Mort ou vif


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Nelson Mandela ou l’histoire toute africaine d’un Noir qui a pu atteindre au charisme et à la popularité d’un Jean Paul II, en ayant forcé le respect des Blancs d’Afrique du Sud et du monde. C’est un symbole plus fort que tout ce que Barack Obama pourra jamais représenter en termes d’espoirs pour les peuples noirs et d’aboutissement pour ceux-ci des combats menés pour conjurer les tragédies successives subies dans l’histoire récente de l’humanité.

L’hôtel de ville de Paris l’honore à sa manière dans une hagiographie géante, une exposition courue, qui courra encore jusqu’au six juillet prochain, quelques jours avant son 95e anniversaire. Il n’est pas un saint, mais peut prétendre au rang et aux prérogatives des hommes déclarés tels, ses admirateurs n’hésitent pas à le mettre (un peu hâtivement, un peu exagérément) au même niveau que Gandhi, son inspirateur. Il ne laissera à la postérité ni une idéologie pour servir l’action politique ni des travaux pour la science, on ne lui connaît pas de livres cultes, le bilan de sa présidence est plus que mitigé, pourtant il est indépassable. C’est que sa vie, c’est son œuvre ; le succès de son histoire doit autant à son mérite qu’à sa bonne fortune. La vie de Mandela a ce mérite et cet intérêt réel d’être un effort, une tension, une recherche, une lutte, une force, une conviction, une force de conviction qui ont acquis l’humanité entière au sens de son combat.

Et ce mérite est moins celui que l’on voit dans l’ascension d’un homme de la prison à la présidence de son pays que dans la violence qui précède son emprisonnement. Nelson Mandela a été de toutes les manifestations contre l’apartheid, c’était un contestataire extrême face à un régime criminel… A y regarder de près, sa vie d’avant la prison est un hommage au terrorisme, souvent présenté par les djihadistes comme une résistance armée, en dernier recours.

Mandela s’en ira, en laissant derrière lui d’autres qui méritent si peu de survivre, mais tirent leur force de l’attente morbide dans laquelle ils plongent leurs concitoyens… La mort de Nelson Mandela est désirable parce qu’elle est de toute façon rendue inévitable, par son état de santé depuis plusieurs mois : Nelson Mandela doit s’en aller parce qu’on a tout lu de son storytellling, on l’a vu atteindre à la grandeur absolue sans jamais devenir un mythe, une légende, ou un storymaking. Ce qu’il inspirait, il l’inspirait pour ce qu’il était autant que pour ce qu’il avait combattu, cette force de conviction était une force d’âme, le charisme d’un homme au destin hors du commun.

Omar Bongo est mort à Barcelone, en Espagne, avec tout son gouvernement à son chevet, et des médecins espagnols pour nous apprendre la mort de notre chef ; la mort a suspendu Gnassingbé Eyadéma en plein vol, au-dessus de la Tunisie, alors qu’il essayait de gagner l’Europe ; Mobutu ou Ahidjo ont eux aussi fui la mort dans leur pays. Quand en 2003, les mauvaises langues ont prématurément annoncé la mort de Paul Biya, ce n’est pas au Cameroun qu’il se trouvait. Récemment, en avril 2013, Abdellaziz Boutefika a dû à la France sa vie presque sauve. On devrait retenir du départ de « Madiba » qu’il n’y a pas de honte à mourir (ou pas) chez soi.

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