Mauritanie : les libertés publiques en danger


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Plus aucune manifestation publique. Plus de critique dans les médias publics. Voilà les deux recettes concoctées par la junte au pouvoir à Nouakchott pour faire face à une opposition grandissante. Les partis politiques et la société civile sont sur le pied de guerre, et entendent manifester dimanche prochain, en dépit de l’interdiction.

Branle-bas général dans les rangs de l’opposition mauritanienne. Chefs de partis politiques et responsables de la société civile se disent déterminés à défendre les libertés publiques, menacées par la junte portée au pouvoir par le coup d’Etat du 6 août dernier. Dans une interview accordée à Radio France Internationale (RFI) mardi, le Premier ministre intronisé par la junte avait annoncé que son gouvernement interdirait toutes les manifestations. « Je pense que le pays depuis le mois de mai ne fait que manifester, on va diminuer ça. D’ailleurs on va interdire toutes les manifestations (…) », avait déclaré Moulaye Ould Mahomed Leghdaf.

Pour l’opposition réunie autour d’un front anti-putsch, le but de la manœuvre gouvernementale est clair : empêcher coûte que coûte une manifestation populaire prévue dimanche 05 octobre prochain, pour montrer que les Mauritaniens dans leur majorité rejettent le coup d’Etat. « C’est une certitude pour nous. Les auteurs du coup d’Etat veulent barrer la voie au front. Ils veulent faire croire que la population les soutient, ce qui est faux. Nous avons donc décidé de leur infliger un cuisant démenti », laisse entendre Oumar Ould Yali, ancien ministre des Nouvelles technologies, joint au téléphone par Afrik.com. Pour lui, les risques de trouble à l’ordre public évoqués par le nouveau pouvoir ne sont que des alibis destinés à étouffer dans l’œuf une manifestation démocratique. « Dans tous les cas, rien ne nous arrêtera », prévient-il.

De son côté, l’Alliance progressiste populaire (APP) a saisi les nouvelles autorités de Nouakchott d’une lettre dans laquelle elle dénonce tous azimuts les restrictions apportées aux libertés par la junte : dispersion des réunions d’opposition par les forces armées, multiplications des arrestations des militants coupables pour certains, d’avoir brandi des photos de l’ancien président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, enfermé depuis le coup d’Etat. « Nous entendons bien manifester avec les autres le 5 octobre, en dépit des menaces », affirme Ladji Traoré, vice président de l’APP.

La diaspora mobilisée

Même à l’étranger, le général Mohammed Ould Abdel Aziz, le nouvel homme fort de Nouakchott, va devoir affronter une bruyante contestation. Dimanche 5 octobre, pendant que l’opposition défilera dans les rues de la capitale mauritanienne, la diaspora de ce pays organisera un sit-in devant son ambassade de Paris. C’est une initiative du Mouvement pour la défense de la légalité institutionnelle en Mauritanie, créé en France au lendemain du coup d’Etat d’août dernier, et qui regroupe quelques associations et partis politique. « Nous savons qu’au pays, les gens sont très mobilisés contre le coup d’Etat. Nous savons que le général et ses hommes sont des anciens de tous les régimes totalitaires connus par le pays. D’où notre inquiétude quant à leurs tendances liberticides du nouveau pouvoir. C’est pour cela que nous allons manifester », explique Ibrahima Diallo, l’un des porte-parole du mouvement.

Des manifestations d’hostilité qui insupportent d’autant plus les militaires au pouvoir en Mauritanie, d’autant plus qu’elles s’ajoutent à la condamnation, sur fond de menace de sanctions, du coup d’Etat par la communauté internationale.

La junte n’entend pas pour autant perdre pied. Au contraire, elle fait son possible, pour lisser son image. Première stratégie, accroître l’effort de propagande, d’où son désir de contrôler les medias de manière accrue. Une cellule de communication directement rattachée à la présidence de la République a ainsi été mise sur pied. Elle filtre désormais l’information à la radio comme à la télévision d’Etat. « C’est cette cellule qui choisit désormais les invités aux différents débats, de sorte que tout ce qui se dira soit favorable à la junte. Le débat contradictoire a été supprimé » se plaint un journaliste de la radio publique contacté par Afrik.com. Il ajoute : « Avant le coup d’Etat, on assistait déjà à un net recul de la liberté d’expression dans la presse publique acquise pendant la transition de 2005. C’est devenu pire. On a reculé d’au moins cinquante ans. On ne sait plus où on va ».

Sur un autre registre, la junte envoie des émissaires à l’extérieur du pays, histoire, faute de légitimité intérieure, de prouver l’effectivité de son pouvoir au plan international. Elle sera ainsi représentée par ses ministres des affaires étrangères et des affaires économiques au Ghana, où se tiendra les 2 et 3 octobre prochains, le sommet du groupe ACP. Mai là encore, elle devra subir son opposition, qui a décidé d’envoyer ses propres émissaires, deux ministres du « gouvernement légal », celui renversé par le coup d’Etat du 5 août.

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