Monja Roindefo : « Andry Rajoelina est inconstant et fait du bricolage »


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Evincé du poste de chef du gouvernement en octobre dernier pour son hostilité à l’égard des accords de Maputo, Monja Roindefo revient sur la scène politique. Il était en visite lundi à Paris où il a répondu aux questions des journalistes. Pour l’ancien Premier ministre malgache, l’échec de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale entre la Haute Autorité de Transition (HAT) dirigée par Andry Rajoelina, et les trois mouvances politiques de l’opposition menées par Marc Ravalomanana, Albert Zafy et Didier Ratsiraka était prévisible. Dans cette interview exclusive accordée à Afrik. com, Monja Roindefo revient sur les actions du président de transition. Il parle notamment de la nomination dimanche d’un nouveau Premier ministre.

Les derniers espoirs de cohabitation à Madagascar semblent s’envoler. Le président de la HAT, Andry Rajoelina, a nommé dimanche un nouveau Premier ministre, le colonel Albert Camille Vital. C’est le deuxième en 48 heures. Albert Camille Vital succède en effet au chef du gouvernement de consensus, Eugène Mangalaza qui, après la publication vendredi d’un décret annulant sa nomination, a dû quitter son poste. Son départ sonne l’échec retentissant des accords de Maputo qui prévoyaient la mise en place d’un gouvernement d’Union nationale. De leur côté, les leaders des trois mouvances politiques de l’opposition (Marc Ravalomanana, Albert Zafy, Didier Ratsiraka) tentent de réunir un Parlement, comme convenu lors des accords de Maputo début décembre. Mais pour Andry Rajoelina, les négociations sur le partage du pouvoir sont désormais caduques. Dans ce contexte, Monja Roindefo, ancien Premier ministre et ex-bras droit de l’homme fort de Madagascar, accuse le président de la HAT malgache d’être « dans une logique affrontement ». Il revient notamment sur les raisons de l’échec des accords de Maputo et sur le rôle qu’il entend jouer dans les prochains mois. Interview.

Afrik.com : Andry Rajoelina a changé deux fois de Premier ministre en 48 heures. Selon vous, que reflète cette situation ?

Monja Roindefo :
Elle témoigne de l’inconstance et du bricolage d’Andry Rajoelina. Il n’arrive pas à sortir le pays de la crise politique. Il tâtonne, il est en train de créer une logique d’affrontement. Les trois mouvances politiques de l’opposition ont annoncé qu’elles allaient installer mardi leurs ministres, conformément à la décision qui avait été prise début décembre, à Maputo. En réaction, Andry Rajoelina a prévenu qu’il allait réprimer cette initiative.

Afrik.com : Andry Rajoelina a choisi un militaire comme Premier ministre. Est-ce en prévision d’une nouvelle crise ouverte? Voudrait-il s’appuyer sur les militaires?

Monja Roindefo :
C’est difficile à dire. Les militaires sont divisés. Mais la plupart d’entre eux veulent agir dans un cadre constitutionnel. De toute manière, cette logique d’affrontement ne contribue pas au retour à l’ordre. C’est pour cela que je préconise notamment des assises militaires pour que le dialogue puisse enfin s’instaurer.

Afrik.com : Les accords de Maputo ont échoué. Est-ce une victoire pour vous qui étiez hostile à ces négociations ?

Monja Roindefo :
Cela prouve que j’avais raison. C’est vrai je n’ai jamais caché mon hostilité à l’égard des accords de Maputo. Je ne cautionnais pas ce scénario car je savais qu’il n’allait aboutir à rien. Cette crise doit se résoudre de l’intérieur. Il fallait parler des élections autrement que dans le seul cadre du gouvernement. Les négociations ont été un peu superficielles et ne se sont pas attachées à trouver de vraies solutions.

Afrik.com : Votre hostilité à l’égard des accords de Maputo vous a valu votre poste. Comment avez-vous vécu cette éviction du pouvoir par Andry Rajoelina, dont vous étiez très proche ?

Monja Roindefo :
Je savais les limites de ces accords. J’en ai fait part à Andry Rajoelina qui ne m’a pas écouté, à cause peut-être d’une antipathie personnelle envers moi. J’ai préféré quitter mon poste pour ne pas envenimer la situation.

Afrik.com : Que préconisez-vous pour sortir Madagascar de la crise politique ?

Monja Roindefo :
Je pense qu’il faut un cadre de rassemblement et un rassembleur. Il faut établir une plateforme de dialogue, de négociations entre les mouvances politiques, les acteurs de la société civile, accompagnés de la communauté internationale. Cela passe par la mise en place d’assises militaires, nationales et régionales dès janvier 2010. Il faut que cela se fasse dans un cadre interne.

Afrik.com : Vous parlez d’un rôle de rassembleur. Êtes-vous prêt à jouer ce rôle ? Comptez-vous sur un poste au gouvernement ?

Monja Roindefo :
On m’a déjà sollicité pour que je revienne mais j’ai refusé. J’attends qu’on ait trouvé une solution durable. Je pense plus en ce moment à un rôle de rassembleur en charge de convoquer les réunions, les assises. Je souhaite qu’on établisse une feuille de route, acceptée par la majorité, pour que Madagascar sorte de cette impasse.

Afrik.com : Vous étiez en visite lundi à Paris. Pourquoi?

Monja Roindefo :
Je cherche à dévier la France de ses positions actuelles. Le pays doit avoir une vision plus large de Madagascar et ne doit pas privilégier une voix unique. Il faut que tous les partis soient entendus.

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