Mohamed Boudiaf, l’espoir assassiné


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Mohamed Boudiaf
Mohamed Boudiaf

Mohamed Boudiaf, ancien fonctionnaire et membre fondateur du Front de libération nationale algérien, a été assassiné lors d’une conférence le 29 juin 1992, alors qu’il venait d’accéder provisoirement au poste de Chef du gouvernement algérien. Portrait.

Mohamed Boudiaf était l’un des opposants algériens les plus populaires de son époque. Suite à la démission du Président Chadli Bendjedid, le 11 janvier 1992, Boudiaf revient en Algérie, le 16 janvier et il prend provisoirement la tête de l’Etat. Son retour au pays marque la fin de près de 28 ans d’exil. Un peu plus de cinq mois plus tard, Boudiaf est tué par balle, le 29 juin 1992. Il fut ainsi le premier et unique président du Maghreb à avoir été assassiné. Les enquêtes n’ayant jamais abouties, on ne sait toujours pas si son assassinat est l’œuvre des islamistes ou des généraux proche du pouvoir qu’il accuse de corruption et de détournement de fonds.

Né le 23 juin 1919 à Ouled Madi, l’actuelle wilaya de M’sila, en Algérie, Mohamed Boudiaf devient fonctionnaire et occupe une place dans l’administration après avoir achevé ses études à M’sila. Après la répression sanglante des émeutes de Sétif, en 1945, il s’engage au sein du Parti du peuple algérien (PPA), puis du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), fondé par Messali Hadj. Il contribue à la fondation de l’Organisation spéciale (OS), branche armée secrète du MTLD. L’OS est démantelée en 1950 par la police française et Boudiaf, condamné par contumace, entre dans la clandestinité.

Boudiaf et le FLN, toute une histoire…

Délégation des principaux dirigeants du FLN (de gauche à droite : Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf et Ahmed Ben Bella) après leur arrestation à la suite du détournement, le 22 octobre 1956 par l'armée française, de leur avion civil marocain, entre Rabat et Tunis, en direction du Caire (Égypte).
Délégation des principaux dirigeants du FLN (de gauche à droite : Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf et Ahmed Ben Bella) après leur arrestation à la suite du détournement, le 22 octobre 1956 par l’armée française, de leur avion civil marocain, entre Rabat et Tunis, en direction du Caire (Égypte).

C’est au printemps de l’année 1954 que Mohamed Boudiaf rentre en Algérie et crée, avec huit autres leaders nationalistes, parmi lesquels Ahmed Ben Bella ou Hocine Aït Ahmed, le Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA). Ce mouvement se prononce en faveur du déclenchement immédiat de l’insurrection armée. Le 1er novembre 1954 ont eu lieu les premières actions de guérilla pour la libération de l’Algérie. La guerre d’indépendance, menée par le Front de libération nationale (FLN), vient de débuter. Boudiaf est finalement arrêté par l’armée française, en compagnie de Ben Bella et Aït Ahmed, en août 1956, à l’issue du congrès du FLN dans la vallée de Soummam (en Kabylie).

Interné en France, Boudiaf continue ses activités militantes en dirigeant la fédération de France du FLN. Libéré après la signature des accords d’Evian, il se dit favorable à ce que le FLN soit dissous une fois l’indépendance obtenue. Il fonde son propre parti, le Parti de la révolution socialiste (PRS) en juin 1963, mais sera de nouveau arrêté et assigné à résidence. Une fois libéré, Boudiaf s’exile à Kénitra, au Maroc, où il conserve ses activités au sein du PRS. A la suite de la mort de Houari Boumédiène, il dissout son parti en 1979 et quitte définitivement le champ politique, enfin presque…

Boudiaf président : la signature d’une fin tragique

16 janvier 1992, Mohamed Boudiaf est rappelé à la tête de l’Algérie cinq jours après la démission, sous la contrainte d’un coup d’Etat militaire, du président Chadli Benjedid. Ce retour au pays signe la fin de près de 28 ans d’exil pour Boudiaf. Il est présent à la conférence des cadres du 29 juin 1992 et cela fait 27 minutes que le nouveau Président du Haut Comité d’Etat parle d’économie, de gestion et d’emploi avant de s’attaquer à la question de la religion. Dans la salle tout le monde s’est tu. Il est 11H30 ce lundi 29 juin et Boudiaf continue son discours sur les progrès et la religion. Il commence une phrase : « les pays développés nous devancent grâce à leurs connaissances scientifiques mais (…) l’Islam ». Islam sera son dernier mot. Il y a eu comme un claquement sec à droite de la tribune. Le Président suspend se phrase et regarde en direction des coulisses. Un homme s’avance vers la scène. Petit de taille, il porte l’uniforme bleu des services de sécurité et tient un pistolet mitrailleur à la main, calé contre sa hanche. Jusqu’ici, pas d’inquiétude. Pour le public il ne s’agit que d’un garde et pour les membres de la sécurité d’un des leurs…

Pourtant les règles sont strictes. Aucune personne étrangère au service ne doit franchir le périmètre de sécurité autour du président. Dans la salle, tout le monde pense que l’homme en bleu s’approche de Boudiaf pour en savoir davantage sur ce claquement suspect qui a amené le Président à s’interrompre. En fait ce claquement n’est autre que l’activation du mitrailleur que l’homme a entre les mains. Il est venu assassiner le Chef de l’Etat. Il vide son chargeur en plein dans le dos de Mohamed Boudiaf à moins d’un mètre cinquante de lui. Débute ainsi un véritable carnage dans la salle. Les gardes du corps ouvrent le feu à leur tour. Au final, il ne reste qu’une salle dévastée, 41 blessés et un cadavre.

A ce jour, le mystère plane toujours autour de ce meurtre. L’hypothèse la plus répandue est l’épilogue d’une longue lutte entre Boudiaf et le Front islamique du salut (FIS). Mohamed Boudiaf a toujours été intraitable envers le FIS et a tout fait pour dissoudre le parti. Suite à cet acharnement contre le FIS, des tracts anonymes s’en prenaient directement au Haut Comité d’Etat alors dirigé par Boudiaf. La thèse d’un complot organisé par les généraux algériens gênés par Boudiaf dans leurs actions de prise du pouvoir et de détournement de fonds est aussi largement évoquée. Aujourd’hui encore aucun élément ne permet de savoir exactement ce qui s’est précisément passé.

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