Les droits des islamistes sont-ils violés au Maroc ?


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Une association dénonce dans un rapport la violation des droits des islamistes, qu’ils soient impliqués dans des affaires terroristes ou non. Le Forum marocain dignité pour les droits de l’homme, qui serait proche de la mouvance islamiste, dénonce notamment des procès expéditifs et inéquitables ainsi que diverses maltraitances.

Les islamistes doivent avoir les mêmes droits que les autres. C’est ce que souligne un rapport du Forum marocain dignité pour les droits de l’homme (FDDH) présenté mardi à la presse. Il dresse un bilan global de la situation des droits de l’homme et relève que, si quelques améliorations sont notables, il existe de graves violations des droits des islamistes. « En tant qu’association des droits de l’homme, nous considérons que les islamistes détenus ou poursuivis doivent avoir le même traitement que les autres, explique Abdeltif Halimy, président du FDDH. Nous avons beaucoup de cas très précis qui relatent des maltraitances et des violences commises par la police ou la gendarmerie. On parle aussi d’enlèvements et de viols. Il arrive que des gens décèdent dans des lieux de détention connus ou non, car au Maroc il existe des prisons secrètes. »

« Audiences rapides, jugements très sévères »

Abdeltif Halimy défend depuis une dizaine d’années des islamistes, en précisant qu’aucun d’entre eux n’a commis de violences. Pour lui, il faut faire le distinguo entre deux sortes de dossiers : « Il y a les islamistes impliqués dans un dossier de terrorisme et ceux qui n’ont rien à voir avec de telles activités ». Dans le premier cas, il note que les islamistes tombent sous le coup de la loi antiterroriste. « Elle est plus dure, elle restreint les droits apportés par la législation sur la procédure pénale : la garde à vue n’est pas la même, mais ce que nous fustigeons ce sont les procès inéquitables, avec des audiences rapides, un non respect des droits de la défense et des jugements très sévères, surtout quand il s’agit de peines de mort, qui n’est toutefois plus appliquée depuis 1993 », commente Me Abdeltif Halimy.

En ce qui concerne les autres islamistes, « ils sont poursuivis sur la base du code pénal pour délit d’opinion (nous les appelons des détenus politiques) ou délit de droit commun », poursuit l’avocat. Entrent notamment dans cette catégorie le parti Attahir (Libération) et Al Adl Wal Ihssane (Justice et bienfaisance). Des membres d’Al Adl Wal Ihssane, toléré par le pouvoir mais non reconnu légalement, ont été condamnés, lundi et mardi, à 2 000 et 3 000 dirhams (environ 180 et 270 euros) d’amende pour avoir tenu « une réunion publique non autorisée ». Une source proche du dossier tient toutefois à souligner, sous couvert d’anonymat, que les islamistes provoquent les arrestations en défilant sans autorisation.

Le président du FDDH souligne que la situation d’Al Adl Wal Ihssane, qui refuse de reconnaître le roi Mohamed VI comme commandeur des croyants, a empiré : « Les arrestations ont toujours été nombreuses et elles durent depuis très longtemps, mais dernièrement des gens ont été arrêtés dans leur maison, alors que le domicile est inviolable. Mais, mardi, un responsable du parti a été acquitté par le même tribunal qui avait condamné des gens pour ce genre de réunions. Cela pourrait faire jurisprudence si la décision est confirmée en cour d’appel ».

Paranoïa, mais pas de chasse

Peut-on parler de chasse aux islamistes ? « Il y a de la répression, des poursuites sont engagées, mais parler de chasse contre les islamistes c’est beaucoup dire. Les islamistes qui agissent dans le cadre de la loi ne sont pas concernés », estime Me Abdeltif Halimy. Un membre de l’Association marocaine des droits de l’homme précise, sous couvert d’anonymat, qu’ils « sont particulièrement visés lors des vagues d’arrestation massives. Ils sont souvent arrêtés pour un oui ou pour un non, un simple soupçon tient souvent lieu de preuve. Il y a une sorte de paranoïa antiterroriste, que l’on voit des islamistes partout ».

S’exprimant sur la détention des islamistes, un employé de l’Observatoire national des prisons estime qu’ils « sont plutôt mieux traités par rapport aux détenus ordinaires. C’est difficile d’expliquer pourquoi, il y a peut-être un courant de sympathie des gardiens. Mais, globalement, tous les prisonniers sont traités incorrectement en raison des conditions de vie carcérales qui sont insuffisantes ». Pessimiste, le militant conclut : « Avant, c’était des militants de gauche qui étaient visés, mais aujourd’hui c’est plus le courant islamique. Je pense que l’on voit revenir, pour les islamistes, le type de répression qui a sévit durant les années de plomb ».

Se voulant rassurant, le Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH) souligne que la loi marocaine protège tout le monde de la même façon : « Pour tout ce qui touche au droit politique civil, tous les gens sont égaux, même les étrangers de passage. Les islamistes sont, dans les faits, traités comme les autre Marocains. S’il y a une atteinte aux droits, chacun peut nous le signaler et nous mènerons une enquête ».

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