Libye : la boucherie


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Le vent de la révolte souffle toujours sur la Libye. Les manifestations, qui ont pris de l’ampleur ce lundi, ont été durement réprimées par les autorités qui auraient fait usage d’hélicoptères et d’avions de combat. Au moins soixante-trois personnes auraient péri lors d’affrontements avec les forces de l’ordre à Tripoli. Pour protester contre les violences à l’égard des manifestants, les ministres de la Justice et de la Sécurité ont démissionné.

En dépit de la violente répression, les manifestants ne cèdent pas. Ils sont à nouveau descendus dans les rues ce lundi pour protester contre le régime du Colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans. Pour mettre un terme à la révolte, les autorités libyennes auraient même envoyé l’aviation tirer sur la foule, selon la chaîne de télévision Al-Jazira. « Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est inimaginable. Des avions et des hélicoptères de l’armée de l’air bombardent aveuglément un secteur après l’autre. Il y a de nombreux morts », a affirmé à Al-Jazira un habitant de Tripoli. Prié de dire si le bombardement se poursuivait, il a répondu : « Ça continue, ça continue. Ils prennent pour cible tout ce qui bouge ».

Selon des témoins contactés par l’AFP, à Tripoli, le siège d’une télévision et d’une radio publiques ont été saccagés par des manifestants. Des postes de police, des locaux des comités révolutionnaires, la « salle du peuple » accueillant des réunions officielles ainsi que le bâtiment abritant le ministère de l’Intérieur ont été incendiés. Et selon des informations recueillies par la Fédération internationale des ligues de droits de l’Homme (FIDH), le camp de Bab el-Azizia, où vit le dirigeant libyen, aurait été attaqué dans la nuit de dimanche à lundi.

Les communications téléphoniques ainsi que l’accès à internet étaient toujours très perturbés lundi.

Les ministres de la Justice, Moustafa Mohamed Aboud Al Djelei, et de la sécurité ont démissionné de leurs fonctions, dénonçant un « recours excessif à la violence à l’encontre des manifestants », selon le journal libyen Kourina. Plusieurs villes[[Outre Benghazi, la FDH affirme que les localités de Tobrouk, à l’extrême est du pays, ainsi que celles de Misrata, Khoms, Tarhounah, Zeiten, Zaouia et Zouara, qui sont plus proches de la capitale, seraient également contrôlées par l’opposition.]], dont Benghazi (Est), seraient tombées aux mains des manifestants en raison de défections dans l’armée. Selon la FIDH, «des militaires se sont ralliés» au soulèvement contre Mouammar Kadhafi.

Le bilan s’est alourdi. Selon la chaîne d’information Al-Jazira, 63 personnes auraient péri ce lundi à Tripoli, la capitale libyenne, lors d’affrontements entres protestataires et forces de l’ordre. Depuis le début de la mobilisation, la répression aurait fait au moins 233 morts, dont 60 dimanche, selon l’organisation de la défense des droits de l’homme, Human Rights Watch. La FIDH parle, elle, de 300 à 400 morts.

Face à la crise, le régime est sorti de son silence ce dimanche, pour la première fois, par la voix de Seïf Al-Islam, l’un des fils de Mouammar Kadhafi. Dans une allocution télévisée, il a crié au complot étranger contre la Libye, affirmant que les bilans donnés par «les médias étrangers sont très exagérés». Selon lui, le peuple doit choisir soit de construire une «nouvelle Libye, soit de plonger dans la « guerre civile».

«Nous allons détruire les éléments de la sédition», a-t-il lancé, tout en promettant une constitution et de nouvelles lois libérales. «L’armée aura maintenant un rôle essentiel pour imposer la sécurité», a-t-il affirmé. «La Libye est à un carrefour. Soit nous nous entendons aujourd’hui sur des réformes, soit nous ne pleurerons pas 84 morts mais des milliers et il y aura des rivières de sang dans toute la Libye».

Des violences condamnées par la communauté internationale

La communauté internationale n’est pas restée de marbre face à la situation. Le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon, qui s’est entretenu ce lundi selon son porte-parole avec le dirigeant libyen, a demandé l’arrêt des violences. Le président américain, Barack Obama, a exhorté le régime de Mouammar Kadhafi à ne pas faire usage de la force contre les manifestations. La France a aussi appelé ce lundi à la «cessation immédiate des violences ». «Face à la lourde répression de ces derniers jours», Elle a demandé également aux autorités libyennes de respecter «le droit de manifester pacifiquement et les libertés d’expression et de communication».

Lors d’une réunion à Bruxelles ce lundi, l’Union européenne, a condamné « la répression contre les manifestants ». Elle a appelé le colonel Kadhafi à répondre aux aspirations «légitimes» de son peuple et à cesser de réprimer dans le sang les manifestations. De même, le ministre canadien des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a déclaré que le « Canada condamne vigoureusement la répression en Libye, où le pouvoir a exercé une force meurtrière contre des manifestants innocents ».

Face à l’insécurité grandissante, le Portugal a d’ores et déjà envoyé ce lundi un avion militaire rapatrier ses ressortissants. Sans évoquer d’évacuation officielle, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Laurent Wauquiez a souligné ce lundi matin que Paris encourageait les 750 Français résidant en Libye à quitter le pays. Washington a aussi appelé son personnel diplomatique «non essentiel» à partir.

Quatrième producteur d’hydrocarbures en Afrique, avec près de 1,8 million de barils par jour, la Libye compte de nombreuses compagnies pétrolières occidentales sur son territoire. Le groupe pétrolier britannique BP, qui y emploie 140 personnes, a été le premier à annoncer le rapatriement de ses expatriés «d’ici un jour ou deux», selon un porte-parole. De même l’Italien ENI, premier producteur d’hydrocarbures dans le pays, a décidé d’évacuer son personnel «non essentiel» et leurs familles. Le groupe, qui réalise 14% de sa production totale dans le pays, assure que «pour le moment, aucun problème n’a été signalé au niveau des sites et des structures opérationnelles» et que «la production continue normalement sans effet sur les opérations».

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