Maroc : escalade dans le conflit saharaoui


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Des tensions entre le Maroc et le territoire du Sahara occidental reprennent de l’ampleur. Si cette situation dure depuis 30 ans, ces dernières semaines ont vu abonder manifestations et répressions massives. Les mouvements de protestation saharaouis et la voix de la communauté internationale semblent par ailleurs engager une nouvelle prise de conscience du sort des Sahraouis séquestrés dans des camps de détention dans le Sud du Maroc.

Par Floréal Sotto

La flamme du combat sahraoui est ravivée. De Laâyoune à Dakhla en passant par Smara à Tindouf en Algérie, les protestations sahraouies se font de plus en plus virulentes. Les citoyens de la République arabe sahraouie démocratique (RASD, non reconnue par le Maroc), multiplient les manifestations, ces derniers jours. Ils revendiquent le respect des droits de l’Homme, suite à une recrudescence d’arrestations arbitraires et de procès sommaires organisés par la justice marocaine. Les opposants en appellent à une position plus ferme de la communauté internationale pour leur venir en aide.

Revendications et répressions

Dans l’après midi de mercredi, Dakhla a été le théâtre d’une manifestation mouvementée pour réclamer la libération des prisonniers politiques sahraouis et l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Plus de 16 manifestants auraient été blessés par les forces armées marocaines, indique Sahara Presse Service(SPS). A Aousserd, où 15 000 Sahraouis seraient séquestrés, selonE-mauritanie.net, c’est samedi dernier que les manifestants se sont mobilisés pour protester contre la situation désastreuse dans les camps de détention. L’intervention de l’armée algérienne pour réprimer la manifestation aurait fait des dizaines de blessés. A Assa, une semaine plus tôt, ce sont des centaines de personnes qui ont manifestées spontanément contre la recrudescence de la répression. Selon SPS, « 500 membres des forces de sécurité marocaines soutenues par les forces d’intervention spéciales, (…) ont fait usage de balles en plastic, de matraques, de baïonnettes et de gaz lacrymogènes ».

Ces mobilisations ont aussi pour but de dénoncer les pratiques du Front Polisario, accusé de détourner les aides humanitaires censées parvenir aux centaines de milliers de détenus des camps sahrahouis. Ainsi, le quotidien marocain L’Opinion, invite la communauté internationnale à s’interroger sur les propos tenus par Mohamed Abdelaziz à Errabouni (dirigeant du Polisario) mardi dernier appelant à la « fermeté » contre les manifestants. “Par fermeté, Mohamed Abdelaziz entendait le blocus des camps et le bouclage des frontières, empêchant la circulation aussi bien des personnes que des marchandises, outre la répression des manifestants par le recours à la violence et les arrestations », avance le journal. C’est d’ailleurs le Polisario avec l’aide de l’armée algérienne qui aurait dispersé avec violence une manifestation à Smara dans le camp de Tindouf, selon Aujourd’hui Maroc. Les Sahraouis revendiquaient la fin du blocus qui les empêchent de rejoindre leur patrie et « scandaient des slogans hostiles au Front du Polisario »

La communauté internationale

En 1975, le Maroc avait occupé la région et fait construire un mur de 2 720 km de long, protégé par 160 000 soldats, suite de la découverte de riches mines de phosphate dans le Sahara occidental en 1947. Depuis, l’appel à l’aide de la RASD est souvent resté souvent sans écho, la communauté internationale n’ayant de cesse de s’emmêler les pinceaux autour de la question. La plus part des pays de l’Union Africaine reconnaissent la RASD comme un membre à part entière depuis 1984. Le dernier en date étant le Kenya (déclaration du 25 juin 2005). Mais les positions européennes restent floues. Le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, a affirmé mercredi devant le Sénat espagnol que l’Espagne (ancien colonisateur du Maroc) ne reconnaissait pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, mais que : « les diplomates espagnols aux Nations Unies ont cédé en 1975 l’administration mais non la souveraineté sur ces territoires».

La position de la France est également délicate, La Tribune a indiqué que le représentant de la RASD à Washington a accusé la France, jeudi, « dans une déclaration au journal africain de la Chaîne III de la radio algérienne, jeudi », d’être derrière le blocage du référendum d’autodétermination. La France a en effet été longtemps attentive aux revendications marocaines, mais sous la pression de l’ONU, elle devrait se rattacher au plan James Baker, approuvé en décembre 2004.

Sonner l’alarme

L’ONU semble vouloir nommer un nouvel envoyé spécial, mais le choix s’annonce difficile, précise Le Figaro, car depuis plus d’une décennie la gestion des aides (580 millions d’euros) a été infructueuse et ponctuée de deux démissions (James Baker et Javier de Soto). Cela pourrait expliquer le silence onusien à un moment où la situation risque de s’embourber.

Par ailleurs, « 104 eurodéputés ont envoyé une lettre au secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, dans laquelle ils lui demandent de faire pression sur le Maroc pour que cesse ‘de manière immédiate’ la répression contre les civils sahraouis qui vivent dans l’ex-colonie espagnole. Les députés réclament la présence sur place d’observateurs internationaux et d’organisation de défense des droits de l’Homme afin de protéger la population civile sahraouie », signale El Mundo. Affaire à suivre.

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