Irak : les volontaires algériens entre deux feux


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Aéroport Saddam de Bagdad (archive)
Aéroport Saddam de Bagdad (archive)

Sur les quelque 600 volontaires algériens partis combattre les forces américano-britanniques en Irak, plusieurs dizaines ont péri les armes à la main. Inexpérimentés, la majorité de ces volontaires avaient été affectés aux premières lignes du front, loin devant les troupes irakiennes de la Garde républicaine.

Aux côtés de 6 000 volontaires de différents pays arabes, les Algériens sont à l’origine de faits d’armes et de pertes subies par les GI’s à l’aéroport Saddam international de Bagdad, au palais présidentiel El Kout et sur le pont du même nom. Les témoignages attestent que les troupes de Saddam Hussein étaient totalement démobilisées et désorganisées lors des premières attaques terrestres et aériennes américaines dans la banlieue de la capitale. Celles-ci avaient abandonné leurs positions et leurs armes pour fuir, laissant les volontaires arabes seuls face aux agresseurs.

Samedi dernier, bon nombre d’entre eux ont réussi à atteindre la capitale syrienne pour tenter de rejoindre Alger. Les récits de leurs péripéties à travers les routes et les campagnes, de Bagdad à la frontière syrienne, mettent en relief les assassinats perpétrés sur des volontaires arabes par les Américains. Interceptés par ces derniers, alors qu’ils n’avaient opposé aucune résistance, cinq Yéménites et trois Algériens ont été mis à genoux avant d’être froidement exécutés.

Pieds et poings liés

Leurs récits confirment que la Garde républicaine à Bagdad était déjà défaite bien avant l’arrivée des GI’s dans la capitale, comme ils confirment également que plusieurs officiers irakiens et officiels du gouvernement s’étaient préparés à cette défaite en faisant traverser la frontière irakienne à destination de la Syrie à leurs familles. Pour ces volontaires, l’armée irakienne a commis l’une des plus grandes trahisons qu’ait connue le monde arabe. Alors qu’ils combattaient les forces américaines, les volontaires arabes auraient été pris à revers par des militaires et civils irakiens.

Faits prisonniers, nombre d’entre eux ont été livrés pieds et poings liés aux Américains en contrepartie de récompenses offertes sur un barème préalablement établi : 2 500 dollars pour la capture d’un volontaire algérien, 1 500 dollars pour un Syrien et 1 000 dollars pour les autres nationalités (Jordaniens, Libanais, Yéménites, Soudanais, Libyens, Tunisiens). Ce barème aurait été établi en fonction de la dangerosité que représentent les uns et les autres pour les troupes américaines.

Trahison irakienne

Toujours à la pointe des combats en tant que chair à canon, les Algériens ont fait parler d’eux lors de la bataille de l’aéroport Saddam international. Ils ont repoussé les GI’s avant de les encercler le samedi 5 avril. Dans la nuit, ils se sont infiltrés dans leurs rangs et ont passé au le fil de leur baïonnette une cinquantaine d’entre eux. Deux jours après, les volontaires algériens ont été confrontés à des tirs de kalachnikovs et à un bombardement intensif de leurs positions par des éléments de la Garde républicaine irakienne.

Des témoignages recueillis auprès d’autres volontaires, notamment syriens et jordaniens, confirment ces faits. Menouar A., Syrien, marié, père d’un enfant et propriétaire d’un restaurant à Damas, a « tout abandonné pour répondre à l’appel du devoir ». « Aux côtés de nombreux compagnons algériens, j’ai participé à des combats contre les Américains. Des militaires irakiens nous ont pris à revers et ont tiré sur nous. J’ai vu tomber un des Algériens, Abdelghani Aïssaoui, natif de la région de Constantine. J’ai eu le temps de récupérer ses papiers pour les remettre à l’un de ses compatriotes. Face à cette traîtrise, j’ai su qu’il n’y avait plus rien à faire, d’autant que les militaires irakiens avaient refusé de tirer une seule balle », raconte-t-il.

Abdelmadjid T., un Algérien, se souvient : « Je suis un simple salarié venu pour combattre aux côtés des Irakiens l’agresseur américano-britannique. Finalement, ils nous ont trahis. Je regrette beaucoup d’être venu car les Irakiens avaient d’autres soucis que de défendre leur pays ». Quant à Abbou Abas Adnène, venu d’Algérie, il affirme : « Nous avons été contraints de laisser tomber car la trahison était partout. Nous n’avions pas pour ennemi seulement les Américains mais aussi les militaires irakiens. Avec des Algériens et des Yéménites, nous avons été interceptés par une troupe mobile américaine. Huit d’entre nous, qui s’étaient rendus, ont été exécutés sur place. Nous avons réussi par la suite à nous replier ».

Par A. Djabali, envoyé spécial en Irak pour notre partenaire El Watan

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