« L’Intérieur de la Nuit » : une œuvre universelle


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leonora Miano

Un village africain d’un pays imaginaire, l’oppression d’une armée rebelle bourreau et manipulatrice, un témoin expression des interrogations du lecteur, les ingrédients du premier livre de la romancière camerounaise Léonora Miano composent une recette réussie aux saveurs universelles.

L’Intérieur de la Nuit est la première publication de la Camerounaise Léonora Miano. L’habillage culturel est africain, mais les questions évoquées débordent largement ce cadre. A travers la présentation d’une petite communauté rurale africaine dont les terres se trouvent à quelques kilomètres d’une ville, l’auteur décortique les mécanismes mentaux de l’acceptation du pire.

Les villageois d’Eku vivent repliés sur leurs traditions ancestrales, dans un espace restreint, presque clos, où le temps semble s’être arrêté. Comme dans de nombreuses régions d’Afrique (même si l’action se déroule dans un pays imaginaire), les femmes sont les gardiennes du foyer. Les hommes vont au loin tenter de gagner leur vie et ne sont guère présents pour les soutenir. Sur les terres du clan, on ne trouve que des enfants, des vieillards et des femmes.

La barbarie est une perversion de l’humanité

Cette population est immobilisée par une armée rebelle qui lui interdit le moindre déplacement, avant de l’agresser une nuit. La violence infligée aux villageois, sous couvert d’une idéologie visant à réhabiliter une Afrique mythique et glorieuse, est de nature psychologique. Un enfant du clan est choisi et sacrifié. Les villageois devront ensuite le manger, en se soumettant à une célébration parodique de l’eucharistie.

Le témoin privilégié de l’histoire est Ayané, une jeune femme dont les parents ont été marginalisés par leurs choix de vie, revient en vacances à Eku après des années passées en Europe. C’est elle qui pose les questions qui surgissent inévitablement dans l’esprit du lecteur. C’est encore elle qui se trouve en prise avec le fait que la barbarie est une perversion de l’humanité.

Léonora Miano n’est pas une adepte du folklore. Elle fait le choix d’une langue classique et d’une écriture maîtrisée pour créer une atmosphère oppressante. Les descriptions, volontairement froides, presque cliniques, mettent en exergue des réalités dérangeantes. Ici, la peinture est hautement figurative. Le travail de la littérature n’est-il pas souvent, en composant avec le réel et l’imaginaire, de remuer les tabous ? En abordant des thèmes tels que les crises identitaires, la violence et les responsabilités individuelles et collectives, L’Intérieur de la Nuit s’inscrit véritablement comme un ouvrage à valeur universelle.

L’Intérieur de la Nuit, Plon, 2005

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