Le polar par Mamady Sidibe


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L'inspecteur Sori en pleine action
L'inspecteur Sori en pleine action

Mamady Sidibe est le réalisateur d’Inspecteur Sori, le premier polar dont les personnages principaux sont exclusivement campés par des acteurs noirs. Le cinéaste guinéen nous y entraînera, fin 2004, dans le quotidien d’une brigade criminelle de la capitale gabonaise, Libreville. Zoom sur les origines d’une première.

En 1994, Mamady Sidibe est lauréat du concours international du scénario du Festival suisse de Lucarno pour Birin Nato ou le silence des Palombes. Un scénario pour lequel il avait déjà obtenu, en 1992, une aide à l’écriture du Centre National de Cinématographie (CNC, France). C’est un tournant décisif dans son aventure cinématographique. Né, à quelques kilomètres de la frontière ivoiro-guinéenne, celui qui se targue de n’être qu’un « travailleur immigré » en France, a vécu son adolescence en Côte d’Ivoire. Son ivorian dream. De cette parenthèse presque enchantée, il gardera le souvenir du commissaire Marc-Etienne Diolo qui le recueille au détour de ses pérégrinations dans Adjamé (quartier populaire de la ville d’Abidjan) où il échoue sans le sou. Avec Inspecteur Sori, c’est un pan de son enfance que le cinéaste guinéen révèle mais surtout son engagement pour la « cause noire ».

Afrik : Comment vous est venue l’idée de ce polar 100% africain ?

Mamady Sidibe : J’étais tout simplement fâché. Il fallait entreprendre quelque chose pour mettre en exergue les acteurs noirs dans notre paysage audiovisuel. Quand on n’est pas invité à la chasse, on braconne. Par ailleurs, c’est trop facile de reprocher aux chaînes généralistes de ne pas nous inclure dans leur programmation alors que nous ne leur proposons rien. Je suis parti sur l’idée du polar parce que c’est un concept assez universel.

Afrik : Quel public visez-vous ?

Mamady Sidibe : En réalisant un polar rien qu’avec des Africains, il est évident que je vise un public africain, la diaspora africaine et toutes les personnes sensibles à la problématique noire.

Afrik : Comment Inspecteur Sori, alias Damaro, a pris concrètement forme ?

Mamady Sidibe : Damaro ressemblait trop à Navarro (série policière diffusée en France, ndlr). Le projet a été initialement construit pour Abidjan. J’ai été recueilli par un commissaire, Marc-Etienne Diolo, en Côte d’Ivoire, lorsque j’étais jeune. Le projet est né en 1999. Le ministère des Affaires étrangères m’avait alors attribué une bourse pour le présenter à l’Ina (l’Institut national de l’audiovisuel France, ndlr). Les formateurs ne l’ont d’ailleurs pas aimé parce qu’ils l’ont trouvé trop abouti. Sans l’appui financier de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie et surtout de Charles Mensah, le directeur du Centre national du cinéma du Gabon, cette idée ne se serait jamais concrétisée. Le pilote de la série a été tourné, en 2001, au Burkina Faso. Inspecteur Sori, c’est 12 épisodes de 52 minutes.

Afrik : Quels sont les personnages récurrents de la série ?

Mamady Sidibe : Eriq Ebouaney incarne l’inspecteur Kamara Sori. Sa coéquipière, le lieutenant Sali Keita, n’est autre que la belle Nadège Beausson-Diagne. Maka Koto est le directeur de la P.J (Police Judiciaire, ndlr). Il a le rôle du commissaire Diolo. C’est l’ambiance d’un commissariat gabonais qui a été recréée. L’intrigue du premier épisode tourne autour d’un tueur en série campé par Passi (musicien et producteur d’origine congolaise, ndlr). Ce dernier est également l’auteur du générique de la série. Jean Claude M’Paka, Serge Abessoko et Philippe Mory sont respectivement les inspecteurs Bozo, Blaise et le médecin légiste.

Afrik : Vous avez réuni une belle brochette d’artistes. Comment êtes-vous arrivé à convaincre tout ce beau monde ?

Mamady Sidibe : C’est d’abord le projet qui les a conquis. Je suis une espèce de loup solitaire qui n’appartient à aucune meute. Il a donc fallu que j’intègre une famille.

Afrik : Quand et où pourra-t-on voir Inspecteur Sori ?

Mamady Sidibe : La fin du tournage est prévue pour février-mars 2004 à Libreville. Nous y achèverons les extérieurs. La première de la série aura lieu dans la capitale gabonaise fin 2004. J’ai déjà quelques pistes de chaînes françaises et africaines. Les Sud-Africains sont également très intéressés par la série. Nous pensons plus tard en réaliser une synthèse pour en faire un long métrage pour le cinéma.

Afrik : Quels sont vos projets ?

Mamady Sidibe : Je suis en train de préparer un sitcom qui sera diffusée en France avec des personnages récurrents noirs et blancs avec, entre autres, Dieudonné, Passi et Eriq Ebounaney. Et puis j’essaie d’ouvrir une brêche vers les Etats-Unis.

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