposition fera tout pour empêcher la tenue du référendum du 4 août prochain voulu par Mamadou Tandja. La direction de Dounia, elle, a été sommée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel de remettre à la police les éléments sonores de ce débat. « Ce que nous avons refusé de faire », indique M. Idrissa qui explique que l’autre objectif de cette grève est d’attirer l’attention du « Nigérien lambda sur la gravité du problème et de l’inciter à agir pendant qu’il est encore temps ». Ce n’est pas tout. « Ce mouvement cherche, selon lui, à attirer les projecteurs de la communauté internationale sur les menaces qui planent sur la démocratie au Niger. »

Si journalistes et représentants de médias sont conscients que leur mouvement ne fera pas reculer Mamadou Tandja, déterminé à se maintenir au pouvoir, ils espèrent cependant éveiller encore plus de consciences sur la crise politique qui secoue leur pays. Car explique M. Tiemogou, aujourd’hui « les gens souffrent du fait de la grève. Parce qu’ils ont soif de l’information », surtout dans le contexte de crise politique que traverse le Niger.

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