Les chaudes soirées de Brazza


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Vue aérienne de Brazzaville
Vue aérienne de Brazzaville

Le Bataclan Bar est un bar dancing bien singulier perché en terrasse d’un immeuble d’un quartier populaire de Brazzaville. Ici, pas de touristes. L’endroit, ouvert 7 jours sur 7, est fréquenté par les Congolais de base. Ils y retrouvent alcool, boissons et musique à fond, ingrédients obligés de ce bouillonnant lieu de vie. Reportage.

De Brazzaville

Comment sortir à moindre frais quand on est un Congolais et qu’on veut faire la fête ? La solution réside en trois mots : « Le Bataclan Bar ». Loin du « Ramdam » ou du « Diplomate », boîtes de nuit pour les étrangers, l’ambiance y est 100% populaire. C’est donc là que le peuple s’amuse, en plein cœur de Brazza(ville) dans l’arrondissement de Mougali, juste à la lisière de Poto-Poto.

Ici pas de formalisme : tant que vous savez vous tenir (les bagarres sont, paraît-il, assez rares) et que vous prenez au moins une consommation, vous êtes le bienvenu. Vous pouvez entrer habillé comme vous voulez, costume-cravate si ça vous chante, tapettes-survêtement si vous voulez être comme à la maison. Vous pouvez même entrer avec la viande grillée ou le sandwich que vous avez acheté juste à l’entrée. Pas de problème. C’est par un petit escalier, après une brève fouille au corps, que l’on pénètre dans les lieux. Ceux qui montent et ceux qui descendent se frayent mutuellement un passage. En rouge sur fond jaune, le logo Primus (bière locale), peint à même le mur, est omniprésent.

Tables encombrées de bouteilles

La différence avec les bars-dancing classiques est qu’il n’y a pas de verre. Une particularité dont on se rend compte une fois qu’on nous a servi notre consommation. Ici, donc, on boit directement à la bouteille. Essentiellement de la bière, Primus, vous l’aurez compris, mais aussi Ngok, Mutzig et Turbo King. Et pas de bouteille de petit joueur : que du 75 cl (sauf la Guiness, 33 cl). Hommes et femmes confondus (la moyenne d’âge doit être d’une vingtaine d’années) affichent tous sereinement une redoutable descente. Et pas question de débarrasser. Plus la table est encombrée de bouteille, mieux c’est. Signe extérieur de richesse, cela prouve que vous êtes, comme diraient les toujours très fantasques coupeur-décaleurs ivoiriens, des SDF (Sans Difficulté Financière) et non un « individu » (mot très péjoratif au Congo).

Nous sommes sur la terrasse d’un bâtiment de deux étages qui surplombe tout le quartier. Les tables basses (faites maison) et les chaises en plastique disposées en un large U à ciel ouvert, encadrent une piste de danse couverte. Les haut-parleurs, dont un est accroché à l’extérieur de la terrasse, crachent du zouk à plein volume. Les riverains ont intérêt à avoir le sommeil plutôt lourd. D’autant qu’ils n’ont aucun répit : l’endroit est ouvert 7 jours sur 7. A l’heure où le coeur de la ville bat, pour une semaine, au rythme du 5e Festival panafricain de musique (Fespam, 9 au 16 juillet), ici, c’est le Fespam tous les jours.

Danser comme à la maison

La faune des lieux est hétéroclite et bigarrée. Petite moustache, tiré à quatre épingles, cravate et costume de très bonne facture, un homme d’une trentaine d’années détonne pourtant parmi les clients. Car beaucoup n’ont pas pris la peine de se changer pour sortir. Si la température est plutôt clémente (25 degrés), certains sont étrangement venus en bonnet. Comme ce danseur sur la piste avec son maillot de football rouge Reebok. Ou comme ce type assis au bord de la piste et fumant une cigarette comme s’il attendait le bus. Le mot d’ordre est d’être « à l’aise ». Vous pouvez danser, regarder danser, boire, parler (difficilement à cause de la musique) ou même dormir. Comme ce jeune en survêtement gris Adidas, qui roupille paisiblement couché la tête entre les bras sur sa table. Ou cet autre, la joue posée sur la paume de la main qui dort comme en classe.

Sur la piste, près de 50 personnes. A la sono, c’est la section zouk, qui précède invariablement la partie salsa et évidemment la musique congolaise. Ça danse collé-serré, les mouvements sont même parfois dangereusement suggestifs. D’autant que les filles sont, comme on pourrait s’en douter, habillées très près de corps. Mais pas besoin forcément d’une femme pour danser le zouk love. Tous seuls, trois ou quatre gus, les yeux fermés, kiffent le son en solo. On peut soupçonner tout de même que certains sont largement imbibés de houblon, à l’image de cet homme, à la barbe de braconnier, tout de jean vêtu. Des grosses gouttes de sueur perlent sur son front alors que, dansant au ralenti, on ne peut raisonnablement pas dire qu’il se défonce sur la piste.

Et pas besoin d’aller sur la piste. Quand un morceau vous plaît, levez-vous et dansez là où vous êtes avec votre bouteille à la main et ça fera l’affaire. Ou alors restez assis(e) et trémoussez-vous langoureusement sur votre chaise. Tout le monde est cool, sauf les serveurs avares en sourire. Il faut dire qu’ils ont beaucoup de travail. Toujours sur le grill, ils débarrassent les tables, portent les (nombreux) casiers de bouteilles, pleins ou vides et prennent les commandes, sans même parler, en vous interrogeant juste du menton. 600 FCFA le soda, 750 FCFA la bière. Les plus raisonnables s’en tireront avec une facture très légère, les autres rinceront, « avec honneur », leur porte-monnaie. Tous rentreront contents de cette soirée de détente ordinaire.

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