L’opposition sénégalaise défie Wade


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L’opposition sénégalaise s’est fait malmener, samedi, alors qu’elle tentait de manifester à Dakar contre les « dérives autoritaires du régime Wade ». Les principaux leaders ont été interpellés par la police. Rapidement relâchés, ils appellent à une nouvelle manifestation, vendredi prochain, « même itinéraire, mêmes objectifs ».

« C’est la première fois qu’on me met dans le panier à salade, c’est la première fois qu’on m’enferme dans un poste de police et c’est la première fois qu’on tire sur moi une grenade lacrymogène…», s’est plaint Ousmane Tanor Dieng, samedi, à sa sortie d’un commissariat de police dakarois. Le chef du parti socialiste (PS) sénégalais, cité par L’Observateur, venait d’être interpellé avec ses collègues de l’opposition sénégalaise alors qu’il manifestait devant la Radio-télévision sénégalaise (RTS) contre « la dérive autoritaire du régime Wade ». La manifestation avait été interdite la veille par les autorités en raison du « manque d’effectifs pour en assurer la sécurité ». Pour prouver à Abdoulaye Wade qu’ils n’étaient pas des « poltrons » – ce dont le président les avait traités – les membres de Front « Aar Sénégal » (partis politiques et organisations de la société civile) ont maintenu la marche.

Résultat : Ousmane Tanor Dieng, l’ancien premier ministre Moustapha Niasse (Alliance des forces du progrès, AFP), Amath Dansokho (Parti de l’indépendance et du travail, PIT) ou encore Abdoulaye Bathily (Ligue démocratique/Mouvement pour le parti du travail, LD/MPT) ont tous été interpellés, sans ménagement, par les policiers anti-émeutes déployés sur le lieu de rassemblement, dans le quartier Medina. Mata Sy Diallo, responsable de la section féminine de l’AFP, a été évacuée par ambulance après s’être évanouie dans les gaz lacrymogènes.

La rumeur d’un report des présidentielles

Le Sénégal passe pour un exemple démocratique sur le continent africain. En 2000, la transition s’est opérée sans heurts, lors du scrutin présidentiel, entre le PS d’Abdou Diouf, qui présidait à la destinée du pays depuis l’indépendance, et le Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade. Mais depuis plusieurs mois, ce dernier a donné l’impression à ses opposants de gérer le pays de « façon unilatérale ». L’événement le plus retentissant a concerné l’arrestation et la détention de l’ex bras droit de Wade, Idrissa Seck, du 23 juillet 2005 au 7 février 2006. Ousmane Badiane, chargé des questions électorales au LD/MPT, reproche également nombre de « tripatouillages constitutionnels » au président, comme la décision par décret, le 8 décembre dernier, de faire passer de 120 à 150 le nombre des parlementaires, « selon un découpage partisan et non basé sur la démographie des régions ». Le décret a finalement été annulé par le Conseil d’Etat, le 12 janvier, suite à une requête du PS.

L’opposition réunie samedi réclamait par ailleurs le « respect du calendrier électoral » et la tenue rapide d’élections législatives. Celles-ci ont été repoussées à deux reprises, de mai 2006 à février 2007, puis, récemment, de février à juin 2007. « Cette situation de report des législatives a réuni tout le monde », explique Ousmane Badiane. Rassemblés au sein de la Coalition populaire pour l’alternative (CPA), les principaux partis de l’opposition s’étaient divisés en deux groupes, le mois dernier, sur la question d’une candidature unique aux présidentielles. « Mais tout le monde s’est senti menacé et la CPA s’est reconstituée, avec de nouveaux partis et des organisations de la société civile, au sein du Front Aar Sénégal », poursuit Ousmane Badiane.

Autre crainte : le report des présidentielles, fixées au 25 février 2007. La rumeur enfle à Dakar malgré les dénégations de la présidence. Membre de la Commission chargée de délivrer les cartes électorales, Ousmane Badiane assure qu’à trois jours du début de la campagne électorale, seules 55% des cartes d’électeurs sont parvenues à leurs destinataires.

C’est dans ce contexte tendu que le président Wade a annoncé le 22 janvier le retour d’Idrissa Seck dans la mouvance présidentielle. Le principal intéressé, qui avait quitté le PDS et formé un parti à sa sortie de prison, n’a ni confirmé ni infirmé l’information. L’opposition a appelé à une nouvelle manifestation, vendredi, à 15 heures, « même itinéraire, mêmes objectifs », indique Ousmane Badiane.

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