Maroc : femmes enceintes et ramadan


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Au Maroc, de nombreuses femmes enceintes font le ramadan. Pour elles, il s’agit de suivre avec ferveur la religion musulmane, même si la grossesse rend le jeûne moins facile. Selon le coran, il n’y a aucune contradiction, sauf si la vie de la future mère et de l’enfant sont en danger.

« Je suis enceinte d’un mois et je fais le ramadan. Mais, avant de commencer, j’ai demandé à mon gynécologue si je pouvais, s’il n’y avait pas de risque », se souvient Nabila, responsable administratif et financier de l’Association marocaine pour les droits de la femme. Elles sont nombreuses, comme cette Marocaine de 35 ans, à faire le ramadan pendant leur grossesse. Selon certains, ce phénomène est notamment dû à un regain de pratique de l’islam. « C’est notre religion et je le ferai tant que je pourrais l’assumer », souligne Nabila, qui attend son deuxième enfant. « De nature, j’aime faire le ramadan. Alors, l’an dernier, je l’ai accompli pendant que j’étais à trois mois de grossesse », ajoute Safia, responsable administrative et financier chez l’Association démocrate des femmes du Maroc.

Sur un forum Internet de discussion visité par Afrik.com, beaucoup se demandent ce que le coran dit concernant la grossesse et le ramadan. « Cela dépend des femmes, explique Ahmed Abaddi, directeur des affaires islamiques au ministère des Habous et des Affaires Islamiques. Certaines pourront supporter, d’autres pas. S’il existe une crainte de baisse de tension, de montée du diabète ou de n’importe quel autre risque, le médecin dit qu’il ne faut pas jeûner ». « Lorsqu’il y a un risque pour elle ou le bébé, nous lui conseillons de rompre le jeûne. Comme il y a beaucoup d’analphabètes, nous insistons en nous basant sur le coran, qui recommande de prendre soin de sa santé. Pour jeûner, il faut être bien dans sa tête et dans son corps, le ramadan n’est pas là pour alourdir les pathologies », poursuit le Dr Rachid Choukri, président de la Fédération nationale des associations des médecins généralistes privés du Maroc.

« Accepter la permission divine de ne pas jeûner »

La sensibilisation passe mieux dans les quartiers favorisés et chez les femmes éduquées que dans les campagnes, indique le Dr Rachid Choukri. Mais partout on peut rencontrer quelques femmes qui voudront jeûner coûte que coûte. Une application rigoureuse de la religion qui irait à l’encontre de ce que commande la foi. « Une parole du prophète dit que Dieu aime que l’on prenne ses cadeaux, que sinon cela peut être considéré comme une forme d’impolitesse. C’est-à-dire que si les femmes sont dans une situation risquée, elles doivent accepter la permission divine de ne pas jeûner », précise Ahmed Abaddi. Dans ce cas, elles pourront rattraper les jours « perdus » au court des mois qui précèderont le prochain ramadan. Un confort appréciable au vu des complications encourues : malaises, avortement spontané ou accouchement prématuré.

Pour celles qui sont en bonne santé, le Dr Rachid Choukri conseille de faire un bilan standard dans un dispensaire gratuit ou de consulter pour celles qui en ont les moyens. Il conseille également de bien manger avant le lever du soleil pour pouvoir tenir jusqu’au soir. Le Dr Rachid Choukri estime que, même s’il n’y a pas d’études à ce sujet, il n’y a pas de risques de carences car « l’alimentation est beaucoup plus riche pendant le ramadan que le reste de l’année ». Ce qui, d’après lui, permet aux mères d’allaiter normalement.

Plus dur à la campagne

Toujours est-il que, même en bonne santé, faire le ramadan est plus difficile quand on porte un enfant et qu’on travaille. Il faut compter avec les nausées, les envies… A ce sujet, Ahmed Abaddi, du ministère des Habous et des Affaires Islamiques, assure que vomir ne rend pas caduque la journée de jeûne. Si Nabila confie se sentir « un peu fatiguée », Safia était pratiquement entrée en hibernation : « Je passais mon temps à dormir, je manquais de sommeil constamment. C’était la première fois que ça m’arrivait. Je pouvais quasiment dormir debout ! » Pour tenir le coup, elle faisait le plein de vitamines en mangeant des fruits.

Des vitamines dont auraient aussi bien besoin celles qui vivent à la campagne. Dr Rachid Choukri a travaillé pendant longtemps hors des zones urbaines et il a constaté que le ramadan est encore plus difficile pour elles. « Elles doivent faire beaucoup de tâches à la main et sans aide, avec souvent un enfant sur le dos et deux ou trois qui courent autour. En plus de tout cela, il faut préparer le repas pour rompre le ramadan. C’est beaucoup de travail ! Je me rappelle avoir vu pendant cette période beaucoup d’enfants victimes de brûlures domestiques », raconte-t-il. Autant de facteurs qui lui font dire que les femmes qui font le ramadan ont « bien du courage ».

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