Les circoncis mieux protégés contre le sida


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La circoncision réduirait de 60% le risque d’infection du virus du sida. C’est ce que révèlent trois études scientifiques présentées mercredi à Rome par l’Agence française de recherches sur le sida (ANRS). Ces études ont été conduites dans plusieurs pays d’Afrique notamment en Afrique du Sud et au Kenya. Une autre étude menée en Ouganda montre également que cette opération procurerait plus de plaisir aux hommes.

Le débat a longtemps fait rage. Des études présentées mercredi à la septième conférence de l’International Aids Society (IAS) à Rome confirment que la circoncision, qui consiste en l’ablation du prépuce qui est situé au bout du pénis, réduit au moins de 60% le risque de contraction du virus du sida. Elles ont été coordonnées par le Français Bertran Auvert, épidémiologiste de l’Inserm de la faculté de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et menées par les chercheurs sud-africains Dirk Taljaard de l’Institut Progressus et David Lewis de l’Institut national des maladies contagieuses. « Ce résultat démontre pour la première fois que la circoncision masculine appliquée à grande échelle est efficace pour lutter contre le VIH au niveau d’une communauté », a souligné Bertrand Auvert. Cette étude conforte les résultats de trois expériences conduites au Kenya et en Ouganda (2007) et en Afrique du Sud (2005). Les résultats avaient incité l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’ONUSIDA à recommander dès 2007 la circoncision comme stratégie de prévention dans les communautés fortement touchées par le VIH et ayant très peu recours à la circoncision.

Les femmes bénéficieraient de la réduction du risque

Bertrand Auvert s’est chargé lui-même de conduire les expériences sur 110 000 personnes en Afrique du Sud entre 2007 et 2010 auprès de la population adulte du bidonville d’Orange Farm, à 45 km de Johannesbourg. Selon Le Quotidien du médecin, une circoncision gratuite et médicalisée était proposée à tous les hommes volontaires âgés d’au moins 15 ans. L’intervention s’est aussi appuyée sur un programme d’information sur la prévention, incluant le dépistage, la distribution de préservatifs, et la promotion de la santé sexuelle et reproductive. Et sur une campagne massive en faveur de la circoncision avec interventions à la radio ou par haut-parleur, porte-à-porte, affichettes dans les stations de taxis ou encore les centres de santé… Une initiative qui a récolté ses fruits. Au cours des trois années de l’étude plus de 20 000 circoncisions ont été effectuées, ce qui a permis de faire passer la proportion d’hommes circoncis de 16 à 50 % parmi les 15-49 ans (59 % chez les 15-24 ans).

Ces résultats ont montré que les comportements sexuels, notamment l’usage des préservatifs, ne sont pas différents chez les hommes circoncis et non circoncis. En revanche, Bertrand Auvert a constaté que le risque d’infections était réduit de 76 % chez les circoncis. Selon le chercheur, si aucun homme n’avait été circoncis dans cette communauté pendant cette période, le nombre de nouveaux cas d’infection aurait été de 58% plus élevée. Il a également affirmé que les femmes, qui ne sont pas protégées directement par la circoncision de leur partenaire, devraient bénéficier indirectement de la réduction du risque. L’effet protecteur de la circoncision s’explique par la présence sur la surface interne du prépuce de cellules de Langerhans, facilement infectées par le VIH.

Les circoncis auraient plus de plaisir sexuel

Le professeur Auvert estime que « réduire le nombre de nouvelles infections va réduire les décès dus au sida mais aussi les besoins en traitements antirétroviraux. Cette étude montre enfin que la généralisation de la circoncision devrait être une priorité de santé publique en Afrique australe et de l’Est et qu’un engagement politique fort est nécessaire ». Les investigateurs sud-africains de l’étude, dont le Dr Dirk Taljaard, espère que ce changement de normes sociales introduites dans cette communauté soit « pérenne ». « Nous devrions bientôt détecter une réduction de l’infection des femmes ». Son compatriote le Professeur David Lewis s’est, pour sa part, réjoui de ce « résultat extraordinaire pour une intervention qui coûte 40 euros, prend 20 minutes et ne doit être faite qu’une seule fois dans la vie ».

La circoncision procurerait en outre d’avantage de satisfaction sexuelle aux hommes. C’est ce que révèle une autre étude conduite en 2009 par des chercheurs ougandais de l’université de Makerere sur 316 hommes.
Ces derniers ont été circoncis entre février et septembre 2009. Leur moyenne d’âge était de 22,7 ans. Un an après l’opération, 220 hommes circoncis étaient sexuellement actifs, dont 27,7% utilisaient des préservatifs. Près de 87,7% ont indiqué aux enquêteurs qu’il leur était plus facile d’atteindre un orgasme depuis qu’ils étaient circoncis. Et 92,3% qu’ils avaient davantage de satisfaction sexuelle.

Cependant nombre de chercheurs à Rome ont insisté sur le fait que la circoncision devait être complémentaire d’un autre moyen de prévention. « Arrêtons de penser qu’un outil de prévention va suffire », a souligné Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008. « Si on veut diminuer l’incidence de l’infection dans le monde, ça ne va pas être la circoncision toute seule, les préservatifs tout seuls, le traitement comme prévention tout seul : c’est un ensemble, dont font partie aussi l’éducation et la lutte contre la stigmatisation », a-t-elle expliqué. Selon elle, « il ne faut pas se leurrer, même quand on aura une possibilité de cure (rémission), ce que j’espère, même quand on aura un vaccin, ce ne seront que des outils supplémentaires à rajouter dans le circuit ».

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