Michel Sidibé exhorte les Africains à produire leurs médicaments


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Michel Sidibé
Michel Sidibé (© Nicolas Lieber)

Michel Sidibé a plaidé pour que la lutte contre le sida soit une base pour développer l’industrie pharmaceutique en Afrique au sommet de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Le directeur exécutif du Programme commun des Nations unies sur le VIH/Sida (Onusida) a été convié à participer à la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation qui s’est tenue ce mercredi à Lomé. Dans la zone, le responsable de l’Onusida suggère la mise en place d’une agence sous-régionale du médicament.

Soixante-dix pour cent des 34 millions de personnes qui vivent avec le virus du sida résident sur le continent africain. Mais plus de 80% des antirétroviraux sont importés. Pour l’Onusida et son directeur exécutif, Michel Sidibé, la pandémie peut constituer « un point d’entrée » pour développer des infrastructures susceptibles d’aider à la production de médicaments en Afrique.

Afrk.com : A vous entendre, la lutte contre le sida peut constituer la plate-forme de développement d’une industrie pharmaceutique en Afrique ?

Michel Sidibé : Le sida ne doit pas être perçu simplement comme un problème. Le sida doit être perçu comme une opportunité. Aujourd’hui, on a 23 millions de personnes infectées en Afrique. Malheureusement, la plupart de nos malades sont sous traitement grâce à des ressources extérieures et à des médicaments qui ne sont pas produits en Afrique. J’interpellais les chefs d’Etat (lors d’un discours prononcé à l’ouverture du sommet de l’Uemoa, ndlr) pour qu’on commence à penser à la production locale, ce qui équivaut à penser un partenariat public-privé et faire en sorte qu’on puisse participer à ce marché important du médicament. En 2015, il représentera 1 000 milliards de dollars. L’Afrique ne représente qu’un pour cent de ce marché.

Afrik.com : Le continent dispose-t-il des capacités en matière de recherche et développement pour tirer profit de ce marché ?

Michel Sidibé : L’exemple le plus criant, c’est l’Inde. Il y a trente ans, 70 à 80% du médicament venait de l’extérieur. Aujourd’hui, 70 à 80% du médicament est produit en Inde. Il faut donc créer les conditions, notamment celles qui permettent des transferts de technologie et de savoir, faire en sorte qu’on puisse négocier avec les pays émergents et développés un nouveau type de partenariat. L’Afrique aura plus d’un milliard d’habitants mais c’est un marché qui sera malheureusement exploité, si on ne le fait pas nous, par d’autres. Et les maladies sont croissantes.

Afrik.com : Que pourrait faire une organisation comme l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) pour bénéficier des opportunités pharmaceutiques que vous évoquez ?

Michel Sidibé : L’Uemoa peut mettre en place une agence sous-régionale de réglementation du médicament. Aujourd’hui, la réglementation se fait au niveau national en Afrique et cela prend du temps. On attend entre quatre à cinq ans, voire six ans pour introduire une nouvelle molécule. Cette agence pourrait servir aussi de plate-forme intégrée pour la recherche et le développement et attirer nos jeunes chercheurs. Cette intégration pourra également nous aider à lutter contre la production illicite de produits pharmaceutiques. Dans le cas du paludisme, près de 30% des médicaments sont illicites.

Afrik.com : Ou en est-on de la lutte contre le sida en Afrique ?

Michel Sidibé : Nous avons fait d’énormes progrès. Il y a dix ans, personne ne pensait qu’on aurait pu mettre six millions de personnes sous traitement en Afrique. Moins de 50 000 l’étaient à cette époque. Nous avons réduit l’infection de 25% chez les jeunes dans plus de 33 pays, alors qu’il y a quelques années, nous n’avions que le Sénégal comme modèle. La mortalité a baissé. En 2005, nous avions environ 1,8 million de décès par an. Ce chiffre est aujourd’hui passé à 1,2 million. C’est toujours énorme. Cependant, les gens ne meurent plus du sida au Nord, les enfants n’y naissent plus avec la maladie. Mais c’est toujours le cas en Afrique. Par conséquent, nous devons nous mobiliser pour mettre un terme à cette situation.

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