Mon père, ce bourreau


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arton952

Le premier film de la marocaine Fatima Jebli Ouazzani est un documentaire autobiographique qui oscille entre fiction et réalité. Un regard aigü sur la sexualité féminine au Maroc.

 » Une femme déflorée c’est comme un couscous de la veille : ça me dégoûte.  » Ainsi parle le grand-père de Fatima, la réalisatrice. Il parle d’elle puisqu’à 36 ans, elle n’est plus vierge, mais toujours pas mariée. Fatima a quitté la maison de son père à l’âge de 16 ans, et ne lui a plus jamais parlé depuis toutes ces années. Selon lui,  » une femme ne quitte sa maison que deux fois dans sa vie : pour se marier et pour être enterrée « . Fatima, malgré l’amour qu’elle porte à son géniteur, refuse cet état de fait, et part pour la Hollande. C’est à 24 ans qu’elle perd sa virginité :  » c’était le point de non-retour  » explique-t-elle.

Aujourd’hui, elle remue le passé en quête d’un avenir rassurant. Elle s’interroge : la vie qu’elle a choisie vaut-elle la perte de son père ? Son désir de liberté et d’émancipation n’est-il pas légitime ? Elle revient donc sur son enfance, et sur les exemples douloureux de sa mère et de sa grand-mère, qui ont toutes deux subi un mariage forcé, jusqu’à en mourir. Fatima mêle dans son film des interviews et des tranches de vie, avec des scènes reconstituant sa jeunesse.

Mariage  » traditionnel « 

La réalisatrice suit Naïma, qui a grandi aux Pays-Bas, et qui a décidé de se marier de manière  » traditionnelle « . Traduction : elle a décidé de rester vierge jusqu’à la nuit de noces. Son angoisse : ne pas saigner cette nuit-là. Car on sait qu’une jeune fille vierge peut très bien ne pas saigner lors du premier rapport. Une vérité scientifique qui s’oppose bien sûr à la tradition séculaire marocaine.

 » Dans la maison de mon père  » est un très beau documentaire, très sensible, qui met en lumière les blocages de la société marocaine. Scène symptomatique : même la sociologue interrogée sur le sujet sensible de la virginité, avoue ne pas pouvoir prendre de décision pour ses filles et s’en tire avec une pirouette :  » La virginité de mes filles regarde leurs futurs maris « .

Le documentaire, qui de Turin à Edimbourg, en passant par Thessalonique a été vu dans tous les festivals, a obtenu au Festival National du Film de Casablanca en 1998 le Grand Prix et le Prix de la presse, ainsi que le Prix spécial du jury à la Biennale des Cinémas arabes à Paris la même année. La France pourra enfin le découvrir à partir du 20 septembre à Paris.

« Dans la maison de mon père », sortie le 20 septembre 2000 au MK2 Parnasse, 11, rue Jules Chapelain, Metro Vavin, Paris France.

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